Par Guilhem de Tarlé
A l’affiche : First Man, le premier homme sur la lune, un film de Damien Chazelle, avec Ryan Gosling (Neil Armstrong), Claire Foy (Janet Armstrong), Corey Stoll (Buzz Aldrin) et Lucas Haas (Mike Colins)
« On a décroché la lune »… C’est, dans le film, la réponse de Janet Armstrong aux journalistes qui l’interviewaient alors qu’elle partait retrouver son mari, durant la « quarantaine » qui suivit la mission Apollo 11.
Je doute que la formule soit historique… Et c’est dommage car elle aurait été très belle.
Depuis « mon ami Pierrot » jusqu’à Tintin, en passant par Jules Verne et aussi les « six moyens de violer l’azur vierge » dont Cyrano de Bergerac choisit le septième pour l’atteindre, la lune a toujours été, jusqu’à Neil Armstrong, dans notre imaginaire.
Ce long-métrage entame brillamment les cérémonies du jubilé des « premiers pas sur la lune » qu’on ne manquera pas de célébrer dans 9 mois.
J’ai vu avec ravissement, dans la fusée, les hommes et les objets voler comme le capitaine Haddock derrière sa boule de whisky ; j’ai apprécié le fond musical de Justin Hurwitz, et c’est une première car je n’entends rien à la musique et d’habitude je ne l’entends pas… cette fois-ci, j’ai aimé en pensant avec amusement à « Radio-Klow » qui diffusait, pour les astronautes d’Hergé, « Avant de mourir, de Boulanger ».
Bref un film passionnant, remuant et stressant, à la réserve près qu’on en connaît la fin, à la gloire du héros…
Mais les autres ? car, à bien y réfléchir, Buzz Aldrin qui foula, le deuxième, le sol lunaire est tout autant héros que le premier… quant à Michael Collins, le « troisième homme », qui resta en orbite dans le module de commande, il a eu la même formation, il a subi le même entrainement, particulièrement lourd et difficile, et pris les mêmes risques que les autres, sans avoir l’honneur et le bonheur d’y poser son pied.
Curieux cet hommage justifié, que je recommande évidemment, mais sélectif.
Se souvient-on, aussi, qu’après ces deux (ou trois) pionniers, de 1969 à 1972 avec Apollo 17, dix autres astronautes ont marché sur la lune ?
Et depuis ? plus rien ?
J’en reviens au Capitaine qui avait sans doute raison : « ON N’EST VRAIMENT BIEN… QUE SUR NOTRE BONNE VIEILLE TERRE ! ». ■
PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.
Des merveilles de science, de technique, d’ingéniosité, de persévérance … pour une entreprise dérisoire et insignifiante, c’est une parfaite image du monde moderne.
On n(‘est vraiment bien que sur notre bonne vieille Terre … Encore faut-il voir ce que nous en avons fait.
Baudoin de Bodinat. La vie sur Terre. Encyclopédie des Nuisances
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» Ce n’est pas la nouveauté qui nous désenchante, c’est au contraire le règne fastidieux de l’innovation, de la confusion incessamment renouvelée, c’est ce kaléidoscope tournant d’instantanéités universelles qui nous fait vivre sans perspectives de temps ou d’espace comme dans les rêves; c’est l’autoritarisme du changement qui s’étonne de nous voir encore attachés à la nouveauté qu’il recommandait hier, quand il en a une autre à nous imposer et qui empile à la va-vite ses progrès techniques les uns sur les autres sans faire attention que nous sommes là-dessous.
De ces marchandises il n’est pas entendu qu’elles puissent vieillir, ce qui marque la camelote; elles doivent être neuves puis disparaître sous peine de se métamorphoser en encombrants et ridicules détritus. Tout doit être si bien récent et provisoire qu’on ne puisse concevoir un après, à ce qui est ainsi dépourvu de maintenant. Ce sont dans ce chaos les objets inexplicablement épargnés, les fermes attachements, tel usage ou manière tout simplement laissés à eux-mêmes et vivants, des répits imprévus, le coassement des grenouilles, qui font figure insolite de nouveauté.
On parle alors de la capacité d’adaptation des hommes, de leur plasticité, que ce sont des créatures culturelles et raisonnantes, pleines de ressources: que les survivants d’un tremblement de terre s’acclimatent rapidement à la vie au grand air et au camping, que les déportés s’adaptaient aussi très vite, si on ne les enfournait dès la descente du train, à ces camps d’esclavage qu’on aurait dits extraterrestres et à quoi rien ne les avait préparés. Je ne vois pas ce que cela prouve en faveur du progrès.
S’il n’y avait pas eu en elle cet effectif mélange de vouloir exister à tout prix et d’ingéniosité, ce n’est pas que l’humanité aurait succombé aux malices de la nature, c’est qu’elle n’en serait pas sortie. L’homme certainement est coriace, quoique au large encore sur cette Terre il va s’installer dans les régions les moins probables: glaces arctiques, jungles inextricables, déserts brûlants.
Et donc, oui, pourquoi pas aujourd’hui dans ce cloaque de brume photochimique et d’électricité statique, de promiscuité haineuse, de décibels vaso-constricteurs; pourquoi ne vivrait-il pas au douzième étage avec la moquette en nylon, l’interphone et les doubles vitrages ? »