Par Bruno de Chergé
Le Vatican avait annoncé samedi 27 janvier 2018 que le pape François a autorisé la promulgation du décret de béatification de Mgr Pierre Claverie, ancien évêque d’Oran, et de dix-huit autres religieux et religieuses morts en martyrs en Algérie entre 1994 et 1996.
Le décret avait été signé sans date ni lieu de béatification, contrairement aux usages en la matière. Les évêques d’Algérie souhaitaient que la béatification se passât en Algérie. Des discussions ont eu lieu avec les autorités algériennes, en lien étroit avec le Vatican, c’est-à-dire la Congrégation pour la Cause des Saints.
Le temps passait et les espoirs de voir cette béatification se dérouler rapidement s’amenuisaient. En effet, se profile en 2019 une année d’élection présidentielle en Algérie, avec des interrogations sur la possibilité pour le Président Bouteflika de se représenter malgré son état de santé. Et, puis, coup de théâtre, après une réunion début septembre à Rome et de nombreux échanges avec le Ministre des Cultes algérien, la date et le lieu sont enfin tombés : ce sera le 8 décembre à Oran, en la Basilique Santa Cruz qui vient d’être rénovée.
Des rumeurs insistantes évoquaient la venue du Pape à cette béatification. Si le Pape est incontestablement derrière l’accélération du calendrier de la béatification de ces 19 martyrs d’Algérie, il est difficile pour le chef de l’Église de se rendre ainsi dans un pays dont l’Islam est devenue la religion d’État par la Constitution de 1963. L’Église n’a pas pu officiellement perdurer en Algérie pour le moment, à la différence des coptes d’Égypte. En 1964, 900.000 chrétiens quittent le pays. Il ne reste alors que 100.000 chrétiens et moitié moins dès 1970.
Qui sont ces 19 martyrs de la foi honorés par l’Église ? Il y a des Maristes et des Petites Sœurs de l’Assomption, tués ensemble à Alger, le 8 mai 1994. Deux sœurs Augustines Missionnaires tuées le 23 octobre 1994, sur la route, tandis qu’elles se rendaient à la messe dominicale. Quatre Pères Blancs, tués le 27 décembre 1994 à Tizi-Ouzou, tandis qu’ils fêtaient ensemble leur confrère Jean Chevillard. Les Sœurs de Notre-Dame des Apôtres ont aussi deux martyres. Elles ont été tuées le 3 septembre 1995, alors qu’elles sortaient de la messe du dimanche. Sœur Odette Prévost, des Petites Sœurs du Sacré-Cœur, a été tuée à Alger, le 10 novembre 1995, tandis qu’elle se rendait à la messe. Le groupe le plus nombreux est formé par les sept Frères trappistes du monastère de Tibhirine : Christian de Chergé, le prieur ; Frère Luc Dochier, le médecin ; Père Christophe Lebreton, poète ; Frère Michel Fleury ; Père Bruno Lemarchand qui se trouvait à Tibhirine de passage, pour l’élection du prieur. Le père Célestin Ringeard et le Frère Paul Favre-Miville complètent le groupe. Ils ont été pris en otages la nuit du 26 mars 1996 et ils vont vivre cette tragique situation pendant 56 jours. On ne retrouva que leurs têtes, le 21 mai 1996. Le dernier du groupe est Monseigneur Pierre Claverie, évêque d’Oran, tué à Oran le 1er août 1996.
Pour découvrir l’itinéraire des moines de Tibhirine, l’Association pour les Écrits des sept de l’Atlas vient d’éditer Autobiographies spirituelles, Heureux ceux qui espèrent aux éditions du Cerf. Un beau livre qui permet de les connaître, d’entrer dans leur intimité et de cheminer avec eux vers le Golgotha, jusqu’aux instants ultimes où ils furent enlevés puis exécutés.
On retrouve le portrait rugueux et généreux de Frère Luc, la quête mystique de Christian de Chergé. On vit avec cette Église d’Algérie qui fait sienne l’enfouissement post-Vatican II, dans un pays totalement musulman, et déchiré par une guerre civile initiée par les islamistes du GIA.
Mais, ces moines restaient un signe dans la montagne de l’Atlas. La Communauté du Chemin Neuf essaie de continuer une vie chrétienne à Tibhirine.