Par Javier Portella
Au plus chaud de la crise catalane – l’été et l’automne derniers – Javier Portella a souvent éclairé nos propres articles sur les événements d’Espagne, de sa compétence, de sa connaissance des dossiers et du terrain, de ses analyses données dans Boulevard Voltaire. Voici qu’il apporte ici un éclairage neuf à ce qu’il appelle avec simplicité « l’affaire de la dépouille du Caudillo ». L’indignation, les rappels de ce qu’il y eut de positif dans l’action passée de Franco sont insuffisants, rabâchage. Javier Portella – notre confrère espagnol – parle du présent, du régime en place, des perspectives d’avenir. [Boulevard Voltaire, 27.08]. N’oublions pas que la France est intéressée à la stabilité et à l’avenir de l’Espagne. LFAR
La figure de Franco est, finalement, ce qui importe le moins dans l’affaire de la dépouille du Caudillo qu’un certain Sánchez (socialiste ayant le pouvoir grâce aux voix des communistes et des séparatistes) veut exhumer de son tombeau au Valle de los Caídos. Ce qui importe par-dessus tout, ce n’est même pas la mise en accusation du régime franquiste. Ou si celle-ci importe, c’est pour une autre raison : pour laver le péché originel du régime actuel et pour consacrer l’une des plus grandes falsifications historiques.
Le péché originel du régime consiste en ceci : le Caudillo est mort dans son lit, personne ne l’a renversé et c’est bien le franquisme qui a lui-même enfanté, tout compte fait, le nouveau régime libéral, aucun des opposants à Franco – réduits à une insignifiante minorité sociale – n’y ayant joué le moindre rôle. Les gens de gauche ne s’en sont pas encore remis. L’amertume et le ressentiment, voire la haine, envers « l’autre Espagne » ont rempli leurs cœurs (tandis que la droite libérale, craignant d’être accusée de franquiste, se faisait toute petite) et ils ont fini par rompre le pacte tacite signé en 1977 entre les deux Espagne : on tourne la page, on enterre la guerre civile, on oublie les massacres commis de part et autre, les uns pardonnent l’assassinat de Lorca ; les autres, celui de Ramiro de Maeztu et de Pedro Muñoz Seca.
Ah, ne savez-vous pas qui sont ces deux derniers (et grands) auteurs ? Peut-être ne saviez-vous pas, non plus, que des massacres épouvantables ont été commis par les blanches ouailles d’une République dite démocratique et prise d’assaut par les méchants « fascistes » ? C’est normal : depuis quatre-vingts ans, c’est la seule voix des vaincus de la guerre qui a été répandue partout en Europe. Seule leur version des faits a été offerte.
C’est cette version – cette falsification historique – que la profanation de la tombe de Franco prétend ratifier. En faisant fi du pacte de réconciliation entre les deux Espagne, cette falsification est aujourd’hui, depuis les médias jusqu’à l’enseignement, constamment répandue partout. En Espagne, mais à l’étranger également. C’est ainsi que, le 24 août dernier, l’essayiste Thierry Wolton écrivait, par exemple, dans les colonnes du Figaro : « Que Franco soit responsable de la guerre civile de 1936-1939 pour s’être levé contre un gouvernement républicain démocratiquement élu est une vérité. »
Non, ce n’est aucune vérité. D’abord, parce que le gouvernement « démocratiquement élu » lors des élections de février 1936 avait vaincu grâce à un truquage électoral suffisamment prouvé par les historiens. Ensuite, et plus essentiellement, parce que l’enjeu, lors du soulèvement de Franco et des autres militaires, ce n’était pas du tout de contrer la démocratie. C’était de barrer la route à la révolution communiste que les socialistes et leurs alliés au pouvoir – leurs proclamations sont explicites – allaient entreprendre après leur premier coup d’essai échoué deux ans auparavant.
Quoi qu’il en soit, comment justifier, dira-t-on, la présence de la tombe du chef d’un État nullement démocratique dans un haut lieu comme le monastère du Valle de los Caídos (l’un des rares chefs-d’œuvre, d’ailleurs, d’une modernité dont l’architecture n’en connaît presque pas) ? À ce compte-là, si les monuments ne pouvaient accueillir que les tombes de dirigeants démocratiques, ce sont d’innombrables exhumations qu’il faudrait entreprendre d’urgence. À commencer par la tombe, aux Invalides, d’un certain empereur et en poursuivant, à l’Escurial, par celles des rois d’Espagne, les révolutionnaires français ayant depuis longtemps devancé monsieur Sánchez et s’étant chargés de la besogne pour ce qui est des tombes des rois de France à Saint-Denis. ■
Écrivain et journaliste espagnol
Utile mise au point de Javier Portella sur le contexte des élections espagnoles de Février 1936 .
