Par Aristide Renou
Christophe Dettinger, le boxeur de la passerelle Léopold-Sédar-Senghor, a été mis en détention provisoire en attendant son procès, le 13 février.
Jugé en comparution immédiate, Christophe Dettinger aurait pu connaitre sa sentence le jour-même mais son avocat a demandé le report de son procès pour préparer sa défense. D’où la détention provisoire, que le parquet a justifié notamment par « un risque de réitération ». Soit.
Chacun est dans son droit, à la fois au sens légal et au sens moral. Il est normal que l’avocat puisse demander un délai pour préparer la défense de son client, et il est normal que certains prévenus soient mis en détention provisoire en attendant le procès. Je ne conteste pas le principe. Je ne conteste même pas que les actes commis par Dettinger mériteraient, dans une société civilisée, une sanction assez lourde.
Simplement, je lis dans la presse le même jour le fait divers suivant : un homme de 19 ans soupçonné de trois cambriolages a été arrêté à Vénissieux. Il aurait déjà à son actif 54 antécédents judiciaires (tout en gardant bien à l’esprit que la justice ne connait jamais qu’une partie des méfaits commis par ce genre de multirécidivistes). « Lors de sa garde à vue », précise le journal 20Minutes, « le suspect a reconnu les faits. Laissé libre, il devra s’expliquer devant la justice le 17 septembre prochain ».
Ai-je besoin d’en dire plus ?
D’un côté un homme au casier judiciaire vierge, « risque de réitération ». De l’autre côté un délinquant chronique, connu pour tel, qui reconnait les faits pour lesquels il a été arrêté, mais là, apparemment, pas de risque de réitération. Donc pas de détention provisoire. Et à votre avis, à quoi va s’occuper ce charmant jeune homme en attendant son procès (si tant est qu’il s’y présente, bien sûr) ? Vous croyez qu’il va vivre de la vente de crayons et de cartes postales ?
Coupons court : je dirais en substance exactement la même chose que ce que j’ai dit lors du procès d’Esteban Morillo et Samuel Dufour : « une sévérité en elle-même justifiée devient absolument insupportable lorsqu’elle apparait comme une exception au milieu d’un océan de laxisme et de mépris pour la vie humaine de la part de la « justice » française. »
Comment voulez-vous que le procès à venir de Dettinger, tout comme celui de Morillo et Dufour, n’apparaisse pas comme un procès politique ? Comme l’expression d’une odieuse justice de classe ? On voudrait hâter une révolution sanglante qu’on ne s’y prendrait pas autrement. ■
Excellente observation! Nous ne pouvons plus « avoir confiance dans la justice de notre pays », selon l’expression consacrée. La forfaiture est devenue trop habituelle dans nos prétoires.