Par Xavier Raufer
La myope « société de l’information » se vante d’accéder au savoir suprême par l’ « intelligence artificielle », mais dans les faits, réagit plutôt comme ces requins qui perçoivent juste ce qui s’agite et saigne.
Ainsi, les médias voient-ils Washington comme le lieu d’une simple bagarre de chiffonniers entre Donald Trump et la nomenklatura locale, quand, dans le silence de l’Amérique profonde, le contrôle du pouvoir réel connaît d’inquiétantes péripéties.
Voici ce qui perturbe désormais les experts de Washington : à l’anomie et au narcissisme de la population, répond la militarisation, la prussianisation du sommet, au classique sens du terme : le Pentagone (ministère de la Défense) contrôle en fait la politique étrangère du pays, naguère dirigée par le State Department, ministère oblitéré par le président Trump.
Un Pentagone qui, en outre – toujours en silence et dans l’ombre – mute désormais en tout autre chose qu’un simple « complexe militaro-industriel » : – la « guerre des drones » menée sous les présidents Obama et Trump, – la fusion avec les industries de défense (Boeing, General Atomics, Lockheed Martin, Northrop Grumman, etc.) et du savoir (son armée de «consultants»), – l’addition au tout de la proliférante communauté du renseignement, font désormais du Pentagone un immense « complexe de la guerre perpétuelle ». Or, fait inouï dans l’histoire, les décisions prises par ce complexe dépendent désormais autant des actionnaires de l’occulte partenariat-public-privé, Pentagone-armement-consultants, que de l’intérêt public de la nation américaine.
Ce méga-Pentagone est-il cependant efficace, d’abord dans cette « Guerre à la Terreur » qu’il mène inlassablement dans le monde depuis le président Bush ? Pas vraiment. Une crédible étude (du Center for Strategic and International Studies) montre qu’à garder son chiffrage minimal, le monde compte fin 2018 trois fois plus de terroristes djihadistes (±100 000) qu’en 2001, lors des attentats du 11 septembre (±37 000). Ce piètre résultat a coûté à Washington $ 5 900 milliards. Et même si la guerre s’achevait aujourd’hui, resterait pour 2019-2023, une facture de 808 milliards de dollars de dépenses induites. L’Amérique profonde, Donald Trump, voient l’aspect intenable de cette fuite dans la guerre perpétuelle ; la Chine et la Russie espérant le crash d’une Amérique déchirée et ruinée. Mais face à l’écrasante puissance du néo-Pentagone, comment reprendre la main ? ■