La Laure de Kiev, si russe, en effet …
Par Marc Rousset
C’est une analyse de la question ukrainienne assez radicale que Marc Rousset nous propose ici. Elle est intéressante, mérite réflexion et sans-doute débat. Est-il si sûr que la Russie veuille actuellement, stricto sensu, « récupérer » l’Ukraine ? Le souhaite-t-elle ? Est-ce sa politique ? Est-ce seulement possible dans le contexte géopolitique mondial ? Cependant, Lafautearousseau a adopté au coeur de la crise ukrainienne une analyse très voisine de celle de Marc Rousset. On pourra s’y reporter*. De toute façon, ce qui doit nous guider ici, en dehors de toute russophobie ou russophilie, ce sont les seuls intérêts de la France. Or un rapprochement avec la Russie est actuellement dans l’intérêt de la France. LFAR
De retour de Kiev et Odessa, nous pouvons dire que le calme le plus absolu règne en Ukraine, exception faite du sanglant conflit armé dans le Donetsk.
Mais il faut se méfier de l’eau qui dort. L’Ukraine est en faillite et ses dirigeants actuels corrompus, arrivés au pouvoir suite au coup d’État de la place Maïdan – derrière lequel était la CIA, comme l’a affirmé Poutine lors de sa longue interview par le célèbre journaliste américain Oliver Stone en 2017, et comme évoqué dans une tribune de Mediapart, toujours en 2017 -, conduisent un pays mécontent dont la majorité des habitants est pro-russe, dans une impasse géopolitique polono-états-unienne.
Tous les Ukrainiens sans exception parlent et comprennent le russe, qui est la langue dominante dans les grandes villes telles que Kharkiv, Kiev et Odessa. Jusqu’aux invasions tartaro-mongoles du XIIIe siècle, le russe, le biélorusse et l’ukrainien ne formaient qu’une seule langue commune. L’ukrainien, très proche du russe, s’écrit avec le même alphabet cyrillique. En fait, seule la Galicie, très longtemps polonaise ou austro-hongroise, regarde davantage à l’ouest qu’à l’est.
La Russie est née avec la Rous’ de Kiev (882-1169) lorsque le prince varègue Oleg, venu de Novgorod, s’empare de Kiev en 882 pour former un des plus grands États d’Europe au Xe siècle, de la Baltique à la mer Noire. La Russie devient chrétienne orthodoxe lors de la conversion, en 988, du prince Vladimir de la Rous’ de Kiev à Kherson, dans le sud de l’Ukraine. Aujourd’hui, l’Ukraine est un pays majoritairement orthodoxe.
L’Ukraine bascula du côté russe lors de la révolte du cosaque zaporogue Bohdan Khmelnitski contre la domination polonaise lorsqu’il décida de s’allier, en 1654, avec la Russie et lorsqu’en 1709, les 45.000 hommes de Pierre le Grand écrasèrent, à la fameuse bataille de Poltava, les troupes du cosaque zaporogue Mazepa qui s’était allié à l’armée de Charles XII de Suède. Odessa fut fondée par Catherine II à la place d’une forteresse turque conquise par les Russes en 1792.
Quant à la Crimée, elle a toujours été russe depuis que le khanat de Crimée a été vaincu en 1774 par les troupes russes de Catherine II. Elle a été seulement ukrainienne dans le cadre de l’URSS lorsque Khrouchtchev, en 1954, décida de faire don de la Crimée à l’Ukraine pour fêter les 300 ans du pacte militaire signé par Bohdan Khmelnitski.
L’Ukraine, nonobstant son origine russe, a donc été sous souveraineté russe durant trois siècles, de 1654 à 1991. Seul l’écroulement de l’URSS a abouti à la création de l’Ukraine, comme État indépendant.
Gogol, Boulgakov, Prokofiev que tout le monde considère comme des Russes sont, en fait, d’origine ukrainienne. Pour Gogol, qui n’a jamais soutenu une idée patriotique ukrainienne, les cosaques ne sont pas l’expression du patriotisme ukrainien mais de l’esprit russe.
Face à la Chine en Sibérie, face au monde musulman de l’Asie centrale, du Caucase et de la Turquie, l’Europe de l’Ouest a besoin d’un chien de garde de 200 millions d’habitants à l’Est qui ne peut être qu’une Russie comprenant de nouveau l’Ukraine et la Biélorussie. L’Ukraine, n’en déplaise à la Pologne, à l’OTAN, aux États-Unis et à la pensée unique, est russe et doit redevenir russe ! ■
A lire ….
Économiste
Ancien haut dirigeant d’entreprise
Dommage de ne pas expliquer les cathos d’Ukraine. Sont-ils Polonais ?
Comme c’est étrange : le manteau de Noé est jeté sur toute la partie occidentale de l ‘Ukraine , volée aux Polonais sous Staline mais , politiques et médias hystérisent la réintégration – ratifiée par voie référendaire – de la Crimée à la Russie . Staline : oui , Poutine : non . Voilà où nos en sommes !
Richard a bien raison. Personne ne pipait mot du temps de l’URSS.
Rousset aussi a raison : l’Ukraine est surtout russe,même si à l’Ouest elle serait plutôt polonaise.
Mais ce sont des territoires qui n’ont cessé d’être partagés, de passer de mains en mains.
