Par Rémi Hugues
Au moment où s’achève l’année du cent-cinquantenaire de Charles Maurras, Rémi Hugues nous a proposé une série d’articles – qui se termine aujourd’hui : « Rétrospective : 2018 année Maurras ». Notre collaborateur et confrère y évoque différents aspects ou moments importants de la vie et de l’oeuvre de Charles Maurras à travers les écrits fort contestables de Michel Winock, l’un des historiens organiques de la République française du XXIe siècle, « une figure dʼautorité. » Bonne lecture ! LFAR
In Winock veritas ?
Le principe commun entre le cosmopolitisme et le communisme est en particulier lʼaspiration à la disparition des frontières nationales, projet aujourdʼhui en voie de finalisation – quoique puissamment contrecarré ces temps-ci – et qui relie le maître à penser des pères de la IIIème République, Emmanuel Kant, à Karl Marx, le chef de file intellectuel de Lénine et des autres bolcheviks qui, suite à la Révolution dʼOctobre, instaurèrent en lieu et place de lʼimmémoriale Russie des tsars et des popes, lʼUnion Soviétique, véritable enfer sur terre qui proclamait urbi et orbi quʼil était un paradis plus glorieux encore que lʼÉden des temps reculés.
Après que la Première Guerre mondiale permit au communisme de prendre racine sur le sol glacial du peuple slave, lʼon peut remarquer, en revenant en France, que le P.C.F. réalisa le meilleur score de son histoire dans lʼimmédiate après-guerre. Il obtient 28 % des voix aux élections législatives de novembre 1946, devenant le premier parti de France.
Maurras avait ainsi parfaitement raison de dénoncer ce danger, quelque temps avant la grande boucherie de 1939-1945. De vouloir empêcher quʼadvienne le pire ; la guerre, ce monstrueux bain de sang, est le pire de tout : cʼest la sagesse politique même. Apparemment pas pour Winock, qui condamne le discernement de Maurras dont le leitmotiv à la fin des années 1930 était « dʼabord pas la guerre ! », mais qui lui reproche en même temps dʼêtre un haineux, un violent. Logique aristotélicienne, où diable es-tu passée ?
La ligne définie par Maurras était strictement défensive : prévenir une agression venue de lʼextérieur en augmentant massivement le budget militaire. Il en appelait à la fin de la République et à sa substitution par un régime « capable dʼarmer », de protéger la France face à la menace hitlérienne.
Ce que Winock interprète spécieusement comme de lʼanti-patriotisme. Il accuse carrément la pensée de Maurras dʼêtre « nuisible à la cause nationale quʼelle est censée défendre ». Voir dans le régime de Vichy mis en place par Pétain une « divine surprise » relèverait pour lʼhistorien de lʼacte de haute trahison. Maurras, pourtant affublé du titre de « germanophobe » par Winock, aurait-il fait preuve de couardise en se soumettant censément à lʼAllemagne victorieuse ? Lui au moins a accepté de vivre lʼhumiliation de près. Il est resté dans sa patrie défaite. Quand de Gaulle est parti pour Londres.
Qui, honnêtement, est le plus courageux des deux ? Lʼacte le plus courageux nʼétait-il pas de vivre à lʼintérieur de son pays, en dépit de lʼOccupation ? Ne consistait-il pas à se ranger du côté de ce régime nouveau qui sʼefforçait de maintenir la grandeur de la France ? En réalité Maurras fit preuve de bravoure patriotique. Il aurait pu se réfugier à lʼétranger.
Cependant pour Winock lʼÉtat français du Maréchal Pétain est à vouer aux gémonies car il manifestait une hostilité sans pareille contre « les Juifs, les francs-maçons, les communistes et les gaullistes ». Lʼhostilité en soi nʼest pas un crime, comme en attestent les campagnes actuelles qui sʼen prennent aux supposés « conspirationnistes », accusés de « semer la haine » sur internet.
