L’embouchure du Bou Regreg, le fleuve qui sépare Rabat de Salé, à l’ombre de la casbah des Oudaïa
Par Péroncel-Hugoz
Notre confrère Péroncel-Hugoz, longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, a publié plusieurs essais sur l’Islam ; il travaille depuis 2005 pour l’édition et la presse francophones au Royaume chérifien. Il tient aussi son Journal d’un royaliste français au Maroc et ailleurs, dont la Nouvelle Revue Universelle a déjà donné des extraits. Nous en faisons autant, depuis janvier 2016, en publiant chaque semaine, généralement le jeudi, des passages inédits de ce Journal. LFAR ■
EXTRAITS INÉDITS DU JOURNAL DE PÉRONCEL-HUGOZ, DU MAROC ET D’AILLEURS, ANNÉES 1983-1984 et 2013
Casablanca et Rabat, fin janvier 1984
Au Plaza, que je trouve un peu plus flapi qu’il y a 10 ans.
Et cette fois, un goût d’inquiétude, de peur, que cherchent à me communiquer mes interlocuteurs intellos de gauche, lesquels paraissent s’être donné le mot pour décrire un ciel de catastrophe à l’envoyé spécial de leur journal préféré : selon eux, donc, l’intégrisme islamique n’a qu’une cause : la pauvreté, la misère. Je ne manque pas de répliquer à ces messieurs de l’opposition « démocratique » que dans tous les États musulmans où j’ai roulé ma bosse ces dix dernières années les intégristes, sauf exception, se recrutent essentiellement dans la moyenne bourgeoisie éduquée et très rarement parmi les ouvriers ou les paysans. Au Liban, en Égypte, en Jordanie, en Tunisie, au Pakistan, en Malaisie, presque partout où j’ai observé la situation, les « barbus » étaient surtout ingénieurs, enseignants, médecins, fonctionnaires, comptables, etc. Mes interlocuteurs marocains qui, pour la plupart, ont l’air de connaître le populo de leur pays aussi bien que je connais la sociologie des Esquimaux ou des Peuls, récusent tous mon témoignage. L’hypothèse « Misère » est trop facile et ils s’y accrocheront jusqu’à l’absurde car ils ont bourré le crâne à mes confrères de la presse parisienne, lesquels ont donné un semblant de véracité à ladite hypothèse. Je continuerai donc mon cheminement solitaire. J’ouvre Jeune Afrique et, bien sûr, j’y lis aussi que le terrorisme islamique est dû à la « misère »…
En attendant mes ennemis vont encore dire que je suis « aux ordres du Palais » quand ils sauront, car tout se sait dans cette pétaudière qu’est Rabat, que durant ce séjour j’ai été logé à Témara, plage chic entre Rabat et Casa, chez Paccard le fameux décorateur en chef du roi Hassan II… Issu de la vieille dynastie savoyarde des fondeurs de cloche Paccard, mon hôte, qui est d’ailleurs absent, s’est aménagé cette villa balnéaire quelconque avec un luxe insensé, naïf et même pas confortable. Les édredons à cordage vous étranglent, les étagères trop fines vous coupent, les miroirs partout, suscitent de dangereux télescopages. Les folies esthétiques et techniques des sultans des années 1900, qui s’entouraient d’Européens excentriques, d’inventeurs ridicules, ne sont hélas pas révolues.
Il est notoire que Paccard (photo) reproduit chez lui les décors qu’il installe dans les appartements dynastiques… L’héritier des fondeurs a en outre osé, dans sa villa, une fausse porte qui ouvre sur le postérieur très rouge d’une femme de type européen, le genre de « farce » qui ne risque pas de cadrer avec la décence et la pudeur, deux piliers du caractère marocain. ■
Retrouvez l’ensemble des textes parus depuis le 14 janvier 2016 en cliquant sur le lien suivant : Journal d’un royaliste français au Maroc et ailleurs.
Hélas, la photographie placée en tête de l’article ne nous montre pas la plage de Témara mais l’embouchure du Bou Regreg, le fleuve qui sépare Rabat de Salé, à l’ombre de la casbah des Oudaïa…
Quel est le prénom et l’age de ce Paccard? J’ai eu une tante née Paccard, de cette famille.