Antoine de Lacoste
Depuis la création de l’Etat d’Israël, les Etats-Unis ont fait de sa sauvegarde un principe absolu et l’axe majeur de leur politique au Proche-Orient.
Mais une prudence diplomatique habillait toujours cette politique afin de ne pas froisser les susceptibilités des pays arabes alliés. Car là comme ailleurs il y les bons (Arabie Saoudite, Qatar, Jordanie) et les méchants (Iran, Syrie). Pour ces derniers, le mieux serait de changer de régime, mais ça ne marche pas toujours…
Trump a décidé de casser ces codes en vigueur depuis 1948. Plusieurs présidents avaient promis pendant leur campagne électorale de transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem afin de satisfaire les électorats juifs et évangélistes. Une fois au pouvoir ils s’empressaient d’oublier cette promesse afin de ne pas rompre un équilibre précaire dans la région la plus instable de la planète. Trump l’a fait et a mis dans l’embarras ses alliés arabes les obligeant à condamner mollement voire à accepter l’inacceptable. On peut d’ailleurs en passant regretter la grande discrétion de l’Eglise sur une décision qui remet en cause le statut international de Jérusalem et donc les droits des catholiques.
Avec le Golan, c’est un autre tournant : il s’agit d’une terre syrienne conquise en 1967 lors de la Guerre des six jours puis annexée en 1981. La communauté internationale n’a jamais accepté cette annexion, y compris les Etats-Unis qui, pour le principe, la condamnaient.
C’est évidemment par un tweet que le président américain a annoncé le changement à venir : « Après 52 ans, il est temps pour les Etats-Unis de reconnaître pleinement la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, qui a une importance stratégique pour l’Etat d’Israël et la stabilité régionale. » C’est également par un tweet que son ami Benjamin Netanyahu l’a chaleureusement remercié de ce cadeau en pleine campagne électorale où la victoire est incertaine en raison des multiples accusations de corruption qui pèsent sur le Premier ministre israélien.
Côté arabe ce n’est évidemment pas la même musique. La Syrie a vigoureusement protesté en rappelant habilement le caractère syrien mais aussi arabe du Golan, obligeant ainsi ses voisins à se positionner. C’est ce qu’ils ont dû faire : L’Egypte, la Jordanie et toutes les monarchies du Golfe ont rappelé qu’en effet le Golan était une terre syrienne et arabe.
Au-delà de cette nouvelle violation du droit international (mais chacun sait que les Américains ne l’utilisent que lorsque cela les arrange), cette décision aura des conséquences. Un des objectifs diplomatiques des Etats-Unis était de normaliser définitivement les relations entre Israël et leurs alliés arabes. En contraignant ces derniers à prendre la défense de la Syrie et en rejoignant l’Iran et la Turquie dans une unanimité régionale rarement vue ces derniers temps, la reconnaissance de l’annexion israélienne du Golan va retarder ce processus.
Mais c’est surtout vers la Cisjordanie que les regards se tournent maintenant. Car ce territoire palestinien destiné à être un futur Etat est progressivement rongé par des colonies israéliennes. Ce processus, contraire lui aussi à tous les traités, est encouragé par Netanyahu.
Des voix s’élèvent maintenant en Israël pour une annexion au moins partielle de la Cisjordanie. Le précédent du Golan ne peut qu’encourager les Israéliens dans cette voie qui sonnerait le glas d’un futur Etat palestinien et jetterait ses habitants dans le désespoir. ■
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Je suis stupéfait du parti-pris anti-israélien et qui plus est tourne le dois à la vérité historique. Vous êtes lamentable et vos approximations de bourgeois catho ne font rien d’autre que de provoquer de la haine inutile envers las Juifs.
Lamentable.
Où est la haine ? Elle se cache souvent chez celui qui la dénonce en autrui pour se dissimuler et dissimuler aux autres qu’elle est en lui. Les termes du commentaire signé Delpard en attentent.
