Par Péroncel-Hugoz
DES ORIENTALISTES CLAIRVOYANTS
A mes yeux la défaveur encourue par l’Histoire-géo et la mode kurde, laquelle n’est qu’une des facettes secondaire de l’islamo-gauchisme triomphant, relèvent du même phénomène d’autodénigrement. Or les choses sont peut-être en train de changer : grâce à divers orientalistes modernes, comme la regrettée Anahid Ter-Minassian ; pour ne citer qu’elle, on sait désormais sans conteste possible que les principaux tueurs d’Arméniens, Assyriens et autres chrétiens turco-mésopotamiens, de 1898 à 1924 (1916 ne fut que l’année la plus meurtrière de ce quart de siècle de persécutions antichrétiennes en Empire ottoman finissant), furent des Kurdes, obéissant certes à des ordres turcs mais lesdits Kurdes, sauf rarissimes exceptions, ne se firent pas prier pour courir aux massacres, aux viols, aux enlèvements d’enfants et de jeunes filles, aux vols. Au contraire…
Donc, de nos jours avec le retour d’une certaine lucidité, la géographie a repris du poil de la bête et à inspiré des écrivains en vue comme les frères maoïstes Rolin, Olivier et Jean. Le premier, qui est l’aîné, resté plus radical en politique que le cadet, a redonné du tonus à la « littérature géographique », ce que la Toile a qualifié de « récits géographiques » ; et nous voilà embarqués, avec Olivier, d’Athènes à Bakou via La Havane et la Russie ; en train de reprendre goût à la Géographie et à sa sœur l’Histoire. Jean Rolin, lui, a également remis en honneur la marche, « géographique » bien sûr, et cela nous a valu Journal de Gand aux Aléoutiennes et surtout Chrétiens (Photo), ce récit d’un séjour en Palestine qui montre, sans coup férir, que les musulmans des territoires occupés par Israël depuis 1967, soumis aux mauvais traitements des occupants, n’en infligent pas moins toutes sortes de sévices et tracasseries, traditionnels si on peut dire, à leurs compatriotes chrétiens, lesquels subissent donc le double arbitraire et de l’occupation militaire israélienne et de la dhiminitude inhérente à l’Islam…
On était carrément à gauche, passons à droite, bien que la Géographie, contrairement à l’Histoire, soit une science apolitique, passons à droite avec Sylvain Tesson, notre infatigable randonneur, à travers la Sibérie vide ou la France oubliée ; il a fait le tour du monde à vélo avec son condisciple Alexandre Poussin, ce qui a donné un roboratif essai, « géographique », par définition : On a roulé sur la Terre (1996) qui a valu à juste titre aux co-auteurs le prix de l’Institut géographique national (IGN).
ENFIN GUILLUY VINT ! …
Et puis est apparu le « géographe urbain » Christophe Guilluy, réputé « socialiste » mais qui ne mêle jamais la politique à sa vision de la Géographie – et ça nous donne l’indispensable, l’incontournable France périphérique qui a valu haut la main à ce « consultant pour collectivités territoriales », le prix des Impertinents (2014). Une plongée dans l’univers péri-urbain montrant comment la gauche « chic », la bobocratie au pouvoir, a largué avec mépris les « bofs » et autres « ploucs », graines de populisme et souvent électeurs en effet du parti lepeniste. Le seul vrai révolutionnaire, celui qui a mis cul par-dessus tête aux idées reçues sur la société française, c’est Guilluy, n’en déplaise aux Sollers et Lévy désormais bel et bien ringardisés.
Les élections européennes du 26 mai 2019 sont venues, sans en avoir l’air, ajouter une petite touche à ce « retour de la géographie » puisqu’on a découvert que le chef de la liste arrivée en tête, le jeune Jordan Bardella avait étudié 3 ans la géographie en Sorbonne. A droite et à gauche et à divers niveaux, on dirait bien que s’est peu ou prou remis à souffler sur l’Hexagone l’esprit d’Onesime Reclus (1837-1916), ce grand, très grand géographe français qui, entre autres, plus de 50 ans avant la concrétisation du concept de « Francophonie », avait inventé ce terme latin-grec en définissant ce qui allait être une nouvelle « communauté humaine, linguistique et territoriale ». C’est un peu le même esprit aérien, aéré, alerte qui anime L’invention de la Terre du géographe italien, professeur à l’Université de Bologne, Franco Farinelli, traduit en français cette année par Christophe Carraux aux éditions de la revue Conférence.
Guilluy, spécialiste de la géographie urbaine et péri-urbaine est de gauche (photo), la vraie, par celle des salons, des conseils d’administration, celle des républicains au sens romain du terme, tenants de la Res Publica, loin des « cinglés du genre, de la diversité, de l’islamomanie et du climatisme », selon la formule bien trouvée d’une élue locale danoise ; oui, Guilluy est un des représentants de la gauche pensante, avec un P comme patriote, la gauche des Chevènement et les Onfray avec lesquels, d’ailleurs, Guilluy a signé en 2017, dans le Figaro, « une profession de foi » sur le thème : « La supranationalité européenne a échoué. Faisons confiance aux nations ! ».
Sur ce fond quand même assez politique est apparu en 2018 un nouveau nom, pas politisé, lui, celui d’une prof de géo aquisextaine, ayant fait ses premières armes au Conservatoire du littoral, en région Sud, et établie avec les siens dans le pays d’Aix, je veux parler de Bénédicte de La Guérivière qui s’est fait connaître en 2018 avec son premier ouvrage, Var : 100 lieux pour les curieux, un livre-guide illustré à l’esprit et aux choix novateurs ; novateur car il remet en honneur les vertus de la pure géographie d’avant, à partir du terrain ou des « territoires » si vous voulez parler le « bobo-administratif » utilisé par la Macronie… (Suite, demain mercredi) ■