Hélie de Saint Marc
Par Jean-Christophe Buisson
C’est ce soir …
Un documentaire réalisé à partir des textes laissés par Hélie de Saint Marc, qui met en lumière le destin de ce grand soldat au sens de l’honneur aigu.
CHERS ORPHELINS DE GRANDS HOMMES, le documentaire de 52.minutes (Histoire, ce 15 mars, à 21 h 35) consacré au commandant Hélie de Saint Marc, disparu en 2013 après une vie exemplaire, ne va pas aider à vous faire admirer notre époque où les héros à chanter sont aussi nombreux que les parents donnant à leurs enfants le prénom de Marie en Seine-Saint-Denis (voir à ce sujet l’étude de Jérôme Fourquet).
Même si Hélie de Saint Marc, témoin du siècle n’apporte pas d’éléments nouveaux sur cette figure incarnée de l’honneur et de la droiture, il a notamment pour mérite de ne donner la parole qu’à l’officier lui-même. A partir de ses écrits — nombreux et superbes —, lus par Jean Piat, Marcela Feraru et Jean-Marie Schmitz reconstituent, images d’archives parfois inédites à l’appui, la trajectoire singulière d’un homme qui, 91 ans durant, s’en tint à un principe d’airain : ne pas décevoir, ne pas déchoir.
Enfance bordelaise où naît sa passion (méconnue) pour la nature et se développe, grâce aux « hussards noirs de la République », un haut sens de la morale et de la patrie.
Désespoir où se mêlent dégoût et fascination pour « la force joyeuse du vainqueur allemand », en 1940. Résistance et déportation à Buchenwald avec cet apprentissage de la grandeur et de la misère de l’homme, ce « regard fixe retourné vers l’intérieur » qui devient le sien malgré lui, cette révélation de « l’absolue vérité des êtres ».
L’engagement dans la Légion, « la grande affaire de ma vie ». L’Indochine, histoire de troquer la noirceur des camps de la mort avec la lumière du Tonkin. Le traumatisme d’avoir à abandonner au couteau viêt-minh ces milliers de supplétifs dévoués de l’armée française.
Puis l’Algérie, les rêves de fraternisation sans lendemain en mai 1958, le putsch — seule manière de ne pas trahir à nouveau la parole donnée, seule réponse possible à « l’abus de confiance » du général de Gaulle —, le procès, la prison, le statut de réprouvé jusqu’à la réhabilitation des années 2000 avec le prix Femina, la grand-croix de la Légion d’honneur. Cet honneur enfin, et légitimement, retrouvé.
Ce destin raconté et montré est exceptionnel. Il eût mérité une hagiographie. Il n’en est rien.
Ce documentaire remarquable est une leçon de vie. Et de philosophie de la vie. ■
Source : Figaro magazine, dernière livraison.
Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l’émission hebdomadaire Historiquement show4 et l’émission bimestrielle L’Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d’une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l’émission AcTualiTy sur France 2. Son dernier livre, 1917, l’année qui a changé le monde, vient de paraître aux éditions Perrin.