A titre de complément , extrait de » Ce qu’on ne vous a jamais dit sur La guerre d ‘ Espagne »
page 21 ( Christophe Dolbeau ) _ collection xénophon _ )
» Le 15 Janvier , la gauche annonce la signature d’un pacte de Front populaire ; le ton se fait de plus en plus inquiétant : » Nous ne respecteront pas la vie de nos ennemis comme nous l ‘avons fait le 14 Avril 1931 ( NDLR : abolition de la Monarchie espagnole ) . Si la droite ne perd pas les élections , nous emploieront d’autres moyens pour l ‘ anéantir » , avertit El Socialista .
« Cet homme vient de parler ici pour la dernière fois ! » . Dolores Ibarruri « La Passionaria » à Calvo Sotello, aux Cortès.
Et, de fait…
Cher Pierre… En effet Dolores Ibarruri avait l’injure et la menace facile (on est terroriste ou on ne l’est pas, et la Terreur, c’est bien une invention de la Révolution, n’est-ce pas ?). Cependant, pour être tout à fait exact, si La Pasionaria a bien vociféré ce que tu écris après le discours de Calvo Sotelo, c’est cependant contre José-Maria Gil Robles que fut faite la fameuse menace : “morira con los zapatos puestos”, c’est-à-dire « il mourra avec ses chaussures au pied », sous-entendu : assassiné, et pas dans son lit, pas de mort naturelle. Charmant ! Curieusement, cette menace de mort, entendue par tous, ne fut pas reproduite dans le « Diario de Sesiones », c’est-à-dire le Journal des Débats, mais elle ne le fut que le jour suivant, et dans l’édition de la très révolutionnaire feuille « Mundo Obrero », « Monde ouvrier »…
Ces propos ne sont sans doute pas très politiquement corrects, mais il convient tout de même de rappeler que sans Franco, c’était sans doute une dictature communiste qui s’installait au sud des Pyrénées. L’on connaît les méthodes du parti communiste espagnol, pratiquant allègrement l’assassinat politique, noyauté qu’il était par des agents soviétiques dont le sinistre français Marty. Il ne s’agit pas d’excuser ou d’oublier les exactions commises par les franquistes, dénoncées en son temps par Bernanos, mais elles n’ont pas été pires que celles commises par les républicains, le nombre des victimes s’équilibrant, ces horreurs étant hélas l’ordinaire de toute guerre civile. Thierry Wolton rappelait récemment que Moscou expérimentait en Espagne les méthodes de conquête du pouvoir qui seront appliquées après la fin de la seconde guerre mondiale dans les pays de l’est sur lesquels allait s’abattre la glaciation stalinienne.
Vous avez raison : bien loin devant Franco, le premier exterminateur de républicains espagnols, et finalement de la République espagnole elle-même, c’est… le Parti Communiste espagnol, à la solde du Komintern, directement dirigé par Staline depuis Moscou. Les communistes ont d’abord méthodiquement éliminé les anarchistes (par exemple Durruti), puis les socialistes, puis se sont battus entre eux : Franco, en « exterminateur de rouges », n’arrive que loin derrière !….
Ces ignares au pouvoir en Espagne jouent avec le feu qui les embrasera tôt ou tard. Sanchez, un dadais de province vampirisé par les extrémistes et les indépendantistes basques et catalans sera bientôt éjecté par une population excédée de voir ces apparatchiks incapables de régler les problèmes socio-économiques.du pays .Pour faire diversion ces pyromanes ressortent les dossiers moisis de la guerre civile. Une chose est sûre, il ferait bien de lire les mémoires de Luis Bunuel, le grand cinéaste hispano-mexicain. Bien que républicain, Bunuel condamne avec force les assassinats et meurtres commis par les républicains, les communistes et les anarchistes sans oublier, bien sûr, ceux perpétrés par les partisans de Franco.