Par Antoine de Lacoste.
Lorsque l’armée syrienne a lancé son offensive en avril contre la province d’Idleb, dernier territoire tenu par les islamistes, chacun savait que l’affaire serait difficile. Elle s’avère encore plus complexe que prévu.
En plus de 3 mois de combats, des gains marginaux ont été obtenus, au prix de pertes importantes. Les bombardements russes se font rares et c’est l’aviation syrienne qui doit effectuer la majeure partie du travail. Or son efficacité est loin de valoir celle de son homologue russe. La presse internationale se fait régulièrement l’écho des victimes civiles de ces bombardements qui attendraient 700 victimes, chiffre qu’il est impossible de vérifier, ainsi que de faire la part entre les vrais civils et les djihadistes.
En face, les islamistes sont nombreux (plus de 50 000 mille) et aguerris. Beaucoup viennent d’autres provinces (environs de Damas, frontière libanaise) d’où ils ont été acheminés par les Russes à la suite de redditions négociées, mais après des années de combats qui leur ont donné une expérience très utile aujourd’hui.
Il est vrai qu’ils n’ont plus le choix : Idleb est le dernier territoire. S’il tombe, c’est la mort ou l’exil. Ce dernier ne peut avoir lieu qu’en Turquie dont la province islamiste est frontalière dans sa partie nord. Or, la majeure partie des islamistes combattants sont affiliés au groupe Hayat Tahrir al-Cham, successeur du Front al-Nosra, qui s’est imposé au détriment d’autres milices islamistes soutenues par Ankara. Les combats ont été violents et ont entraîné de nombreux morts. Il n’est évidemment pas certain, dans ce contexte, que les Turcs accueillent chaleureusement ceux qui ont tué leurs amis.
Les combattants islamistes sont donc particulièrement déterminés et chaque attaque de l’armée syrienne se heurte à une farouche résistance. La semaine dernière, pour la conquête d’un village à l’importance stratégique limitée, chaque camp a perdu une cinquantaine de combattants. Quand on connaît les problèmes d’effectifs de l’armée syrienne, il y a de quoi être inquiet.
Un autre élément vient encore compliquer la tâche de l’armée syrienne : cette fois, pas de combattants iraniens ou du Hezbollah libanais pour soutenir les offensives. Téhéran a en effet jugé que cette province ne représentait aucun intérêt stratégique pour son implantation en Syrie et que tout cela relevait donc d’un problème interne qui ne le concernait pas. Ce défaut de fantassins se fait cruellement sentir, d’autant qu’eux aussi sont des combattants de grande valeur.
Les Russes, de leur côté, sont prudents. Ils aident leur allié syrien avec parcimonie, ce qui n’était pas dans leurs habitudes. Et, même si Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, affirme régulièrement qu’il faut mettre hors d’état de nuire les terroristes d’Idleb, il souhaite dans le même temps ménager la Turquie. Erdogan a rappelé qu’il y avait de nombreux soldats turcs dans cette province et qu’ils s’opposeraient à une offensive générale qui les mettraient en danger. Au moment où les Turcs acquièrent les fameux missiles russes AS-400 (photo) , ce qui rend les Américains furieux, Poutine veut ménager son ombrageux partenaire qui, sans être un allié, n’est plus un ennemi.
La situation est donc particulièrement complexe et les islamistes en profitent. Ils n’hésitent pas à lancer de meurtrières contre-offensives qui font provisoirement reculer l’armée syrienne. Dans le même temps, ils bombardent régulièrement des zones civiles à Alep, Hama et même Lattaquié récemment, le fief alaouite. Des victimes sont à déplorer, mais de celles-là la presse internationale ne parle jamais.
Mais Bachar el-Assad ne reculera pas. Un quart du territoire de la Syrie à l’est est occupé par les Kurdes avec la soutien américain et, avant de tenter de résoudre cet épineux problème, il est absolument nécessaire de réduire le dernier territoire tenu par les islamistes.
Mais ce sera long et difficile. ■
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