PAR JACQUES TRÉMOLET DE VILLERS
Nation. Car il s’agit de savoir si elle peut vivre encore et si les Français sont décidés à la faire vivre. Il faut qu’ils y croient.
Le dernier livre d’Éric Zemmour, Un destin français, tranche avec sa production antérieure. Le journaliste est à l’apogée de son talent et sa plume rejoint celle de l’écrivain. Est-il historien ? Les spécialistes diront que non. Mais il connaît l’histoire, la lit et la relit et, surtout, il la met en perspective avec ce que nous vivons. Il lui donne un sens. En somme, il nous instruit.
Bien sûr, il a son style, fait de raccourcis et de fulgurances. Il a son point de vue, souvent original, mais dont le lecteur découvre, au fur et à mesure qu’il déroule le panorama, qu’il était judicieux et faisait mieux voir que la banalité sans cesse recopiée sur le même sujet. Ce point de vue le conduit souvent à la polémique, car d’un fait ancien rapproché des événements actuels, il fait une charge contre nos inconsciences, nos mensonges et nos lâchetés. L’histoire n’est pas neutre. Clio est une muse terrible. Elle porte le jugement et ce jugement s’exerce, non pas tant sur ceux qui ont fait le passé, mais sur ceux qui font ou défont le présent. A la lumière de notre passé, que pèsent les célébrités d’aujourd’hui ? La leçon est rude. D’où les cris qui jaillissent de tous côtés. Car Zemmour est lucide. Il a le mot juste, donc cruel pour les menteurs et les lâches. Et il aime la vérité qu’il va chercher jusqu’au fond des époques les plus discutées, les plus diffamées : « les heures les plus sombres de notre histoire ».
D’où parle cet écrivain ?
Il parle de sa place de jeune juif algérien, berbère, devenu, sous la conduite de ses parents et sous un charme qui l’a saisi, enfant, et ne s’est jamais démenti, un Français éperdument amoureux de la France. « Je ne suis pas un Juif français, disait son père, excédé par cette formule, je suis un Français juif ». Le fils ajoute « de culture catholique ».
Son chapitre sur Charette se termine par cette phrase, détachée comme une sentence qui résume l’ensemble, ou comme un point d’orgue :
« Nous sommes tous des catholiques vendéens. »
Dans cette symphonie tragique, plusieurs mélodies s’entrecroisent mais une revient, comme un thème central qui ressurgit à chaque chapitre – c’est-à-dire à chaque époque… –, les élites, en France, ont une appétence particulière à la trahison. Est-ce leurs grands biens ? Leurs espérances immédiates ? Un souvenir de la féodalité écrasée par le pouvoir central ?
Les motifs varient suivant les moments, mais la constante se dégage. Que l’ennemi soit espagnol, autrichien, allemand ou anglais, « le parti de l’étranger » est toujours là pour lui donner un coup de main, et ce « parti de l’étranger » est le plus souvent composé des élites en place.
C’est le peuple, avec son Roi, qui résiste, et, malgré elles, continue l’histoire du Royaume de France. Quand il n’y a plus de Roi et que le peuple, lui-même, se dissout, l’avenir du royaume qui, selon saint Remi, « durera jusqu’à la fin des temps », se fait très incertain.
Bien sûr, pour Zemmour, il y a des rois de substitution. Napoléon a pris la suite de Capet et la République a voulu continuer, sous d’autres habits, « le roman national ». C’est même elle, la IIIe, qui a forgé avec Ernest Lavisse, ce roman, chargé de remplacer le Roi disparu.
Chef-d’œuvre d’art politique en péril.
Le roman national devait être le ciment qui, auparavant s’appelait la fidélité au Roi. Car la France, rappelle-t-il, n’est ni une race ou une ethnie, ni un impératif géographique.
C’est une construction politique, disons mieux, un chef-d’œuvre comme on le disait des artisans-compagnons qui en faisaient un pour devenir maître, un chef-d’œuvre d’art politique.
Quand l’art politique n’est plus là, la France se défait.
On pourra discuter, dans le détail, de telle ou telle appréciation, trouver que le procédé se répète à chaque chapitre, a quelque chose de systématique…, chercher à y mettre quelque nuances. Il n’en reste pas moins que cette charge, conduite au galop – car la plume de Zemmour a quelques ressemblances avec les compagnons de Jeanne dans la plaine de Patay ou les soldats de Napoléon à Austerlitz – finit par emporter l’adhésion du lecteur, même si elle le laisse parfois pantelant et quelque peu essoufflé.
Ce thème de la trahison des élites rejoint celui de la guerre civile larvée ou éclatée dont même la guerre étrangère ne nous protège pas. Au contraire ! Sauf à quelques moments tragiques et miraculeux – 14-18 –, la guerre étrangère devient la guerre civile. Ceux que Jeanne appelait « les faux Français » jouent le rôle de la cinquième colonne : les intérêts partisans, religieux, économiques, féodaux, idéologiques, l’emportent sur la nécessaire unité nationale.