Je connais un peu Antoine de Lacoste, c’est un homme objectif avec une pensée rigoureuse. Cependant la question du Golan est délicate. Israël a occupé ce plateau après la formidable agression de la Syrie et de ses alliés arabes visant à l’éradication du pays. Si ceux-ci étaient arrivés à leur fin, c’eut été assurément un nouveau génocide. C’est donc à bon droit que le petit état juif a pris possession du Golan comme prise de guerre stratégique, et ce serait folie de le rendre. Trump, et là je suis d’accord avec Antoine, mène une politique « bulldozer » très étrangère à l’esprit du moyen orient qui pourrait enflammer de nouvelles passions sur fond de braises islamistes.
Au-delà des considérations sensibles sur les peuples et leur auto-détermination déclamée sans fin, il est nécessaire de se tourner vers la géopolitique pour appréhender les forces à l’œuvre dans le Golan et la Cisjordanie. La plateau du Golan est un élément de la sécurité d’Israël qui peut difficilement accepter en tant qu’Etat de voir son intégrité menacée par son voisin Syrien, ennemi déclaré, et dont l’instabilité politique et militaire ne porte pas à la confiance dans un éventuel accord sur cette terre. Ne pas reconnaitre à Israël la possibilité de se protéger en contrôlant le Golan, reviendrait à lui dénier un droit que tout Etat est logiquement en position de revendiquer pour la protection de ses citoyens, mais l’autoriser explicitement comme le fait Trump, constitue, du point de vue juridique, un contresens sur les droits des frontières garanties par le droit international dans la mesure où celui-ci exclu la force pour les modifier. Seul un accord de paix pourrait permettre une sortie par le haut, mais les conditions n’étant pas remplies actuellement, et c’est le moins qu’on puisse dire, il n’y a pas de solution pérenne à ce problème pour le moment.. La sortie de Trump ne change fondamentalement rien sur le plan du Droit, mais tout sur celui des gesticulations dans lesquelles l’impuissance aime en général à se complaire, et la communauté internationale est spécialiste en la matière. La déclaration de Trump sur le Golan est plus un élément provocateur au sein d’une négociation plus vaste que la solution au différent sur ce plateau. La Cisjordanie relève d’une autre problématique, celle de l’occupation de terres pour l’implantation de colons, dans la plus pure des pratiques de conquêtes des sols, fondamentalement pour des raisons économiques et financières, mais également stratégiques pour la profondeur du champ, de sécurité géographique, ainsi qu’idéologique dans le cadre de la pensée du « Grand Israël », construction politique justificative à postériori, des nécessités matérielles, que rencontre un Etat dans son développement. Il convient de remarquer que pour le moment la Cisjordanie n’est pas encore un problème d’annexion mais une crainte forte des Palestiniens justifiées par les colonies. Leur incapacité à faire bouger les lignes de négociation, pour une conclusion pacifique en vue de la coexistence avec l’Etat d’Israël, qui doit passer par sa reconnaissance, constitue aux yeux de la communauté internationale un problème sans solution qui affaiblit leur position, quelle que soit la légitimité qu’on lui prête, favorisant ainsi peu à peu la conquête rampante de ce territoire par l’Etat d’Israël. Contrairement à ce que les organisations politiques de tous côté essayent de faire croire pour influencer les opinions et les décideurs, il n’y a pas de « bons et de méchants » dans ces affaires mais l’expression de tensions géopolitiques inhérentes aux Etat jeunes ou en devenir dans une géographie ancienne, instable, comportant la lutte pour le contrôle des ressources nécessaire à leur survie ou à leur établissement. Les différentes sociologies respectives viennent compliquer les échanges et les négociations, mais croire qu’elles seraient la raison fondamentale des différents serait prendre la carte pour le territoire. Le vide crée l’opportunité, et les Etats en ont toujours profité pour affermir leur emprise, sur les territoires à valoriser. Les belligérants ne voient que rarement les prédateurs externes à leurs disputes, Le Golan n’est qu’un des leviers, avec éventuellement la Cisjordanie, d’un repositionnement plus vaste des puissances externes dans une région qui n’est stratégiquement plus la première priorité pour elles. Cela signifie qu’il plus que temps pour le Moyen Orient de s’engager dans un processus de paix, et il est déjà bien tard, pour éviter l’intrusion de nouveaux prédateurs comme la Chine, déjà en Afrique, et l’Inde, qui n’ont aucune racines culturelles avec cette région, et n’auront donc aucune retenue dans leur projets d’exploitation.
