PAR PÉRONCEL-HUGOZ
… François, depuis le début de son pontificat, a paru vouloir traiter les musulmans avec une douceur angélique. Ce qui a surtout abouti, jusqu’ici, à des visites, des « appels », des « déclarations », lesquels n’ont rien changé à rien, et surtout pas au sort des chrétiens vivant sous férule islamique …
Surtout pas de prosélytisme catholique !
Au Maroc, d’ailleurs, la question ne se pose pas vraiment ainsi puisqu’il n’y a pas de chrétiens indigènes, la nationalité du pays, par le jus sanguinis, n’allant qu’aux musulmans et juifs natifs, ces derniers ne formant plus aujourd’hui qu’une infime minorité résiduelle de 2 à 3000 âmes au maximum. Cela dit, grâce à l’arrivée massive dans le Royaume, depuis la fin du XXe siècle, de Négro-africains en partie chrétiens venus étudier sur place, ou cherchant à migrer en Europe, églises catholiques et temples protestants, désertés voire fermés, connaissent derechef une active vie paroissiale, parfaitement respectée par les autorités et la population, mais comportant certaines limites : pas de cloches, pas de processions et, bien sûr, pas d’évangélisation. À cela près que si les catholiques s’abstiennent bien de tout prosélytisme, selon un comportement adopté dès le maréchal Lyautey (résident général de 1912 à 1925), les protestants évangéliques eux, ne se gênent pas, forts de l’officieuse protection des États-Unis d’Amérique mais non sans créer de temps en temps des incidents, locaux (conversion « forcée >> d’orphelins, par exemple). Lors des deux jours que François a passés à Rabat, il a rappelé que le « prosélytisme » n’était pas du tout à l’ordre du jour des catholiques au Maroc.
Dans le même temps, et selon une évolution récente, le chef de l’État chérifien – qui, de par un usage remontant aux premiers califes en Arabie et inscrit dans l’actuelle constitution marocaine, est le « commandeur des croyants » (Emir el Mouminine) – désormais, semble-t-il, ne protège plus seulement les musulmans, mais aussi les israélites et les chrétiens présents dans le pays. Si cette notion de commandeur de « tous les croyants » se précise, ce sera une innovation propre au Maroc.
Un monsignor copte peu orthodoxe …
Né en 1975, Yoannis Gaïd est un Égyptien copte-catholique parlant notamment l’arabe littéraire et le français ; éduqué en partie par des jésuites, il est issu de cette « minorité dans la minorité » formée par les fidèles nilotiques du Saint-Siège, voisinant, plutôt froidement, avec leurs cousins coptes-orthodoxes dirigés, eux, par le « pape d’Alexandrie ».
Mgr Gaïd (photo) est entré en 2007 dans la diplomatie vaticane et, en 2014, au secrétariat particulier du pape François. Alors que ce dernier s’est parfois montré complaisant, voire très complaisant avec l’Islam, multipliant, sans contrepartie connue, les gestes de sympathie envers des mahométans, par exemple en ramenant de Grèce à Rome, en 2016, trois familles (12 personnes en tout) de réfugiés musulmans syriens – et pas un seul réfugié chrétien ; selon leur habitude, les institutions islamiques n’ont pratiquement pas bronché, engrangeant les « hommages » du pape, comme s’ils étaient dus à « la meilleure des communautés » (les mahométans selon le Coran). Or, dans ses déclarations, Mgr Gaïd a fait preuve, du moins jusqu’à sa nomination auprès du Saint-Père, d’audace et de lucidité en ce qui concerne le sort de la Chrétienté orientale. Comme l’a relevé notre consoeur Anaïs Laurent en 2014 dans L’Homme nouveau, le futur« secrétaire arabe» de François n’avait pas hésité, en mars 2008, à décrire publiquement la violence chronique – et traditionnelle, il faut bien le dire – dont sont victimes les chrétiens égyptiens de tous bords de la part de leurs compatriotes musulmans : « Les coptes rencontrent d’immenses difficultés dans les endroits d’Égypte où la population est majoritairement musulmane. Cela ne provient pas d’intégristes mais d’une culture de mort et de violence fondée sur des phrases bien claires [notamment dans le Coran] incitant au djihad, c’est-à-dire à tuer tous ceux qui sont différents. »
Plus tard, en 2011, après un sanglant attentat contre de simples fidèles d’une église copte-orthodoxe d’Alexandrie d’Égypte, Benoît XVI, encore régnant, avait poliment demandé au président égyptien de mieux assurer la sécurité de ses concitoyens chrétiens. Ce qui provoqua la colère du grand-imam d’El Azhar (la millénaire mosquée-cathédrale du Caire, sorte de Vatican de l’Islam sunnite universel – Photo). C’est alors que Mgr Gaïd avait eu l’incroyable liberté de parole de câbler à son compatriote grand-imam, le cheik Gaïd El Haq : « Respectable Imam, vous auriez dû remercier le Saint-Père pour ses émouvantes condoléances à nos frères coptes. Vous auriez dû tendre la main au Saint-Père au lieu de condamner ses paroles comme une ingérence ! »
Un martyr mahométan de la cause chrétienne
En Orient arabe, la publication de cette« lettre ouverte» de Yoannis Gaïd provoqua la stupeur, notamment en Égypte où les dhimmis chrétiens sont tolérés à condition de ne jamais se plaindre de leur statut inférieur découlant de la charia, la loi islamique. D’ailleurs, les musulmans non plus n’abordent jamais en public cette pénible et éternelle question dela dhimmitude.
En 1992, un ingénieur agronome égyptien musulman, Faraj Foda, connu localement comme politiste arabophone éclairé, eut le courage (ou l’inconscience … ) de regretter le statut minuto jure des coptes, ce qui lui valut d’être qualifié d’« ennemi de l’Islam» par le grand-imam El Haq et d’« apostat» par l’influent cheik Mohamed Ghazali, maître à penser d’un groupe de djihadistes qui tua Foda en pleine rue. De nos jours, lorsque ce premier martyr mahométan de la cause copte est évoqué en Orient, ce n’est que comme défenseur des droits de l’homme en général, et rien d’autre … L’omerta a repris le dessus.
S’agissant du Maroc, après cette réception grand style réservée au souverain pontife par le commandeur des croyants, une chose est sûre : de retour à Rome, François priera pour Mohamed VI, comme Jean-Paul II l’avait fait pour Hassan II. (Suite et fin) ■
Bibliographie en français
Y a-t-il un endroit au Maroc où les Musulmans ne soient pas majoritaires ?