Seul un roi, un empereur, un dictateur momentané fait – parfois par la Terreur… – valoir cette unité. Mais, à chaque fois, il y parvient, parce qu’il a, avec lui, le consentement de la nation, ce qu’Homère appelait « le murmure approbateur du peuple ».
Dans cette cavalcade glorieuse et tragique qui va de Vercingétorix à nos jours, Zemmour mène lui-même sa propre guerre, qui est celle de l’historien. Il rappelle le mot de Fustel de Coulanges selon lequel notre histoire est elle-même une guerre civile.
Je me souviens d’un fascicule aperçu dans ma jeunesse, sous la signature de Charles Maurras, La bagarre de Fustel. On se battait, à l’époque, dans les réunions des Sociétés savantes, sur la façon de traiter l’histoire… Les adversaires d’hier se sont accordés. Michelet et Fustel, Lavisse et Péguy, après les combats de l’instant, se retrouvent, car ils ont en commun, comme Clemenceau et Daudet, « la passion de la France ».
Zemmour livre une nouvelle bataille, celle qui pourfend les « déconstructeurs de la France ». Nous n’en sommes plus aux trahisons classiques, ni même aux collaborations avec l’ennemi. Nous en sommes à la volonté de détruire la France, de faire qu’elle n’existe plus, d’abord dans les esprits et dans les cœurs.
Le rêve de ces déconstructeurs est qu’elle ne soit plus qu’un hexagone sur la carte, un lieu tempéré, au climat agréable, où se retrouvent ceux qui s’y trouvent bien et s’essaient à vivre ensemble. Cette utopie est sanglante. Le rêve devient cauchemar. Le « vivre ensemble » est mortifère.
Il n’y a donc plus, conclut le lecteur, en refermant le récit saccadé de cette tragédie, qu’à mourir ou qu’à retrouver les promesses de saint Remi au baptême de Clovis, la toujours lumineuse Jeanne, la majesté du roi Louis le quatorzième, le génie de Napoléon…
Et si, achevant les propos, nous concluions simplement que les rois ont fait la France, qu’elle se défait sans roi, … et qu’il est urgent de travailler, une fois encore, au retour du Roi. ■
Merci de cette analyse, précise qui traduit bien une nouvelle lecture de l’histoire par Zemmour. J’en ai connu des hommes à son image, mais la vérité de ce monde politico médiatique depuis des décennies impose sa vérité de l’histoire. Oui dire que certains ont désirés que la France ne soit plus qu’une région Nazi fusse t-elle la plus importante , change la manière de percevoir comment nos républicains nous vendent au plus offrant. Avant hier c’était les nazis, hier c’était les gros actionnaires et ça l’est encore, demain et c’est déjà aujourd »hui,c’est l’Islam. Celtes, Juif, Chrétiens, maintenant laïques sans foi ni loi, nous allons de ce pas vers l’islam et nous perdons notre pays et notre liberté, nos connaissances et donc le modernisme qui nous a fait ce que nous sommes. La troisième république adorait Vercingétorix ou plus exactement la puissance Romaine. Le mensonge républicain n’a pas changé, ils adorent tout ce qui n’est pas Français. On ne peut plus dire aux étrangers qui arrivent chez nous, : Si tu viens en France, vis comme les Français, puisqu’il n’y a plus de Français qui auraient, s’il y en avaient encore, une même pensée, un esprit collectif, cette âme qui fait la Nation. En deux petits siècles la république sous son mensonge a détruit la France, ce n’est pas l’outil qu’il faut pour que notre France donne l’esprit Européen, il lui faut un roi, un souverain qui aime son pays et ses sujets. Mais le mensonge est si profond dans les esprits des Français qu’il faut des Zemmour pour nous réveiller de ce long hiver des âmes.
L’article de Jacques Trémolet de Villers, évoquant le dernier livre d’Eric Zemmour « Un Destin Français », est fort et juste dans la passion pour la France et ses racines qui l’inspirent. Aujourd’hui, quelle autre institution pourrait mieux contribuer à sauver la France du péril de délitement qui la menace sous nos yeux grands ouverts mais, malheureusement, grands fermés des élites, sinon le Roi ?
En assassinant la famille royale, la Convention savait très bien ce qu’elle faisait. Elle désarmait les Français de son bouclier catholique et de son épée capétienne.
Dans son livre, Zemmour a une vision plutôt pertinente de l’histoire de France mais il ne peut s’empêcher d’admirer Napoléon, en l’opposant même à Bonaparte. Il va même jusqu’à dire que « L’empereur est en avance sur la France, sur l’Europe, sur le monde ». « il va accomplir mille ans d’Histoire de France » ! Pourtant, il le dit, Napoléon ne fait que continuer les guerres déclenchées par la révolution. Celle-ci avait besoin de conflits extérieurs pour faire oublier le conflit intérieur. Napoléon est-il vraiment le sauveur de la France ? Combien de morts derrière la Grande armée ? Sous le Consulat et l’Empire, la France était déjà mourante, puisque mise à mort entre 1789 et 1799. Elle a survécu sous perfusion. En 1815, le Congrès de Vienne va la débrancher. Napoléon ou Bonaparte, peu importe, ne sera pas parvenu à la sauver.
Merci Ose.