Par Jean-Louis Gouraud
Conférence prononcée par Jean-Louis Gouraud au XIe Salon du Cheval à Mazagan-Eljadida (Maroc) en octobre 2018. Parution en 3 parties dimanche 17, lundi 18 et mardi 19 mars.
Lorsque le président Mao Tse Toung, soucieux de réchauffer les relations – jusqu’ici glaciales – entre son pays, la Chine, et les États-Unis, offrit au président américain Richard Nixon venu lui rendre visite (c’était en 1972) un couple de ces gros oursons qui ressemblent à des peluches portant des lunettes de soleil, on se mit à parler d’une « diplomatie du panda ».
Deux siècles auparavant, se pratiquait en Chine une autre façon de témoigner sa bonne volonté et son désir de nouer de bonnes relations : en offrant non pas des nounours mais des chevaux.
Le musée Guimet, à Paris, possède un splendide rouleau panoramique dû à un peintre de cour montrant ainsi l’empereur Quianlong [Photo], sous le règne duquel la Chine connut son apogée (c’était au XVIIIe siècle), recevant trois magnifiques chevaux des mains d’ambassadeurs kirghizes ou kazakhs venus faire allégeance.
Ainsi, lorsque le président Macron, croyant sans doute bien faire, offrit récemment (en janvier 2018) au président Xi Jinping un cheval, certaines mauvaises langues – dont la mienne – se demandèrent si le président français avait ainsi voulu marquer son allégeance au président chinois.
Sans doute pas, mais à cette ambiguïté s’ajouta dans cette affaire une maladresse : le cheval offert, prélevé sur les effectifs de la Garde républicaine (qui est d’environ quatre cents chevaux) en effet, était un hongre !
Or, entre souverains et hommes de cheval, on le sait bien, on ne s’offre que des chevaux entiers. Donner un cheval qui ne peut pas reproduire équivaut à refiler une pendule qui ne marque pas l’heure : c’est presque une insulte.
Heureusement, il semblerait que le président chinois se soit montré malgré tout très satisfait du cadeau, ce qui tendrait à prouver qu’en Chine aussi les bons usages se perdent.
Dans le cas d’Emmanuel Macron, on avait eu déjà la preuve de son manque d’éducation en la matière lorsque, à peine élu, il avait réservé sa première visite en dehors de France au corps expéditionnaire envoyé dans le nord du Mali pour tenter d’en éradiquer la menace islamiste. Apprenant cette visite, le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta – dit IBK – était venu à la rencontre du président français, qui avait fait poser son avion non pas à Bamako, la capitale, mais à Gao, la principale ville du nord. Pour honorer son hôte, le président malien non seulement fit l’effort de le rejoindre à Gao mais lui proposa un bel étalon gris de race locale. Ce que Macron – je ne sais pas en quels termes exactement – refusa. Gentiment, j’espère ! Autrefois, ce genre d’affront aurait provoqué une rupture des relations diplomatiques.
Cette histoire me rappelle un peu celle du cheval offert au milieu du XVIIIe siècle par le bey de Tunis, Hussein Ben Ali, au roi de France, Louis XV. Une histoire bien connue, puisqu’elle a été merveilleusement racontée (et enjolivée) par deux grands écrivains populaires : Eugène Sue en 1846 et Maurice Druon [Photo] en 1957. L’animal, appelé Cham, n’avait pas eu l’heur de plaire à Louis XV, qui avait ordonné d’en débarrasser ses écuries. La pauvre bête se retrouva alors sur le pavé parisien à tirer une carriole, jusqu’à ce qu’un Anglais, de passage à Paris, discerne un formidable potentiel dans la misérable haridelle qu’était devenu ce cheval.
Pour une poignée d’avoine, il l’achète, l’amène à Londres où, après mille péripéties, le bestiau se retrouve dans le haras d’un aristocrate passionné de courses, Lord Godolphin. L’endroit est prestigieux mais Cham y est relégué au simple rôle de souffleur. On disait, à l’époque, agaceur, ou boute-en-train. Un job assez frustrant : il s’agit pour le cheval d’aller renifler l’arrière-train d’une jument afin de déterminer si la dame est disposée, ou non, à recevoir l’hommage d’un étalon. Si c’est non, la femelle proteste vigoureusement en décochant à celui qui la renifle quelques belles ruades. Si c’est oui, on ramène le malheureux souffleur à l’écurie, pour laisser la place à un étalon de prix, auquel on ne voulait pas faire prendre le risque d’un coup de pied malencontreux.
Un jour, il faut le comprendre, Cham finit par se révolter. Rompant ses liens, il alla honorer une belle alezane qui passait par là. De cette union imprévue naquit onze mois plus tard un poulain extrêmement rapide à la course. Du coup, si je puis m’exprimer ainsi, le propriétaire débaptisa Cham pour lui donner son propre nom, Godolphin, qui devint le principal reproducteur de son élevage, ainsi que l’un des fondateurs d’une race appelée à un bel avenir, que les Britanniques ont le culot d’appeler le « pur-sang anglais » [Photo]. (À suivre, demain lundi et mardi) ■
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De Péroncel-Hugoz : JEAN-LOUIS GOURAUD, « LA PLUS BELLE CONQUÊTE DU CHEVAL »
belle histoire
cordialement