PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ
Nos lecteurs anciens savent notre proximité avec les idées que Mathieu Bock-Côté développe avec courage et lucidité : nous suivons ses publications depuis plusieurs années et nous y puisons de puissants aliments en toute ouverture et amitié d’esprit. Cette chronique [Le Figaro, 21.07] revient avec force sur la question migratoire, la plus grave sans-doute, dans l’ordre des urgences, qui s’impose à la France, car elle met en cause son existence même physique et morale. Les royalistes, et l’Action Française en particulier, qui en est l’élément dynamique, manqueraient selon nous gravement à leur mission, outre qu’ils se couperaient du sentiment majoritaire profond du peuple français, s’ils n’affrontaient pas eux aussi ce qui s’apparente désormais, de facto, à une invasion étrangère. Mathieu Bock-Côté emploie le mot occupation. Il ne nous paraît pas trop fort. JSF
« Comme s’il fallait humilier la France chez elle et la contre-coloniser… »
Même si les autorités s’attendaient au pire, redoutant émeutes et pillages, il était bien vu, samedi soir à la télévision, de présenter la victoire de l’Algérie à la Coupe d’Afrique des nations comme un moment de liesse nationale. Il fallait obligatoirement se réjouir et ne voir dans la foule algérienne qu’une manifestation de joie innocente et bon enfant que la France entière devrait partager, comme si cette victoire était aussi un peu la sienne.
Oubliés, les troubles récents et les nombreuses incivilités. Oubliés, aussi, les commentaires visibles sur les réseaux sociaux où de jeunes partisans de l’équipe algérienne répétaient comme un slogan guerrier « nique la France ! », comme s’il fallait humilier la France chez elle et la contre-coloniser. Tout cela serait anecdotique et relèverait du fait divers. Comme d’habitude, lorsque la société multiculturelle explose, le système médiatique redéploie en grande pompe le grand récit de la diversité heureuse et classe parmi les suspects politico-idéologiques ceux qui confessent leur scepticisme.
Il suffirait d’ouvrir les yeux. La présence massive de drapeaux algériens était moins folklorique que politique, même si le système médiatique a tout fait pour relativiser ce phénomène. Brandir un drapeau étranger, surtout dans un contexte de tensions identitaires fortes entre la France et l’Algérie et, plus encore, entre le peuple français et les populations algériennes issues de l’immigration, cela consiste à prendre son camp. La symbolique est forte: ce ne sont plus seulement des parcelles du pays qui se dérobent à la souveraineté nationale. C’est un drapeau étranger qui défile au cœur du pays le jour de la fête nationale. Qui défile sous le drapeau algérien sur les Champs-Élysées s’engage en fait, qu’il en soit pleinement conscient ou non, dans une entreprise d’occupation symbolique du pays.
Ce qui s’est passé ces derniers jours n’a pourtant rien d’étonnant. Le discours lénifiant sur l’identité heureuse ne saurait éternellement masquer la réalité : l’immigration massive des dernières décennies a entraîné la formation d’un nouveau peuple – on parle quelquefois, pudiquement, d’une contre-société. Les grands discours républicains n’y peuvent plus grand-chose. On ne saurait fondre par décret dans une même identité le peuple historique français et les populations immigrées qui, pour différentes raisons, s’inscrivent à l’extérieur de la référence nationale. Il y a des limites à la magie du langage. On ne peut réconcilier dans une théorie inclusive ce qui est fracturé dans le monde réel.
La mystique du vivre-ensemble ne saurait nous hypnotiser longtemps encore. Gérard Collomb avait confessé sa crainte que, demain, les « communautés » cohabitant sur le territoire national n’en viennent à vivre « face à face ». Si, comme on le dit, l’assimilation a échoué, cela veut donc dire qu’une partie minoritaire mais significative des populations issues de l’immigration ne se reconnaît pas dans la nation française. C’est qu’une nation n’est pas qu’une construction juridique : c’est aussi une communauté de culture et de mœurs. Mais cette conception de la nation est décrétée désuète, et ceux qui y tiennent sont refoulés à l’extrême droite.
C’est un climat anxiogène qui s’est durablement installé. On dénonce de manière rituelle l’instrumentalisation de la question identitaire par la droite, mais il ne faudrait pas oublier qu’il s’agit d’abord d’une spécialité de la gauche la plus radicale, comme on l’a vu avec le mouvement des « gilets noirs », qui a poussé 700 immigrés illégaux à occuper le Panthéon pour réclamer leur régularisation. Il y avait là quelque chose d’ubuesque. Pourquoi l’État est-il devenu tout simplement incapable d’expulser des clandestins le défiant aussi ouvertement ? Comment ne pas voir là une manifestation grave d’impuissance politique ? Est-ce que le simple fait de renvoyer chez elles des personnes qui occupent illégalement le territoire national relève désormais de la barbarie et de l’antirépublicanisme ?
Mais la scène la plus marquante des derniers jours est peut-être venue du sommet de l’État quand la porte-parole de l’Élysée, Sibeth Ndiaye, évoquant l’affaire Rugy, a évoqué avec quelque pitié ces Français qui mangent moins souvent du homard que des kebabs. Le commun des mortels a sursauté : où était la France de la quiche, de la bavette et de la blanquette ? Où était la France de toujours ? Soit la phrase était volontairement provocatrice et elle en disait alors beaucoup sur l’imaginaire postnational de l’équipe qui entoure Emmanuel Macron, qui entend heurter le sentiment identitaire des Français. Soit elle relevait, dans l’esprit, de la porte-parole de l’Élysée, de la plus banale évidence, ce qui confirmera seulement auprès des Français les plus inquiets que leur pays est devenu étranger à lui-même. ■
comprends pas les dirigeants Français et pas seulement tous les dirigeants de l’Europe sont anesthésiés cela va tourner au drame.