La Semaine Sainte dans la France de 2018 avait été marquée par l’attentat de Trèbes et l’assassinat du gendarme Arnaud Beltrame. Celle de 2019 a vu Notre-Dame ravagée par les flammes. On s’interrogera longtemps sur les causes réelles de l’incendie et l’on se disputera sur la reconstruction du monument de pierre. Ici, plus simplement, essayons de faire une lecture symbolique de ce qui s’est passé.
L’incendie est intervenu alors que l’Eglise universelle est en flamme et quelques jours à peine après que Benoît XVI, qui le lendemain fêtait son 92e anniversaire, venait de lancer son brûlot sur les causes de la crise qui secoue la barque de Pierre. Il y avait particulièrement remarqué qu’aujourd’hui, « l’Eglise meurt dans les âmes » et que « c’est une inertie du cœur qui nous conduit à ne pas vouloir (…) reconnaître » les « témoin(s) du Dieu vivant ».
A ce moment, la France aussi était en feu et c’était ce 15 avril qu’Emmanuel Macron avait décidé d’intervenir pour essayer d’éteindre le feu allumé par la crise des « gilets jaunes ». C’est Notre-Dame, « la première en chemin », qui a tout bouleversé.
Les premières images du sinistre montrent une fumée blanche qui s’échappe du pied de la flèche, comme celle qui sort de la cheminée de la Chapelle Sixtine lors de l’élection d’un nouveau pape. Cette fumée-là annoncerait-elle donc un nouveau départ pour l’Eglise qui est en France ?… Et comme certains veulent que Notre-Dame appartienne au patrimoine universel, s’agirait-il d’une nouvelle ère pour le monde ?
Plus tard, l’orgueilleuse flèche est tombée. Doigt pointé vers le ciel, chef-d’œuvre de la démesure dont l’architecte s’est représenté lui-même à ses pieds, sous l’apparence de l’apôtre Thomas l’incrédule. Il regarde le sommet de la flèche, la main en visière au-dessus de ses yeux pour ne pas être ébloui par cette prouesse humaine, matérielle et technique. Mais, la flèche en tombant a percé la voute de la nef (voute qui a tenu malgré la chute de la clé de voûte, la chaleur qui fend la pierre et le poids de l’eau) comme la lance du soldat avait percé le cœur du Christ.
Pendant l’incendie, il y avait des badauds en silence sur les ponts et dans les rues adjacentes, mais la foule rassemblée place Saint-Michel priait. Et l’on sait maintenant que l’aumônier des pompiers de Paris, l’abbé Fournier, ce héros du Bataclan et de la guerre en Afghanistan, après avoir sauvé la couronne d’épines, est retourné dans le brasier pour aller mettre les hosties contenues dans le tabernacle de l’autel dédié à saint Georges (celui qui terrasse le dragon) à l’abri et, avec elles, bénir la cathédrale en flamme.
Les drones qui ont survolé Notre-Dame, pendant le sinistre, ont fait briller dans la nuit des ténèbres une croix rouge comme le sang, qui illuminait Paris. Le plan sur lequel est bâti la cathédrale est, à lui seul un témoignage de la foi des artistes anonymes qui nous légué un tel héritage.
Quand les pompiers ont pu enfin entrer dans le fond de la nef ils ont pu constater et montrer au monde entier que la grande croix dorée qui surmontait l’autel, la piéta, les statues de Notre-Dame n’avaient pas été abîmées. Notre Dame, toujours debout au pied de la croix. En découvrant ces images, l’artiste qui avait sculpté cette magnifique croix glorieuse, Marc Couturier, a été très étonné de la voir si brillante :
« C’est mystérieux, c’est très étrange ! Car elle n’est pas éclairée… cette lumière qui émane de la croix, c’est étonnant… Elle remplissait son devoir : resplendir dans la nuit et dans le chaos. »
Aux pieds de la piéta, si la statue de Louis-Dieudonné (Louis XIV) n’a pas été atteinte non plus, celle de Louis XIII offrant sa couronne à la Reine du Ciel a été juste décapitée (comme Louis XVI). Elle semble avoir été atteinte par un coup donné latéralement alors que la cause de sa mutilation venait d’en-haut. La couronne de France, elle, est demeurée intacte, offerte à Notre-Dame, qui est Reine de France.
Le coq de bronze qui était au sommet de la flèche pour servir de « paratonnerre spirituel » aux chrétiens et aux parisiens et qui renfermait trois précieuses reliques (de saint Denis, de sainte Geneviève et une épine de la couronne d’épines) a été retrouvé dans les décombres, n’ayant pas fondu malgré la chaleur. Pourtant le bronze fond à moins de 900° et la couleur des flammes et de la fumée montrait que cette température devait être dépassée.
L’émotion suscitée dans tout le pays, les promesses de dons pour la reconstruction montrent, comme l’a exprimé Monseigneur Rougé, évêque de Nanterre, « ce paradoxe singulier d’une France qui est à la fois l’un des pays les plus laïques au monde et en même temps l’un des plus viscéralement catholiques ». Cela suffira-t-il à réveiller les croyants ? Se souviendront-ils que, la veille, à la fin de la procession des rameaux, ils entendaient la voix du Christ leur disant que si les disciples se taisent, « les pierres crieront » ? ■
en effet troublants ces signes .Espérons que les chrétiens de France et d’occident se réveilleront.
Ce témoignage est effectivement bouleversant !
Très beau commentaire, M. Schwerer. Espérons que ces signes que vous relevez et interprétez se traduiront effectivement par un renouveau ; que ce très mauvais présage pour l’Eglise et pour la France que pouvait être cet incendie en début de semaine sainte, que cet avertissement qui nous est donné sur le mauvais sort qui nous menace, sera au contraire, avec la cathédrale blessée mais toujours debout, le point de départ d’une prise de conscience collective et d’un renouveau identitaire et spirituel. Espérons aussi, plus concrètement, que la rénovation annoncée ne soit pas une blessure de plus infligée aux valeurs du passé par l’infâme et vulgaire art contemporain…