Le nord de la Galilée fut bombardé fréquemment par le régime syrien depuis le plateau du Golan avant la Guerre des Six jours.
La capture du plateau fit cesser l’insécurité des communautés juives sur leur territoire. Quoiqu’il advienne, Israël ne se retirera jamais du Golan pour cette première raison ; de la même manière, les colonies de Cisjordanie ne seront pas démantelées puisqu’elles tiennent les captages d’eau des collines dont a besoin la plaine.
C’est pragmatique.
Phidias fait une analyse géopolitique de haute volée.
Que vaut le mot « jamais » que brandit Kardaillac ? En pareille matière, rien du tout. C’est peut-être du pragmatisme. Mieux vaut un peu de sagesse.
Le sort d’Israël ravive les philées autant que les phobies. Boutang condamnait les deux en matière de politique étrangère. Il avait raison. Et De Gaulle aussi : « Les nations n’ont pas d’amitiés. Elles ont des intérêts ». C’est plus vrai que jamais. Et l’on ne peut nier qu’Israël défend âprement les siens. Nous ferions mieux de suivre son exemple s’agissant des nôtres plutôt que d’épancher étourdiment nos passions individuelles pour ou contre tel ou tel. Il est arrivé dans notre histoire que ce genre d’étourderie nous coûte cher.
@ Baratier. La « sagesse » d’Israël est sans doute à construire. Ses dirigeants ont montré beaucoup de qualités depuis 1948 mais de sagesse point encore. Les deux retraits effectués, Sud-Liban et bande de Gaza, sont devenus des nids à problèmes pires qu’avant. Le contrôle de ces régions avait un prix élevé mais bien inférieur à ce que représente les protections mises en place aujourd’hui pour les surveiller et s’en protéger.
Fort de ces expériences malheureuses, on voit mal le personnel politique exposer un jour les Juifs de Galilée à la vindicte arabe en abandonnant le plateau du Golan qui les surplombe.
Aussi le « jamais » tiendra-t-il aussi longtemps que le Deutéronome donnera aux Hébreux un territoire plus grand encore que celui accordé par les Nations Unies et que tout le monde connaît aujourd’hui sous le nom d’Eretz Israël !
Les « principes » passeront après les conséquences des réalités constatées les pieds au sol, la queue de trajectoire est assumée. Personne en Israël ne croit à un retrait du Golan.
Si votre pensée est aussi claire que votre langage, tout est possible.
Je ne puis me résoudre à raisonner en Israélien, si vous m’y autorisez.
Ce que tout le monde croit ou ce que personne ne croit en Israël n’est pas pour moi article de foi.
Protéger son territoire en envahissant celui des autres peut-être une solution. Annexer de facto sinon de jure celui des autres est déjà plus contestable. Mais après tout les frontières se forgent dans la lutte plus que dans les salles de conférence. Et les peuplades proche-orientales vivent une guerre à perpétuité. Ce n’est pas la mienne. La France n’a pas d’amis. Elle a des intérêts. Ils ne se confondent avec ceux d’aucun des belligérants.
Quant aux prévisions… Il y a tant d’exemples de jamais ridicules que vous avez beaucoup de courage à vous y risquer. Fût-ce sous couvert du Deutéronome. Il n’a pas empêché jadis la destruction du Temple. Alors, voyez-vous,tout est possible. Gardez la foi des anciens jours les pieds dans la glaise.