CHRONIQUE – Le président algérien incarne aujourd’hui le chantage exercé par une camarilla d’affairistes et de militaires : Bouteflika ou la guerre, version algérienne du très gaullien « Moi ou le chaos ». (Figaro Magazine du 1.03). Mais surtout, Zemmour dénonce ici « les lois (…) qui permettront demain à des millions d’Algériens de venir retrouver un frère, un père, un cousin résidant déjà en France. Une invasion légale qu’avait prophétisée il y a des décennies le lointain prédécesseur de Bouteflika, Houari Boumediene ». L’essentiel est dit. Et le plus grave. LFAR
« Bouteflika moribond, momie mutique, passant sa vie de pantin désarticulé entre Alger et Grenoble, où réside son médecin traitant. »
Dans les traditions du Maghreb, le chiffre 5 est censé porter bonheur. Les mères bénissent leurs enfants les doigts grands ouverts au-dessus de leurs têtes, ou leur accrochent autour du cou des pendentifs en forme de main. En Algérie pourtant, depuis quelques jours, des manifestations vouent aux gémonies ce chiffre 5. Le porte-bonheur est devenu symbole du malheur algérien. Du mal-vivre de tout un pays gangrené par une démographie exubérante, la corruption endémique, l’aliénation à une économie de rente, fondée sur les deux seules richesses du pays, le pétrole et le gaz. Le chiffre 5, comme le 5e mandat présidentiel que s’apprête à solliciter un Bouteflika moribond, momie mutique, passant sa vie de pantin désarticulé entre Alger et Grenoble, où réside son médecin traitant.
Bouteflika a symbolisé à son avènement la fin de la guerre civile des années 1990 et la défaite improbable des islamistes. Bouteflika incarne aujourd’hui le chantage exercé par une camarilla d’affairistes et de militaires : Bouteflika ou la guerre, version algérienne du très gaullien « Moi ou le chaos ».
Quand on parle de l’Algérie, le spectre du général de Gaulle n’est jamais loin. Bouteflika fut ministre du gouvernement Ben Bella en 1962 à l’indépendance algérienne. Il avait 25 ans et était une des vedettes de la dolce vita algéroise de l’époque !
Bouteflika incarne ce FLN à qui le Général a livré l’Algérie, alors même que l’armée française avait gagné la guerre sur le terrain. Des adversaires impitoyables qui exécutèrent par milliers opposants politiques et harkis fidèles à la France, et chassèrent violemment les pieds-noirs (« la valise ou le cercueil »), alors qu’ils auraient pu stabiliser l’État et l’économie du nouveau pays, à l’instar de ce que fit Mandela avec les Blancs d’Afrique du Sud. Un FLN qui, dès les années 1960, au temps de Boumediene, refusa de prendre des mesures de répression démographique à la manière chinoise, au nom d’une politique de puissance qui a étouffé tout développement économique. Un FLN enfin qui engagea l’arabisation de l’éducation pour extirper les traces de la colonisation française, et fit ainsi le lit des enseignants islamistes.
Après que l’armée eut gagné la guerre civile, Bouteflika, au nom de la réconciliation nationale, a ouvert les prisons et donné les clés de la société aux islamistes, préparant leur victoire politique future. Il ne faut jamais oublier que la bataille du FLN contre le colonisateur français se fit au nom de l’islam contre « les infidèles ». Des infidèles chez qui toute l’Algérie a pris l’habitude de se faire soigner et de déverser son trop-plein démographique depuis cinquante ans – alors que de Gaulle avait accordé l’indépendance à l’Algérie pour que son village ne devienne pas Colombey-les-deux-Mosquées. Des infidèles assez fous pour avoir multiplié les lois (dans la lignée des accords d’Évian, jamais abrogés) qui permettront demain à des millions d’Algériens de venir retrouver un frère, un père, un cousin résidant déjà en France. Une invasion légale qu’avait prophétisée il y a des décennies le lointain prédécesseur de Bouteflika, Houari Boumediene… ■