Lors de sa tournée à Visegrád, Emmanuel Macron s’est permis une pique contre la Hongrie d’Orban et la Pologne. Il y avait quelque chose d’irréel à le voir sermonner l’Europe de l’Est, elle qui avait été très longtemps privée d’existence politique. De cette politique tout aussi irréelle d’Emmanuel Macron – qui devrait être l’exact inverse – Mathieu Bock-Côté donne ici une analyse qui mérite une lecture attentive. [Le Figaro, 2.11]. LFAR
Emmanuel Macron a manifestement l’intention d’aller au bout de sa croisade contre la « lèpre » populiste, comme on l’a vu encore cette semaine lorsqu’il a comparé la présente situation européenne à celle qui prévalait pendant les années 1930.
C’est dans le même esprit qu’il s’est permis, lors d’une brève tournée dans certains pays du groupe de Visegrad, une mise en garde contre une politique nationaliste qui les éloignerait du cœur de l’Europe. L’Europe de l’Est devrait rentrer dans les rangs. Si le président français s’est permis comme à l’habitude une pique contre la Hongrie d’Orban, il a aussi ciblé la Pologne, qui s’engage certes dans une aventure politique hasardeuse, pour le dire d’un euphémisme.
Il y avait néanmoins quelque chose d’irréel à voir Emmanuel Macron sermonner l’Europe de l’Est au moment où la Pologne s’apprête à célébrer le centième anniversaire de sa renaissance nationale, elle qui avait été très longtemps privée d’existence politique.
Plus largement, la traversée du XXe siècle par les petites nations d’Europe de l’Est ne saurait se réduire à l’affrontement schématisé entre démocratie libérale et totalitarisme. Pour elles, le XXe siècle a aussi correspondu à une négation de leur souveraineté nationale. Elles ont, notamment, fait les frais de la doctrine de la souveraineté limitée au temps de Brejnev et n’entendent pas répéter l’expérience au nom cette fois de l’impérialisme humanitaire. Si la comparaison entre URSS et Union européenne est évidemment exagérée, et même choquante, on comprend néanmoins qu’elle ne soit pas totalement insensée à la lumière de la conscience historique est-européenne. Cela ne veut pas dire qu’on ne s’y sent pas appartenir à la civilisation européenne, au contraire.
On le sait : l’Europe de l’Est est le domaine privilégié des petites nations. Milan Kundera a défini leur situation existentielle en parlant de leur précarité historique et de la conscience qu’elles en ont. En d’autres mots, ces nations savent qu’elles peuvent disparaître et que leurs aspirations, à l’échelle de l’histoire, pèsent peu. On tolère leur existence dans la mesure où celle-ci semble bucolique mais lorsqu’elles entendent peser sur le cours des événements, on leur reproche de basculer dans la déraison. Ces pays devraient se soumettre aux lois de l’histoire révélées dans les grandes métropoles et ne pas leur résister. Leur opposition frontale à l’immigration massive aujourd’hui passe pour une manifestation d’arriération historique symptomatique d’une psychologie autoritaire. On pourrait néanmoins se demander si les nations d’Europe occidentale ne sont pas devenues des petites nations sans le savoir, comme Alain Finkielkraut l’avait deviné dès la fin des années 1990. Chose certaine, elles sont aujourd’hui hantées par la crainte de leur propre dissolution.
La tentation de la démocratie illibérale
Les petites nations d’Europe de l’Est savent une chose aujourd’hui oubliée à l’Ouest : une nation ne saurait se définir exclusivement par son adhésion à un ensemble de valeurs universelles. Aucune ne s’imagine incarner l’histoire humaine à elle seule. Aucune n’accepte la réduction de son identité culturelle à un stock de coutumes folkloriques que la modernité devrait tôt ou tard liquider, à la manière d’habitudes provinciales désuètes et inadéquates à l’échelle de la mondialisation. Pour cela, on les accuse de crispation identitaire. En réalité, l’identité culturelle d’un peuple rend possible la mise en scène d’un monde commun sans lequel la démocratie est condamnée à une réduction minimaliste. L’identité d’un peuple est la médiation qui lui permet de participer au monde, et on ne saurait l’oblitérer sans le condamner au rabougrissement. De ce point de vue, à l’est de l’Europe, souveraineté et identité sont intimement liées.
