Par Yves Morel
Cette question, dont nous faisons un titre, mérite examen.
On serait tenté, de prime abord, d’y répondre par la négative, au regard de l’insigne médiocrité de notre personnel politique et de la déliquescence continue de notre nation, dans tous les domaines. Pourtant, quelques signes semblent démentir un peu cette vision pessimiste de la situation, et autoriser un timide début d’espoir pour l’avenir.
Comme c’est souvent le cas, ces signes se trouvent dans la jeunesse, en l’occurrence la nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques qui commence à éclore. Certes, il convient de ne pas nourrir trop d’illusions à ce sujet. Le jeunisme ambiant, qui sévit dans le microcosme politicien comme ailleurs, et l’arrivée au pouvoir de Macron ont provoqué l’irruption, au sein du gouvernement, de l’Assemblée nationale, et des instances dirigeantes des partis, de toute une palanquée de godelureaux et de péronnelles qui n’ont rien à nous offrir de mieux que leurs aînés. Mais on relève tout de même quelques exceptions tant soit peu encourageantes, dans les formations politiques les plus diverses.
Jordan Bardella, révélation du Rassemblement national
Jordan Bardella est, à ce jour celui qui suscite la plus grande curiosité. Ce benjamin de la classe politique (il a seulement 23 ans) a, depuis sa désignation à la tête de la liste du Rassemblement national pour les européennes, montré qu’il n’était pas un simple produit de la com, qui gagne toute la classe politique. Très bien informé des questions débattues durant cette campagne, doué d’une assez grande facilité d’élocution et d’une grande capacité argumentative, il est la révélation de cette compétition électorale. Au risque d’exagérer, on peut affirmer qu’il représente l’espoir de la réunification du peuple français. Né en Seine-saint-Denis (le tristement célèbre « 9.3 »), issu d’une très modeste famille d’origine italienne, ayant passé sa jeunesse dans une cité HLM exposée aux incivilités, à la délinquance et à la violence en même temps qu’abreuvée de propagande communiste, il a pourtant fait le choix de ne pas céder à la pente naturelle de l’engagement à gauche. Au contraire, dès l’adolescence, il voit l’espoir du changement dans le camp adverse. Dès 2013, à peine âgé de 18 ans, il prend la direction du FN de son département, et, en 2015, à moins de 20 ans, il se voit élu conseiller régional d’Île-de-France. Il connaîtra pourtant la défaite aux départementales de 2015 et aux législatives de 2017. Très actif, il trouve encore le temps de lire et de s’instruire, puisant certaines de ses idées dans l’œuvre de Christophe Guilluy, le géographe des milieux péri-urbains qui critique les effets de la mondialisation sur les classes populaires. À ses yeux, la solution aux difficultés des plus pauvres ne réside pas dans une surenchère socialiste et révolutionnaire telle que la pratique l’extrême gauche, mais dans une critique raisonnée de la mondialisation. Ce qui l’amène à une critique de la politique monétaire de la BCE, et à demander la réorientation de la politique économique européenne dans la sens de la lutte contre le chômage et la maîtrise par les États de leur pleine souveraineté en matière de défense de leur industrie et de leur action sociale. Son modèle est Matteo Salvini. Il le loue d’avoir contesté la politique migratoire européenne, les directives économiques de Bruxelles, et d’avoir remis en cause le CETA. Pour autant, il ne donne pas dans les rodomontades du chef de la Ligue du Nord. Il s’inscrit dans le sillage de la politique d’ouverture de Marine Le Pen, sans servilité, et il conteste la politique du président de la République sur la base de critiques pertinentes et précises. Affirmant représenter, au RN, « la fibre sociale », revendiquant la modestie de son origine familiale, il ne donne pas, pour autant dans un populisme grossièrement populacier, et il montre, de par ses déclarations émues sur la tragédie de l’incendie de Notre-Dame, et le passé millénaire de la France, que, pour lui, la défense de l’identité de notre nation ne se confond pas avec une franchouillardise de comptoir.
François-Xavier Bellamy, nouvelle conscience de la droite républicaine ?