Les communistes avaient bien pactisé avec lʼAllemagne nazie, lors du pacte Ribbentrop-Molotov, qui fut approuvé par le P.C.F. en septembre 1939. Au sujet des Juifs, Winock a-t-il oublié que Pétain avait parmi ses conseillers Emmanuel Berl, lʼinventeur de la célèbre formule « La terre ne ment pas », qui était de confession juive ? Enfin, reprocher à Vichy d’être dirigé contre les gaullistes relève pour le moins dʼune appréciation téléologique. Cʼest faire de lʼhistoire « rétrospective ». À lʼépoque nul ne pouvait présager de lʼimportance à venir de la personne du Général de Gaulle. Il était combattu en tant que sous-fifre des Britanniques. Pour Pétain et les ronds-de-cuir de lʼÉtat français siégeant à Vichy, il nʼétait quʼun point de détail, un pion au sein de lʼappareil militaire du Royaume-Uni, un officier parmi dʼautres de Sa Majesté. Rien de plus.
On a presque, en outre, lʼimpression que pour Winock Hitler et Pétain sont interchangeables. Ce quʼil est capital de rappeler, cʼest que ce dernier reçut son pouvoir non dʼHitler mais de la chambre des députés élue en 1936 – celle du Front populaire (photo) –. Le Maréchal dut assumer un rapport de force qui lui avait été imposé. Il nʼétait pas le responsable de la défaite. En aucun cas il nʼétait le thuriféraire dʼHitler. De même que Maurras, il percevait la défaite comme une terrible humiliation. Mais ce nʼest pas pour autant quʼil envisagea de partir au loin afin dʼéchapper aux épreuves auxquelles faisait face sa chère nation. Pétain comme Maurras ont agi en patriotes.
Ce quʼil y a, pour finir, de plus surprenant dans lʼarticle de Michel Winock, cʼest quʼil accuse Maurras de faire preuve de pacifisme. Empêtré par un discours qui fleure bon lʼanti-maurrassisme primaire, Winock se révèle en creux « polémophile », littéralement qui aime la guerre, cʼest-à-dire apologète de la guerre en tant que telle. Oui, Maurras eut raison de mettre en une de son journal Action française, après les accords de Munich (photo), « à bas la guerre ». Oui, la guerre, lʼacte politique le plus extrême et radical, est un fléau, l’ultima ratio, que lʼon ait à combattre Staline, Hitler, Nasser, Bachar al-Assad, Daech ou le roi dʼAngleterre.
Paradoxalement, Winock, en justifiant quʼon puisse trouver de bonnes raisons de faire la guerre (en se référant à 1939 il légitime la moins justifiable des guerres, la guerre offensive), se positionne sur la même ligne que Hitler, qui, sʼappuyant sur les théorèmes méphistophéliques du darwinisme social, lʼexaltait. À force de se vouloir lʼopposant diamétral de Maurras, Winock en à arrive à épouser le bellicisme hitlérien, nous priant de croire avec lui quʼil y aurait dans une guerre que l’on avait toutes chances de perdre quelque vertu.
Et lʼingénu de se dire distraitement quʼil est décisif de savoir prendre sa retraite au moment opportun, une fois carrière accomplie. Car un historien nʼest pas comme le vin, il ne se bonifie pas forcément avec lʼâge. (FIN) ■
Très intéressant de pouvoir lire la compréhension de la nouvelle génération de maurrassiens !
Winock a vraiment tendu les doigts pour prendre le coup de règle en bois que lui donne Rémi Hugues.
J’oubliais; cette série est très bien illustrée, ce qui la rend très agréable à lire.
Je me répète mais LFAR est vraiment le seul site informatique capable d’un tel travail de recherche iconographique. Bravo !
Série très intéressante , oui . La Rigueur du raisonnement est appuyée sur l ‘érudition ,et » ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » s’applique parfaitement ici .
Winock est bien mis » knock out »