C’est à partir de cet arrière-fond historique qu’on doit aujourd’hui considérer la tentation de la démocratie illibérale, qui traverse l’Est de l’Europe. À certains égards, cette expression désigne la démocratie libérale d’avant-hier, au temps où elle n’était pas encore victime de la judiciarisation du politique et alors qu’elle ne faisait pas du culte de la diversité un de ses principes fondateurs. Selon les catégories médiatiques aujourd’hui dominantes, Churchill comme de Gaulle passeraient aujourd’hui pour de très inquiétants illibéraux, à tort par ailleurs. Car le libéralisme bien compris se conjugue avec la souveraineté et l’identité culturelle. La démocratie illibérale, de ce point de vue, semble répondre à nos démocraties impolitiques. S’il ne faut d’aucune manière y voir un contre-modèle à faire valoir contre nos sociétés en crise, on ne devrait pas non plus croire que le refus de l’immigration massive, de la tutelle bruxelloise et du gouvernement des juges est contradictoire avec la démocratie libérale, dont on ne concédera pas la définition aux progressistes autoproclamés. ■
Il convient de rappeler que certains des pays concernés en Europe centrale ont fait partie de l’Empire austro-hongrois (!) dont la devise était AEIOU (Austriae Est Imperare Orbi Universu)…
Et une parité relative entre l’Autriche et la Hongrie n’a été acquise qu’après des discussions et échanges difficiles confinant à la guerre civile…
Si dans les 3 départements d’Alsace Lorraine en ce qui nous concerne, la loi dite locale (c’est à dire allemande) continue à s’appliquer c’est pour des raisons similaires.
Je ne regrette pas de ne pas avoir pu présenter le concours d’entrée à l’ENA…
Malgré la qualité habituelle des propos de Mathieu Bock-Côté, J’ai du mal à comprendre cette insistance à vouloir défendre un libéralisme conservateur, sans doute à la mode, mais qui n’a jamais existé. J’aimerais bien connaître la nature exacte de ce libéralisme « bien compris » compatible avec la souveraineté et l’identité culturelle. Le libéralisme qui fonctionne comme une centrifugeuse demeure un facteur de dissolution des sociétés en raison de son hostilité à toute idée de bien commun, hostilité qui est une constante chez les philosophes libéraux.
Le groupe de Visegrád trouve son origine en automne 1335, lorsque les Rois de Bohême, de Pologne et de Hongrie se rencontrèrent dans la ville hongroise de Visegrád pour créer une alliance ANTI-HABSBOURG. Les trois dirigeants se mirent d’accord sur la création de nouvelles routes commerciales qui permettraient un accès facilité aux marchés européens ( György Rácz: The Congress of Visegrád » [archive], sur International Visegrad Fund ).
Le Groupe de Visegrade moderne a démarré lors d’un sommet des chefs d’État ou de gouvernement de Tchécoslovaquie, Hongrie et Pologne dans la ville de Visegrád le 15 février 1991, afin de mettre en place des coopérations entre ces trois États, en vue d’accélérer le processus d’intégration européenne, SANS POUR AUTANT Y ETRE DILUES A L’INTERIEUR. La désintégration de la Tchécoslovquie en Bohème et Slovaquie, la Bohème devenant par la suite la République Tchèque, n’a pas enpéché le Groupe de Visegrade de continuer s’opposer aux diktats finaciers qui manipulent Bruxelles…
Antoine de Crémiers a raison. Ici, Bock-Côté concède au vocabulaire ambiant et sans-doute se fait aussi des illusions sur la capacité de la droite libérale à incarner les idées de fond que lui-même défend avec courage et lucidité.
Finalement,on tend à s’apercevoir que l’anglicanisme, tel que porté au départ par l’orgueilleux et sursexué Henry VIII,puis plus tard par la reine Ann-inféconde,celle-là- s’est traduit par une implication politique et même économique indiscutable !
Pourtant,ses champions actuels.que sont les Etats-Unis, sont en train de se catholiciser à vive allure avec leurs 82 millions de croyants cathos, tous majoritairement pauvres, il est vrai, Alors même que la reine Ann affichait un clair sectarisme autant anti-français qu’anti-catholique romain,ce qui réussit bien à ses successeurs choisis, hanovriens….et 3 points !
Le monde occidental va-t-il nous réserver encore d’étonnantes surprises ?
Oui, Antoine de Crémiers a raison de dire que le libéralisme fonctionne comme une centrifugeuse dissolvante, mais la défense par Mathieu Bock Côté du libéralisme conservateur est la défense d’une économie où le mécanisme du marché permet la production de richesse, qui se soumet à un ordre politique qui lui préexiste et ne le vide pas de sa substance. ( qui ne détruit pas les » couches protectrices » de la société comme on l’observe actuellement ) Oui les libéraux idéologues ont souvent de facto fait alliance avec l’esprit de destruction des révolutionnaires ou se sont appuyés dessus pour prendre le pouvoir, et l’ont manipulé dans le passé et aujourd’hui de manière effrayante , mais il existe des libéraux sincères comme Pierre Manent qui ne sont pas du coté des ‘ » destructeurs » , mais cherchent une assise de légitimité au corps social et sont prêt à un arbitrage salvateur qu’ils appellent de leurs vœux, ce que nous appelons la Légitimité…….. Royale. La souveraineté , non comme idolâtrie mais comme cadre permettant à chaque peuple d’assurer la transmission de sa civilisation dans le concert des nations, et de ne pas détruire les identités , qui sont nos repères dans le temps. Il s’agit de refuser un économisme qui veut prendre le pouvoir: échec sanglant du socialisme, échec moral et désordre du mondialisme, retour à l’arbitrage, à la médiation . C’est dans ce cadre seul préexistant que le libéralisme conservateur peut fonctionner, non le fonder .Sur ce point je suis d’accord avec Antoine de Crémiers..