PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ
Cette chronique est parue dans Le Figaro du 3.08. Selon l’habitude du grand quotidien elle est introduite en termes minimalistes. Exemple dans le cas présent : « Alors que la droite « classique » réduisait la politique à sa dimension gestionnaire et se réfugiait dans un économicisme frileux, la nouvelle se veut idéologiquement offensive. » Bien. Même s’il faut bien qu’une introduction résume, on ne peut réduire la substance de cet article profond à ce seul propos. Il faut lire Bock-Côté. JSF
« Si la question de l’identité s’impose en Occident, c’est essentiellement sous la pression de l’immigration massive et de l’idéologie multiculturaliste. »
The Economist est une des publications les plus prestigieuses dans le monde anglo-saxon. Hebdomadaire de référence des élites mondialisées, il fixe les termes de la pensée respectable, libre-échangiste et diversitaire. On le lit pour savoir quoi dire et, surtout, quoi ne pas dire. Et c’est dans cet esprit que dans son édition du 6 juillet, le magazine s’est penché sur la droite classique occidentale (surtout anglo-saxonne), qu’il croit agonisante.
La thèse est la suivante : longtemps, la droite endossait la vision du monde appelée «modernité» tout en se proposant de la modérer, en lui rappelant les vertus de la mesure et le sens des limites. Autour de ce programme minimaliste, elle rassemblait libéraux et conservateurs, réformateurs prudents et défenseurs de l’ordre établi. Les réactionnaires et autres délinquants idéologiques refusant de se laisser porter par le sens de l’histoire étaient condamnés à évoluer dans les marges extrémistes de la cité, chez les fous et les coucous.
Mais le monde changerait. En nos temps tragiques, la droite classique serait en déroute devant la poussée d’une nouvelle droite, que les politologues militants qualifient de « populiste ». Raciste, xénophobe, nativiste, fascisante, elle jouerait sur les instincts primaires d’une population dévorée par la peur de l’autre et tentée par le repli identitaire. On reconnaît là le vocabulaire habituel du progressisme militant qui a tendance à extrême-droitiser systématiquement ceux qui lui résistent frontalement. Mais on peut raconter cette histoire autrement, en s’éloignant de la démonologie médiatique.
The Economist le note : la trame de fond de la vie politique se métamorphose. La droite d’hier était attachée aux institutions. Celle qui monte serait surtout préoccupée par l’identité. The Economist veut y voir une régression tribale et n’hésite pas à sermonner ceux qui participent à ce glissement. Mais les idéologies ne flottent pas dans le ciel. Si la question de l’identité s’impose en Occident, c’est essentiellement sous la pression de l’immigration massive et de l’idéologie multiculturaliste. Réduire la question identitaire à l’action de démagogues misant sur la xénophobie des masses haineuses demeure la meilleure manière de ne rien y comprendre.
À travers la question identitaire, le débat politique se recompose. Les clivages politiques hérités de l’État-providence et de l’époque de la mondialisation heureuse tombent en désuétude. Il ne s’agit plus simplement de redistribuer les fruits de la croissance dans une société apaisée mais de redéfinir les fondements de la communauté politique dans un temps tragique. En d’autres mots, la nouvelle droite ne jouerait plus selon les règles du jeu. Ce n’est plus le parti progressiste qui dit à la droite comment s’habiller et de quoi parler à table. Alors que la droite « classique » réduisait la politique à sa dimension gestionnaire et se réfugiait dans un économicisme frileux, la nouvelle se veut idéologiquement offensive. Elle cherche moins à se fondre dans un consensus idéologico-médiatique qu’à assumer la part conflictuelle de la vie politique.
Il ne s’agit pas ici de célébrer ou de maudire cette mutation des codes de la polarisation politique mais de comprendre les forces de fond qui la poussent. La guerre des droites, qui correspond ainsi à un changement d’époque, s’incarne de diverses manières, en tenant compte de la culture politique et du système électoral de chaque pays.
Aux États-Unis, elle s’inscrit dans le cadre du conflit entre conservateurs classiques, néoconservateurs, paléoconservateurs et nationalistes protectionnistes. Dans le système politique américain, qui laisse très peu de place aux tiers partis, cette querelle s’est menée à l’intérieur du Parti républicain. Il en est de même en Grande-Bretagne, même si sa participation au système européen dégageait un espace pour une politique insurrectionnelle, longtemps associée à l’Ukip et désormais au Brexit Party. Ailleurs, lorsque le système électoral le permet, le populisme émerge comme une force à part entière, intégrée au jeu politique, comme on le voit en Italie avec Matteo Salvini. À travers cela, elle acquiert peu à peu une culture de gouvernement.
Dans ce paysage global, la France se distingue. Si la droite classique s’est récemment effondrée, la droite populiste demeure enfermée dans la fonction tribunicienne. Le système médiatique continue de diaboliser le patriotisme populaire et conservateur. Si l’union des appareils demeure une hypothèse stérile qui excite surtout la presse de gauche, on est en droit de se demander comment le conservatisme et le populisme pourraient se conjuguer pour enclencher une dynamique politique nouvelle. Ce n’est pas sans raison que le RPR demeure une référence quasi mythique dans la mémoire des droites. En France comme ailleurs, les idées s’incarnent ou se condamnent à l’impuissance. ■
Sur ce sujet très débattu, on lira avec profit l’article de Pierre de Meuse paru dans JSF lafautarousseau.
La ligne Buisson ou la ligne Maréchal ?
En conclusion , la voie Marion est une voie de garage . Et comme la tante n’est pas à la hauteur , il reste à trouver un chef (et pas une cheffesse , sauf si elle s’appelle Jeanne d’Arc) . Le prince Jean ? Ou alors faudra-t-il passer par une dictature dont le Roi (sans « y »…) nous délivrera , en la rejouant Juan Carlos en mieux ?