Par Christian Tarente
Chateaubriand, saisi par la gloire comme on l’est par la débauche.
Il semble qu’on n’en finira jamais avec Chateaubriand.
Homme d’un temps révolu ou progressiste mesuré ? Ambitieux habile et rancunier ou esprit supérieur et au-dessus de la mêlée ? Catholique sincère ou croyant de circonstance ? Royaliste convaincu ou opportuniste déguisé en réaliste ? Grand écrivain reconnu ou auteur plus apprécié pour lui-même que pour ses livres ?
Dans les premières pages de sa biographie, Ghislain de Diesbach dresse de lui un portrait qu’il conclut en disant que Chateaubriand aurait pu être la figure la plus marquante du XIXe siècle, avant Byron et Goethe, « s’il avait fait son profit de ce mot de Louis XVIII à son sujet : Qu’il est grand quand il ne se met pas devant lui ! »
Cette ironique lucidité du roi semble avoir servi de fil rouge à Diesbach, éblouissant biographe, acceptant avec un plaisir non dissimulé de déambuler au travers de cette vie foisonnante dont les diverses séquences ne cessent de se bousculer et de s’entrecroiser : voyageur, soldat, poète, romancier, ambassadeur, ministre, essayiste, pamphlétaire, mémorialiste, de plus couvert de femmes tout en supportant la sienne, Chateaubriand semble avoir tout fait, tout vu, tout lu, tout entendu, menant tambour battant plusieurs vies à la fois.
En cette année de son deux cent cinquantenaire, on se rappellera que Maurras, son cadet de cent ans exactement, lui a, en jeune iconoclaste, joyeusement et durement réglé son compte dans Trois Idées politiques (1898). Il a perçu dans cet « oiseau rapace et solitaire » un anarchiste anglomane démolisseur du classicisme, incapable de résister aux délices empoisonnés qu’offre le spectacle des décadences et de la mort. Au passage, il dénonça les « pantalonnades théologiques » du Génie du christianisme, d’accord sur ce point avec Napoléon qui n’y trouvait que du « galimatias » !
Ghislain de Diesbach évoque tous ces épisodes à un rythme soutenu, jusqu’au moment où, après avoir mis en pièces le dernier livre du grand homme, La vie de Rancé, il dépeint sous des couleurs sombres ses dernières années : nous assistons à la décrépitude de ce vieillard, moins accablé par son récent veuvage que par le refus de Mme Récamier, elle-même vieillissante, d’accéder à sa demande en mariage…
Mais ne restons pas sur cette note peu pimpante. L’ouvrage de Ghislain de Diesbach, qui date de 1998, vient, c’est très heureux, d’être réédité chez Perrin. Il n’a pas pris une ride, et nous fait superbement revivre tout ce que le destin du vicomte François-René a eu de flamboyant, à l’image de son style. Sans jamais renoncer à sa lucidité sur un personnage dont l’incontestable génie, saisi par la gloire comme on l’est par la débauche, fut sans cesse mis à mal par ce besoin frénétique de mise en scène de lui-même. ■
CHATEAUBRIAND
Ghislain de Diesbach
Perrin, 2018, 668 p., 27 €
« La critique est facile mais l’art est difficile » !
Chateaubriand est l’un de nos plus grands écrivains français. Son style est limpide est inimitable. Louis XVIII peut le critiquer, Chateaubriand est toujours bien vivant aujourd’hui. Que reste-t-il d’un Louis XVIII qui a fuit la France en 1789 ?
Quand à Napoléon, génie militaire peut-être, mais « Le Génie du christianisme » le dépassait complètement. Ennemi juré de Chateaubriand, son opinion n’est pas recevable.
Châteaubriand , de bien belles pages , un grand style , mais ses Mémoires , denses , ( deuxième édition du centenaire ) lues » au fil des ans » et incomplètement ( depuis 1970 environ … ) du fait de … longueurs – comme on disait de certains films – et aussi d’une impression d ‘autocélébration incitent à avoir un œil extérieur sur le personnage ; c’est pourquoi , cette biographie , heureusement conseillée s’avère bien intéressante pour essayer de comprendre un tel cas et rétablir des éléments sans rien retirer , bien entendu , à ce génie de la littérature .
Le moi-roi, c’est cela l’idéologie révolutionnaire, fût-on royaliste.