Jean de France, Duc de Vendôme MELANIE FREY/Le Figaro Magazine
Le Duc de Vendôme a publié un article dans le Figaro du 7 octobre qui mérite de notre part toute notre attention, car il s’intéresse dans ce texte aux institutions actuelles de la France.
Nul n’est mieux placé que lui pour aborder ce sujet et c’est pour nous une bonne nouvelle que de voir notre Dauphin faire connaître sa pensée en termes mesurés mais pleins de sens. Il rappelle que la Constitution de 1958 avait été rédigée pour revenir à un modèle parlementaire équilibré dans la ligne de la Charte de 1815 : un régime doté d’une représentation permanente, mais dans lequel le chef de l’Etat ne soit pas seulement un symbole mais un arbitre, « garant de la continuité et de l’indépendance nationale ». Une définition à la quelle la monarchie traditionnelle correspond parfaitement. La permanence du Souverain, en cas de désaccord avec les assemblées, était assurée par le recours au référendum dont il gardait l’initiative.
Malheureusement, comme le montre le Prince, le Général de Gaulle institua l’élection du président au suffrage universel ce qui accentua le caractère partisan du régime, dans lequel le président devient l’élu « des uns contre les autres » et « le chef du parti majoritaire ». Ainsi nous dit le Dauphin, « le caractère arbitral n’est plus assuré ». De plus ajouterions-nous, l’absence de soutien populaire a conduit à renoncer au référendum. Le régime est donc gravement bloqué.
Le Prince conclut en envisageant l’hypothèse où la Constitution pourrait être réformée pour accomplir pleinement les buts pour lesquels elle avait été rédigée, qui est la perpétuation de la France dans son indépendance retrouvée. Nous connaissons les conditions nécessaires pour que notre pays retrouve sa voie naturelle. LFAR
La Constitution de 1958 fête ses 60 ans.
Dans notre pays, qui a adopté puis rejeté rapidement beaucoup de textes constitutionnels, cette longévité, qui fait de la Vème République le régime le plus long de notre histoire moderne après la IIIème République, est très appréciable. Surtout, les institutions approuvées par le peuple français le 28 septembre 1958 s’inscrivent dans la longue durée du régime parlementaire, fondé sous la Restauration, renforcé par la Monarchie de Juillet et qui avait été rétabli après le Second Empire dans l’attente du comte de Chambord. Le «grand refus» du prétendant et les circonstances politiques qui ont suivi, ont déséquilibré le régime que la monarchie royale devait équilibrer et le régime parlementaire s’est mué en régime d’assemblée sans que la IVème République ne parvienne à donner de la force aux gouvernements qui se succédaient.
En 1958, la Constitution de la Vème République a offert à la France ce qui lui manquait depuis 1877: un chef d’État arbitral, garant de la continuité et de l’indépendance nationale, véritable clef de voûte des institutions. Cette Constitution demeurait fondamentalement parlementaire puisque le principe de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale était réaffirmé. Mais elle renforçait la démocratie en prévoyant le recours au référendum. D’éminents juristes ont considéré que la nouvelle Constitution instituait une monarchie démocratique et parlementaire, d’inspiration orléaniste – une Constitution devenue monarchie élective depuis que le Président est élu au suffrage universel.
Jusqu’en 1969, le système institutionnel de notre pays impressionne par sa cohérence – même si l’autorité judiciaire reste par trop soumise aux injonctions de l’exécutif. La Constitution politique est adossée à une organisation administrative, héritage de l’Ancien régime, du Consulat et de la Restauration puisque Louis XVIII avait décidé de conserver l’acquis napoléonien. Cette administration forte, mais soumise au pouvoir politique, appuie le projet économique et social conçu pendant la Résistance et mis en œuvre à la Libération.
Cependant, notre Constitution a révélé ses failles après le départ du général de Gaulle.
La première tient au fait, déjà établi lors de l’élection présidentielle de 1965, que le président de la République est l’élu des uns contre les autres. Certes, le chef de l’État peut se hausser à la hauteur de sa fonction et incarner l’unité de la nation, mais en de trop rares moments de crise et sans jamais parvenir à se libérer de ses amitiés partisanes. La clef de voûte établie par la monarchie élective est fragile.
La seconde résulte de la rivalité qui s’installe entre les deux pôles du pouvoir exécutif. Confit entre Jacques Chaban-Delmas et Georges Pompidou, entre Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing, entre Michel Rocard et François Mitterrand: hors des périodes de cohabitation, qui montrent la souplesse des institutions et rappellent leur nature parlementaire, ces guerres intestines ont gravement nui au fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
Ces failles n’ont pas été comblées par l’élection quinquennale du président de la République. Au contraire, un déséquilibre profond s’est installé dans nos institutions, aggravé par le fait que les élections législatives se déroulent immédiatement après l’élection présidentielle. Le temps du chef de l’État se confond avec le temps du Premier ministre et avec celui de l’Assemblée nationale, et il est scandé par les mêmes échéances électorales. Selon une logique implacable, le président de la République a pris en charge toute la politique de la nation au détriment du Premier ministre en titre et le chef de l’État est devenu, plus directement que jamais, le chef du parti majoritaire. La fonction arbitrale, qui se confond avec celle de chef de l’État dans notre tradition millénaire, n’est plus assumée de manière effective. Dès lors, il n’est pas étonnant que les Français, attachés à la symbolique politique, se prononcent à chaque élection présidentielle par des votes de rejet plus que d’adhésion.
