Par Axel Tisserand
Le monarchisme est une idée politique. Souvent associé à une simple posture, il est, chez Maurras, le fruit d’une logique intellectuelle.
« Oui ou non, demande Maurras, à l’aube du XXe siècle, l’institution d’une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée est-elle de salut public ? » La monarchie, pour Maurras, n’est pas seulement une institution : elle doit aussi permettre de libérer les structures sociales, afin de redonner au pays réel la maîtrise de son destin. Une véritable représentation de la nation, incompatible avec la République, est même consubstantielle à la monarchie : « Il faut constituer, organiser la France, ou plutôt la laisser se constituer et s’organiser en une multitude de petits groupements, naturels, autonomes : véritables républiques locales, professionnelles, morales ou religieuses […] se gouvernant par libres conseils spontanés. Le parlementarisme, expulsé de l’État central, peut se réfugier dans ces États inférieurs ». La République n’a jamais réussi à assurer la représentation du pays réel, se contentant d’une représentation partisane qui se prétend l’expression de la volonté générale alors qu’elle n’est que celle d’une oligarchie qui a confisqué le pouvoir. Confiscation contre laquelle s’exprime, aujourd’hui, la colère du pays réel en Gilet jaune.
Les bienfaits de la monarchie découlent de sa nature même. Le fait d’échapper à l’élection garantit l’impartialité et l’indépendance du Roi. La monarchie était absolue, mais au sens d’indépendante, car elle est modérée par un réseau de contre-pouvoirs qui interdisent au roi de devenir despote. « Il n’y a point dans la République de frein à la République […] Qui dit royauté dit Conseils royaux, États du peuple. Qui dit démocratie dit un double gouvernement : l’apparent, celui du nombre, le réel, celui des oligarchies et de l’or. »
La tradition capétienne, du reste, s’oppose directement au despotisme royal : « Qu’on ne dise point que le souverain ne soit pas sujet aux lois de son État puisque la proposition contraire est une vérité du droit des gens que la flatterie a quelquefois attaquée, mais que les bons princes ont toujours défendue comme une divinité tutélaire de leurs États. Combien est plus légitime de dire avec le sage Platon que la parfaite félicité d’un royaume est qu’un prince soit obéi de ses sujets, que le prince obéisse à la loi et que la loi soit toujours droite et dirigée au bien public. » (Louis XIV).
De plus, comme le souligne le Prince Jean : « La république n’est pas concrète, le Royaume l’est. Marianne est une allégorie, le Prince est humain, il a un corps, une voix et un visage. Je dirais même qu’il a les pieds sur terre. La monarchie, c’est un surcroît d’humanité — et d’amour — dans un monde qui en a éperdument besoin » (Un Prince français). Pensons à ce très beau texte de Maurras : « Au commencement de la royauté nationale, par-delà le phénomène de protection et de patronage, il faut placer d’abord un fait aussi complet, aussi primordial, aussi digne de vénération et d’admiration que possible, le fait de force qui est aussi un fait d’amour, le fait de nature qui est aussi acte de volonté : la paternité. » Boutang disait également : « Le Prince est une réalité effective, une personne », dont les institutions permettent de développer les capacités propres. D’autant que les intérêts du prince coïncident avec ceux du royaume. C’est le « patriotisme inné » du monarque dont parlait Bossuet. « La monarchie héréditaire nationalise le pouvoir, parce qu’elle l’arrache : aux compétitions des Partis ; aux manoeuvres de l’Or ; aux prises de l’Étranger. » (Maurras)
Pour Maurras, il ne s’agit pas de restaurer en France une monarchie soumise à un régime d’assemblée. Au contraire, « il faut revenir à un régime qui rétablisse la distinction entre le Gouvernement, chargé de gouverner, et le Représentation, chargée de représenter.» Ce que le Prince Jean confirme : « Il est important que la solution retenue soit conforme au tempérament comme au génie français. La monarchie, telle que je la conçois, doit concilier les capacités d’arbitrage et d’impulsion ». ■
Axel Tisserand
Le Bien commun
Maurras pas plus que l’auteur de ce post n’a lu Tocqueville qui démontre bien que la monarchie a été centralisatrice. Ni Tocqueville ni aucun des penseurs libéraux et monarchistes du 19è siècle.
Votre affirmation de départ est sans preuve donc sans valeur. De plus, elle est très certainement une erreur. Enfin, tout esprit antijacobin se conterait bien aujourd’hui des libertés de toutes sortes, notamment provinciales; telles qu’elles existaient à la fin de l’Ancien régime. Avec la situation présente, il y a un abîme.
Bien avant Tocqueville, Bonald avait souligné l’esprit centralisateur qui, dès le XVI° siècle, s’efforça de faire disparaître les résistances à l’action de l’Etat. Car c’est dans la rationalité étatique que réside la source de la centralisation, tant dans l’Athènes du IV° siècle aJC que dans la Rome du II° pJC. Maurras avait bien entendu lu Tocqueville, et d’ailleurs JJ Le Chevallier se fait l’écho de sa réponse dans « les grandes oeuvres politiques ». Oui les rois ont centralisé, mais ils laissaient intacte la source des identités locales et le civisme d’Ancien Régime ne considérait pas comme incompatible avec le dévouement au Prince la résistance à ses entreprises.
La France est un pays merveilleux habité par quatre type de trajectoires sociales et territoriales. Il en ressort que la moitié des habitants sont attachés à la terre, quant l’autre moitié sans moque, absorbé par le travail. Les premiers territoriaux , les seconds dans les nouvelles métropoles. Quatre esprits différents difficiles à concilier. (La dépêche du Midi)
La république est l’expression d’un esprit nébuleux qui permet à tous de s’exprimer, mais empêche à jamais de constituer une Nation, c’est à dire une pensée commune convergente. Nous sommes en France les seuls à accepter qu’une député de la nation puisse sanctifier sur un média la chanson « nique la France » Ne soyons pas étonné des Gilets jaunes,
Il en résulte que seul une réalité politique nationale, un souverain , aidé par des pouvoirs vassaux locaux indépendants peut offrir un épanouissement personnel et collectif aux Français. S’il en reste encore? Oui il suffira d’une étincelle monétaire et nous sombrerons dans le …
L’Edit de 1692 supprima les consuls élus et les remplaça par des charges de maire mises à l’encan. Si on y voit un subterfuge fiscal destiné à remplir les caisses vidées par la guerre, la vraie plaie du grand siècle, on y discerne aussi une prise en main des opinions à la racine de la société. Les élections municipales étaient toujours matière à débat contre les subdélégués d’une part et les droits seigneuriaux résiduels. Ce fut le début d’une centralisation qui ne se démentira jamais, avec tous les effets pervers que l’on sait. Tous les pouvoirs sauf le pouvoir central avaient été dévitalisés par la fonctionnarisation. Pourrait-on lire dans le marc de l’uchronie le déroulé de la Révolution parisienne de 1789 si le royaume avait été réellement décentralisé ?
Lors de la révolution culturelle chinoise, quelques provinces périphériques comme le Yunnan furent épargnées par les folies du temps parce que le gouverneur mobilisa ses chars sur la route stratégique Shanghaï-Kunming. Techniquement il fit sécession.
Une monarchie française moderne décentralisée est à inventer.