par Gérard Leclerc
« le pouvoir n’est pas au bout de ses peines pour résoudre une crise sans précédent dans notre histoire moderne. »
Dans l’histoire nationale et internationale du Premier Mai, il n’y a pas eu que des épisodes pacifiques.
Même à Paris, il y a eu des manifestations syndicales violentes. Et d’ailleurs d’une façon plus générale pour le mouvement social, il y a eu des périodes d’extrême tension, avec un fond de climat insurrectionnel. Par exemple, on a presque complètement oublié la période d’après-guerre, avec un parti communiste qui constituait la principale force politique, populaire et syndicale du pays. Il ne fallut rien moins que la détermination d’un ministre socialiste à poigne, Jules Moch, pour briser une offensive de grève générale qui était sur le point de mettre à genoux le gouvernement de la IVe République. Le contexte international, celui de la guerre froide entre l’Est soviétique et l’Ouest libéral, conférait à l’offensive une dimension supérieure.
Par la suite, le climat s’est apaisé avec ce même parti communiste assagi et devenu le gérant des intérêts de la classe ouvrière accédant aux avantages de la société de consommation. Certes, il y eut en 1968 un réel bras de fer avec le pouvoir incarné par le Général de Gaulle, mais il était hors de question pour la parti de passer à une phase insurrectionnelle. La CGT, courroie de transmission majeure du parti, a elle-même subi une mutation l’apparentant à un syndicalisme sinon modéré, du moins intégré dans le système. Les rendez-vous traditionnels du Premier Mai avaient un air bon enfant qui s’accordait à l’avènement du printemps et aux vendeurs de muguet.
Quelque chose a radicalement changé l’année dernière et cette année. Philippe Martinez s’est trouvé doublé par les Gilets jaunes et les black blocs. Un moment, il a même été exfiltré du défilé qui tournait à l’émeute. Prise dans la bourrasque, la CGT a été chargée par la police, ce dont s’est amèrement plaint le même Martinez. Il faut donc admettre que les Gilets jaunes ont changé complètement la donne, en brisant toutes les règles et en imposant une nouvelle problématique que l’on doit définir comme subversive. Elle s’en prend à la légalité du régime, à la légitimité du président dont elle exige la démission. À quoi aboutira cette radicale mutation ? Il est impossible de le dire et le pouvoir n’est pas au bout de ses peines pour résoudre une crise sans précédent dans notre histoire moderne. ■
Gérard Leclerc
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 mai 2019
Archives • Sur les violences du 1er mai, lire dans lafautrearousseau …
Excellente analyse. Ce 1er mai restera comme le moment ou la CGT n’a plus été capable ce qui était dans son ADN et fondait sa légende et même son histoire : tenir la rue.
Macron est passé par là et les partis et les syndicats perdent leur suprématie. Faut-il vraiment le déplorer et surtout par quoi les remplacer ?