Malgré ses failles et ses dérives, notre Constitution n’est pas à abolir mais à transformer et à accomplir dans la perspective, inaboutie, que le général de Gaulle avait tracée au cours de son long dialogue avec mon grand-père. Je souhaite, dans la continuité des déclarations de mon grand-père et de mon père, que l’État soit, à nouveau, rétabli dans son indépendance selon sa vocation arbitrale afin qu’il soit pleinement au service de la France et des Français. ■
Jean de France, Duc de Vendôme
Domaine Royal, Dreux, le 7 octobre 2018
Le Prince rappelle très opportunément en un anniversaire symbolique que la solution royale existe, qu’elle est toujours disponible et qu’il l’incarne pour l’avenir. Personnellement, je ne crois pas qu’elle puisse apparaître nécessaire par temps calme ou à peu près calme. Je ne crois pas qu’elle puisse s’imposer par une action de paisible persuasion des Français. Il y faudrait la participation des médias et la passivité des politiciens en poste. Par temps calme, cela me semble tout à fait impossible. Le recours au Prince -comme jadis à De Gaulle – me paraît ne pouvoir prendre corps dans les esprits que par temps de crise. On peut le déplorer mais c’est comme ça, me semble-t-il. En cas de crise comme en 58 tout devient possible. Nous sommes encore un certain nombre à l’avoir vécu : le régime se rend. Et le peuple approuve et même applaudit celui qui vient. En 58, il y avait De Gaulle. Il n’y a plus de De Gaulle.
Le républicain – un peu gaullien – que suis est en totale harmonie avec la vision équilibrée et très pertinente du Duc de Vendôme. Cela fait du bien par ces temps plutôt glauques.
La version originale de la Constitution de 1958 élit le chef de l’Etat au Congrès.
C’est la procédure la moins défavorable à une ré-instauration de la monarchie constitutionnelle. Jean d’Orléans le sait.
Outre l’ensemencement de l’opinion à l’idée du roi, il ne faut pas négliger l’entrisme dans la classe politique d’étage national comme le pratiquent certains crypto-monarchistes en attendant Godot.
Maintenant, c’est le moment pour les royalistes cachés dans les divers mouvements politiques de se découvrir, de rejoindre le Dauphin publiquement et de militer sans nécessairement quitter leur parti ni leurs engagements citoyens. Qu’ils annoncent clairement qu’au-dessus de leurs choix politiques il y a le Roi dont ils veulent hâter l’avènement….Une telle attitude demande du courage politique, fait prendre des risques électoraux réels mais un honnête homme doit mettre l’honneur de servir le Roi au-dessus de ses intérêts immédiats.
Reconnaissons que l’analyse du prince Jean étant excellente et juste, il y a peu de choses à y ajouter.
Je tiens pourtant à rappeler que nos 5 républiques-ne nous ont apporté que des déboires, voire des abaissements réguliers, lesquels terrassent même la France invariablement, mais petit à petit, en y ajoutant la profonde division des Français.
La V ième n’échappe pas hélas à cette fatalité,quels qu’aient pu être les modestes efforts de De Gaulle en faveur de feu le comte de Paris.
Rappelons ici que De Gaulle était lui-même issu d’une famille royaliste, ainsi que l’étaient activement son père es ses 2 frères aînés.Mais l’entourage devenu RPR du Grand Charles l’a systématiquement bridé-ainsi que ses ambitions personnelles,d’ailleurs-.
J’ajoute au surplus que nos républiques depuis 250 ans ne se sont senties éclairées pour l’essentiel ,que par les soit-disant Lumières, les droits-de-l’Homme, et leurs forces obscures.Et l’on regrette de constater que, dans le même temps, on a coutume de voir ce régime républicain constamment à la recherche du sauveur providentiel.-tout éphémère qu’il puisse être-.
L’évolution actuelle nous donne hélas des perspectives effrayantes pour l’avenir de notre cher pays, qui s’englue dans le matérialisme, la déchristianisation laïque et agressive et le court terme primaire et jouisseur.
La figure d’un guide national et pérenne-familialement- nous manque indiscutablement, ne serait-ce que pour son exemplarité et son indépendance au-dessus des partis ou des factions !
Patrick Haizet a cent fois raison. Bravo !