François-Xavier Bellamy, tête de liste des « Républicains », illustre, lui aussi, cette évolution. Professeur agrégé de philosophie, il a eu le courage de faire justice de certains présupposés à l’origine de la décadence que nous connaissons. En cela, il a fait œuvre de penseur plus que d’homme politique. Dans son livre Les déshérités (2014), il a montré que la crise de l’éducation et de l’enseignement dont nous souffrons depuis cinquante ans tient au refus de la transmission culturelle et morale, et il fait remonter l’origine de ce refus à Descartes, avec sa « table rase », Rousseau, père de l’anti-culture et de la révolte contre la civilisation, et Bourdieu, qui a assimilé à l’excès transmission et culture de classe. Dans Demeure (2018), il discerne le vice rédhibitoire de notre monde moderne dans le culte du changement, conçu comme une fin en soi, et dénonce l’institution d’un monde fluide, dénué de repères et d’ancrage culturel, prolongeant ainsi la description faite trente ans plus tôt (mais dans une perspective moderniste) par Lipovetsky de « l’empire de l’éphémère » et de « l’ère du vide ». Bellamy refuse de passer sous les fourches caudines morales imposées à la droite depuis des décennies. Au rebours des attitudes stéréotypées de la droite « républicaine » depuis une quarantaine d’années, il s’est prononcé en faveur de la tradition, de la morale, du mariage traditionnel, de la famille, d’un contrôle strict de l’immigration, de la primauté de l’instruction et de la transmission culturelle sur l’ « éducation », et s’est prononcé contre le TAFTA et le CETA, contre le refus bruxellois des formes de patriotisme économique, contre la permissivité, le mariage pour tous, la PMA et la GPA. Cela sans véhémence ni propos emberlificotés, avec netteté, franchise et clarté. Espérons que ce jeune intellectuel, encore bien peu présent sur le terrain politique, et encore inexpérimenté, puisse exercer une influence salutaire sur son camp.
Adrien Quattenens, l’enfant prodige de la France insoumise
Le simple souci d’honnêteté oblige à reconnaître que les signes encourageants (jusqu’à un certain point, ne rêvons pas trop) de renouveau de la classe politique au plan des nouveaux venus ne se trouvent pas uniquement à droite. La gauche en présente également quelques-uns.
Le plus représentatif semble bien être Adrien Quattenens, ce jeune député LFI de 28 ans du Nord depuis deux ans. Ce conseiller clientèle EDF, militant du parti de gauche depuis 2013, membre de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, s’est illustré dès ces débuts par son offensive contre la réforme du Code du Travail réalisée par Macron, Philippe et Muriel Pénicaud. Le 10 juillet 2017, parlant pendant une demi-heure à l’Assemblée nationale, il a pourfendu ce projet de loi et tenté de faire adopter une motion de rejet préalable. Par la suite, il a eu l’occasion de s’exprimer à la télévision et à la radio, et a toujours révélé une élocution aussi aisée qu’abondante, une aptitude argumentative remarquable, sa capacité à aller d’emblée au cœur des problèmes, des réflexions intelligentes et pertinents et, dans ses prestations audiovisuelles, une énergie visible mais exempte des outrances d’un Mélenchon, lequel n’est qu’un bateleur d’estrade. En revanche, la tête de liste LFI aux européennes, Manon Aubry, ne semble pas dotée des mêmes qualités.
C’est dans l’opposition que la jeunesse recèle des espoirs de renouveau
En somme, l’opposition de droite et de gauche semble recéler des talents parmi ses jeunes figures, ce qui nous change des trentenaires du gouvernement Philippe, à commencer par l’inénarrable Marlène Schiappa, la fausse intellectuelle bobo-féministe, libérale-libertaire et mondialiste, ou l’incroyable Julien Denormandie, lequel, il y a peu, affirmait que la ville de Paris intra muros ne renfermait que 50 SDF (!!!). Cela est, jusqu’à un certain point, encourageant. Cela dit, nous sommes encore loin d’une véritable régénération de notre classe politique et de notre politique tout court. ■
VERDU sur Éloquence : Tanguy à la tribune,…
“Il est bon !!”