Antoine de Lacoste
La province d’Idleb est la dernière province que l’armée syrienne n’ait pas reprise.
Elle avait été conquise par le Front al-Nosra il y a plusieurs années, puis a servi de réceptacle aux islamistes qui acceptaient de se rendre sur les différents fronts syriens.
C’est ainsi que plus de 50 000 hommes armés avec leurs familles se sont agglutinés dans cette zone de 3 millions d’habitants, devenue un véritable chaudron islamiste.
Certains ont contesté cette stratégie russe consistant à négocier la fin plus rapide d’un combat en échange de la vie sauve et surtout du transport sécurisé de plusieurs centaines d’islamistes à chaque fois. Ils se demandaient comment résoudre le problème d’Idleb par la suite. La question est en effet pertinente mais il faut reconnaître que cela a permis de purger la presque totalité du sol syrien des poches islamistes qui étaient multiples. De plus, de nombreuses vies de soldats syriens ont ainsi été économisées.
La donne a changé après l’invasion par la Turquie du nord de la Syrie afin d’empêcher les Kurdes de se tailler un territoire autonome trop important en plus de celui sous contrôle américain. L’armée syrienne avait auparavant massé des troupes au sud d’Idleb et n’attendait plus que le feu vert russe, indispensable pour l’appui aérien, pour lancer son offensive.
Mais les pays occidentaux, Américains en tête, avaient alors prévenu qu’ils interviendraient pour éviter une « catastrophe humanitaire » en cas d’offensive syrienne. Grandeur d’âme touchante surtout après que les Américains aient rasé Rakka, capitale de Daech, faisant des milliers de morts civils. Mais quand c’est le camp du bien qui bombarde, on appelle cela des « dégâts collatéraux.. »
Erdogan, peu désireux de voir l’armée syrienne reconquérir Idleb, a alors proposé à Poutine de prendre le contrôle de la zone avec ses 50 000 miliciens issus d’anciens groupes djihadistes passés sous contrôle turc. De plus, il ferait reculer l’ensemble des groupes islamistes de 10 km à l’intérieur de la zone, permettant de faire cesser les bombardements, notamment sur Alep. L’installation de postes d’observation turcs et russes était en même temps décidée pour éviter toute déflagration imprévue.
Poutine avait accepté afin de supprimer tout prétexte aux occidentaux pour intervenir.
Mais HTS (Hayat Tahrir al Sham), le nouveau nom d’al-Nosra, n’a jamais tenu compte de cet accord. Pire : ses combattants viennent de déloger, sans trop de mal finalement, les hommes d’Ankara de leur zone.
De ce fait, HTS contrôle maintenant la quasi-totalité de la province, où la charia s’applique bien sûr. Cette situation, humiliante pour Erdogan qui a montré son incapacité à contenir les islamistes, ne saurait durer.
Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, l’a confirmé en conférence de presse le 18 janvier : « Il est impossible de maintenir indéfiniment ce dernier foyer de terrorisme sur le territoire syrien. »
Les choses vont bientôt bouger à Idleb. ■
Retrouvez l’ensemble des chroniques syriennes d’Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.