Par Javier Portella
Ce sont des circonstances et des raisons d’espérer en une réaction de sa patrie que Javier Portella expose ici alors que depuis si longtemps et encore récemment l’Espagne s’est continûment satisfaite des illusions européistes et de l’idéologie immigrationniste la plus naïve et la plus affirmée. Mais ce sont aussi des raisons d’espérer pour la nôtre et pour toute l’Europe pour qui une réaction espagnole à l’européisme bruxellois et à la vague d’immigration massive serait de la plus haute importance. Le vent tourne sur ces sujets en différents pays européens. L’Espagne finira-t-elle par les rejoindre ? Voilà qui importerait et qui ne nous est pas indifférent ! Javier Portella nous éclaire ici une fois de plus – comme lors de la crise catalane – sur les événements d’Espagne, de sa compétence, de sa connaissance des dossiers et du terrain. [Boulevard Voltaire, 4.12]. LFAR
Marine Le Pen a été la première à réagir. Lors des élections régionales en Andalousie, dimanche dernier, un seul sondage venait juste d’être publié que la dirigeante du RN envoyait déjà ses félicitations les plus chaleureuses à Santiago Abascal, le président de Vox, le jeune parti identitaire espagnol qui a remporté le succès le plus éclatant et inattendu, par son ampleur, de ces quarante dernières années.
Tout le monde a, en Espagne, le sentiment d’avoir vécu une journée historique – que ce soit pour s’en réjouir ou pour en pleurer. Ce n’est pas tous les jours, en effet, qu’un parti – persécuté, vilipendé, insulté par l’ensemble de la bien-pensance – passe, tout d’un coup, de rien à 400.000 votants et de 0 à 12 députés. Lorsque Podemos, à partir de rien, lui aussi, mais comptant avec la bienveillance et l’accueil des médias du Système, est entré, il y a un peu plus de quatre ans, au Parlement européen, il n’a obtenu que cinq députés. Et cela a été jugé, à juste titre, comme un succès inouï.
Le succès de Vox est d’autant plus extraordinaire que les moyens financiers dont il a disposé pour sa campagne ont été tout simplement dérisoires par rapport à ceux des partis du Système. Ceux-ci n’en croient pas leurs yeux, même si les deux partis libéraux de droite (Partido Popular et Ciudadanos) se réjouissent de la déroute des socialistes du PSOE et des communistes de Podemos, dont une partie des votants a penché, comme partout en Europe, pour la droite populiste.
Après 40 ans de mainmise socialiste sur l’Andalousie, ce qui a engendré un régime clientéliste dont la corruption a atteint des dimensions ahurissantes, ce sera la droite libérale qui sera aux commandes de la région. Pour y accéder, il lui faudra les 12 voix de Vox, sauf si les socialistes, afin d’établir un cordon sanitaire autour d’un si méchant loup, préfèrent s’abstenir ou même voter pour un gouvernement présidé par Ciudadanos.
Une telle possibilité permettrait que Vox ne se voie nullement compromis avec le nouveau gouvernement, ce qui pourrait avoir, pour lui, un avantage considérable. Une fois les socialistes délogés de Séville (et de Madrid, bientôt), ce sont, en effet, les autres partis du Système qui deviennent les adversaires à abattre dans ce qui apparaît comme le début de la résurgence – une véritable nouvelle Reconquista – de l’Espagne. Une Espagne qui, étant devenue le seul pays européen dépourvu d’une force populiste, identitaire et opposée au Grand Remplacement, semblait, jusqu’à il y a quelques mois, moribonde, voire morte, dans son élan national (le drapeau était presque interdit ; le mot patrie, imprononçable ; les attaques des sécessionnistes, privées de réponse…).
Comment expliquer un si profond, un si soudain changement ?
« L’imprévu dans l’Histoire » dont parlait Dominique Venner a certainement joué, encore une fois, tout son rôle. Mais ce rôle est toujours aidé par des facteurs objectifs. Le coup d’État perpétré l’année dernière par ceux qui tiennent les Espagnols pour « une race inférieure, avilie » (ce sont des mots écrits noir sur blanc par l’actuel président de la Generalitat catalane), le fait de voir la patrie au bord du gouffre et du déchirement : c’est là, sans doute, le fait majeur qui a contribué au réveil de l’Espagne qui a, pendant ces quarante dernières années, été plongée dans la léthargie. ■
Écrivain et journaliste espagnol