RURIK fondateur de Kiev, sa petite fille Olga, qui poussa son mari à se convertir à la religion Chrétienne, puis leur petite fille ANNE qui épousa Henri Ier, Roi de France la question pourrait être: L’Ukraine est elle Russe ou bien la Russie est elle Ukrainienne.??? . Marc ROUSSET a raison, il serait logique de recréer une grande Russie Chrétienne avec la Biélorussie et l’Ukraine., certes majoritairement Orthodoxe , mais avec une minorité Catholique et Uniate, représentatives.
l’Ukraine est en grande partie russophone mais il est probable qu’elle ne veuille pas devenir russe pour autant. Seule une vraie consultation libre oblast par oblast pourrait mettre en évidence la volonté réelle de devenir russe ou entrer en tant que telle dans la Fédération de Russie pour en devenir membre sur un pied d’égalité.
Marc Rousset a raison de citer l’intérêt de la France, avant tout, dans la gestion de l’affaire Ukrainienne. L’intérêt de la France, à mon avis, est principalement en Europe, une Europe unie de préférence même si cela devient compliqué ces temps-ci car chaque nation a son idée sur l’Europe laquelle est donc loin d’être unie et est même en train de se désunir (voir les questions migratoires extra-européennes, le Bexit, la défiance des pays du groupe de Visegrad vis-à-vis de l’UE de Bruxelles et de la France de Macron, entre autres).
Mais je ne pense pas que l’intérêt de la France soit, comme l’affirme trop vite Marc Rousset, dans l’annexion ou la réunification (selon le terme que l’on préfère) de l’Ukraine, la Biélorussie et pourquoi pas la Georgie et d’autres pays encore qui sont frontaliers géographiquement de la Russie) avec la Russie.
La Russie est déjà assez grande comme cela et ne gère pas très bien son immense territoire et ses populations diverses qui sont guère mieux traitées aujourd’hui que sous les tsars. A mon avis, il serait plutôt dans l’intérêt de la France que ces pays frontaliers de la Russie restent ou deviennent plus indépendants de la Russie, de façon à former un tampon entre cette dernière et l’Europe.
La France et l’Europe auraient beaucoup à gagner à l’indépendance de ces pays. Ainsi, les frontières de la Russie seraient reculées vers l’Est et la sécurité européenne mieux assurée.
Rétrospectivement, c’était une erreur politique d’avoir laisser croire avant la crise ukrainienne, que l’Ukraine pourrait rejoindre un jour l’OTAN voire aussi l’Union Européenne et la même chose pour la Géorgie. Cela revenait à agiter un chiffon rouge au nez de Poutine comme devant un taureau sur la défensive.
Avec l’expérience de l’annexion de la Crimée par la Russie, la guerre déclenchée par la Russie en Géorgie et la guerre latente qu’elle entretient dans le Dombass, l’intérêt de la France et de l’Europe serait plutôt dans une sorte de « ni-ni » : ni la Russie, ni l’Union Européenne, ni l’OTAN pour les pays à l’Est de l’Europe, frontaliers de la Russie et anciennement intégrés à cette dernière plus par la force qu’avec leur accord.
Il faudrait un trop long commentaire pour expliquer la nature de mes désaccords avec les analyses de Gilbert Claret – par ailleurs intéressantes.
Mais pourquoi rejette-t-il la Russie hors de l’Europe et pourquoi la redoute-t-il ? Elle ne nous menace en aucune façon et ne nous menacerait pas davantage si elle recouvrait son aire d’influence traditionnelle où, au moins, elle serait sans-doute capable de restaurer un certain ordre.
L’intérêt de la France en Europe est d’abord l’ordre et la paix. Il est ensuite d’équilibrer dans son panel d’alliances le poids de l’Allemagne et celui des Etats-Unis. Sans compter celui de la Chine,
A la vérité, comme à l’examen et compte-tenu de mon expérience personnelle, »in situ »,je me sens plus proche des analyses exprimées par Gilbert Claret,que par celles d' »Anatole »(?).
Plus particulièrement, je pense à une influence française souhaitable et non subie d’une part,mais d’autre part au sort quelque peu oublié,-mais important-, de l’Eglise catholique uniate et romaine en Ukraine.
La menace ne vient plus de l’Est, elle vient du Sud. Et cette menace est approuvée, encouragée, accélérée par les ennemis de l’intérieur. Idéologie oblige !
Afin de dissiper un malentendu, je ne considère pas la Russie comme une ennemie ou une menace et d’ailleurs la France et la Russie ont une longue histoire d’estime et d’amitié réciproques ainsi que beaucoup d’affinités culturelles et artistiques. Les deux pays ont été alliés militairement depuis les tsar Alexandre III et Nicolas II. La Russie n’est plus l’ogre soviétique rêvant d’imposer l’ordre communiste heureusement disparu. Il ne s’agit donc pas d’exclure la Russie de l’Europe dont elle fait partie d’une certaine manière, en partie au moins.
Mais le problème est ailleurs. Compte tenu de son immensité territoriale et aussi de l’importance de sa population (malgré un certain déclin démographique depuis quelques décennies), la Russie a toujours eu tendance à dominer voire écraser ses voisins politiquement. Est-il utile pour la paix en Europe d’accroître la puissance russe à nos frontières en lui permettant de ré-annexer ses voisins immédiats qui aspirent à plus d’autonomie et d’indépendance ?