Par Antoine de Lacoste
Il y a deux types d’attaques chimiques en Syrie : celles imputées au régime (sans aucune preuve mais passons) et celles venant des islamistes.
Les premières engendrent un concert d’indignation suivi, selon l’humeur de Donald Trump, de représailles d’une ampleur variable et d’une inefficacité invariable.
Les secondes provoquent un grand silence à peine rompu par quelques articles dubitatifs mais un peu gênés tout de même.
Rappelons les faits. Samedi 24 novembre une centaine d’habitants de l’ouest d’Alep arrivent précipitamment à l’hôpital en état de suffocation. Leur quartier a subi un bombardement d’obus de mortier. Le diagnostic est facile à établir : les obus contenaient du chlore.
L’origine ne fait aucun doute, tous ces obus venaient de la même position, à l’ouest d’Alep, aux confins de la province d’Idlib, un des deux chaudrons islamistes subsistant en Syrie.
De nombreux groupes islamistes se partagent le pouvoir dans cette province d’environ 6000 km2. Une partie d’entre eux est passée sous contrôle turc. Leurs combattants (plusieurs dizaines de milliers) sont armés et payés par la Turquie qui les a regroupés sous le nom de Front National de Libération. Ils sont censés maintenir l’ordre et servent de chair à canon contre les Kurdes, comme à Afrin.
La constitution de ce FNL a été autorisée par la Russie en échange du retrait de ses armes lourdes et de son strict contrôle par l’armée turque. C’est le résultat d’une rencontre bilatérale entre Poutine et Erdogan qui voulait éviter un assaut général sur Idlib.
Oui, mais allez expliquer cela à HTC, Hayat Tahrir al-Cham (l’ex front al-Nosra). Ses dirigeants se moquent d’accords de ce type et, forts eux-aussi de leurs dizaines de milliers de combattants, campent fièrement sur leurs positions avec chars et artillerie.
Le FNL a aussitôt démenti être à l’origine du bombardement au chlore sur Alep. Certes, mais c’est vers HTC que tous les regards se tournent à commencer par ceux des Russes.
Le porte-parole du Ministère russe de la Défense a clairement accusé ce groupe et l’aviation russe a mené des raids intensifs contre ses positions dans la province d’Idlib.
Au-delà de la nouvelle constatation du traitement totalement partial de l’information par nos médias, cet évènement aura peut-être des répercussions. En effet depuis deux mois que l’accord entre Poutine et Erdogan a été passé, les Russes ont ordonné aux Syriens de ne pas bouger et de ne rien tenter contre les positions islamistes d’Idlib. Cette situation ne plait évidemment guère au pouvoir syrien qui fait de la reconquête de cette province un objectif majeur.
Russes et Turcs vont devoir se parler à nouveau et prendre des décisions concernant HTC. Quoi qu’il en soit chacun sait que le statu quo actuel ne durera pas. ■
Retrouvez l’ensemble des chroniques syriennes d’Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.