PAR RÉMI HUGUES.
L’OTAN et Daech contre le reste du monde.
Dans l’introduction de son remarquable essai Occident et Islam, le chercheur indépendant spécialiste de géostratégie Youssef Hindi, souligne que l’ « agressive politique d’encerclement – endiguement – conduite contre la Chine et la Russie par les États-Unis et ses alliés dans ce bras armé qu’est lʼOrganisation du Traité de l’Atlantique Nord pourrait bien être l’ombre d’une guerre mondiale à venir.[…] Notons que dans les faits la guerre officielle contre le Terrorisme se déroule essentiellement sur le territoire de pays au préalable ciblés par les États-Unis et Israël : Syrie, Irak, Libye, Yémen. Dans les faits, cette lutte anti-terroriste contre […] Daech, al-Qaïda alias al-Nosra, occulte l’appui, les soutiens logistiques et financiers de ces mêmes États coalisés apportent, directement ou indirectement aux fanatiques des organisations d’obédience wahhabite. »[1]
Implicitement, il fait référence à une grille d’interprétation que nous avons développée dans un dossier paru en décembre 2018 consacré à Saint Augustin[2]. Trump a très récemment montré la validité de cette thèse, en révélant urbi et orbi que Daech est un instrument de la politique extérieure américaine. « ʽʽNous souhaitons que l’Europe reprenne 2 500 djihadistes de Daech, qu’ils retournent en Europe : en France, en Allemagne, dans d’autres endroits. Si elle ne les prend pas, nous devrons probablement les relâcher en Europeʼʼ, a-t-il déclaré aux journalistes jeudi 1er août », relatait Sputniknews le 2 août dernier[3].
Révolution et Jihad : même combat
Ceux qui ont scénarisé le film Le Chant du loup (dont il a été fait une brève chronique ici) semblent souscrire à cette vision des choses : le terrorisme est l’outil d’un projet du diable qui vise à déclencher un conflit généralisé, une troisième guerre mondiale, opposant Ouest et Est, à la fois par la violence islamo-takfirie mais aussi par la violence libérale-démocratique.
C’est pourquoi le 26 décembre 2018 nous soulignions, à propos de ce conflit global « qui oppose des structures réticulaires transnationales désirant la domination planétaire – soit une ploutocratie protestante protégée par sa citadelle insulaire se prenant pour le gendarme du monde, qui soutient une théocratie juive qui entend déployer ses frontières du Nil jusqu’à l’Euphrate, et qui combat après l’avoir suscitée une théocratie musulmane qui projette de reconstituer un califat s’étendant cette fois du Maroc à l’Indonésie – les nationalistes français n’ont pas à prendre parti. En optant pour la neutralité ils échappent au piège tendu par le princeps hujus mundi.
Nous n’avons pas à choisir entre Gog et Magog, entre le terrorisme dʼÉtat et lʼÉtat terroriste. Nous n’avons pas à nous engager dans ce que l’on nous présente comme une guerre entre le Bien et le Mal. »
Ce même prince de la terre que Charles Maurras évoque avec un brin d’ironie socratique dans Lʼétang de Berre, commentant Là-bas, le roman publié par Huysmans : « laissons-lui ce diable cornu et laid comme ses saints. Gardons le nôtre tel qu’on nous le légua ; il est beau comme Pan, aux pieds de bouc, aux yeux d’étoiles et fait la guerre à Dieu sous la cuirasse verte de feuilles et de fleurs que lui tisse en chantant le vœu de la vaste nature. Mais ne prions pas que le diable. »[4] (Suite et FIN) ■
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[1]Youssef Hindi, Occident et Islam. Sources et genèse messianiques du sionisme de l’Europe médiévale au choc des civilisations, t. I, Alfortville, Sigest, 2015, p. 12-14.
[2]La réflexion qui y figure à propos du takfirisme reprend une thèse élaborée il y a quasiment cinq ans, quand le public découvrait le mot « Daech » (propulsé du jour au lendemain, vers septembre 2014, par le système médiatico-politique, car, aux yeux de Hollande-Fabius, continuer à parler dʼÉtat islamique pouvait créer un amalgame préjudiciable aux musulmans vivant sur notre sol), thèse disponible dans une version actualisée dans le dernier chapitre, intitulé « Le retour du refoulé abrahamique », de l’essai sorti trois ans plus tard, L’essence de la modernité (Édilivre, 2018).
[3]https://fr.sputniknews.com/international/201908021041850918-trump-menace-de-relacher-des-djihadistes-de-daech-en-europe/
[4]Charles Maurras, Lʼétang de Berre, Paris, Champion, 1915, p. 364