PAR PÉRONCEL-HUGOZ.
Suite du texte de notre collaborateur publié en 1990 dans Villes du Sud (Payot, Genève).
AU ROYAUME DE BONGO.
MAGIQUE ASCENSEUR SOCIAL COLONIAL …
(…) Le menu est franco-africain : plantain, œufs mayonnaise, poulet au riz, papaye, bordeaux. C’est Princesse Czardas ou Tzarevitch sous les tropiques. Tout le monde est euphorique.
Le charme n’est rompu que lorsque le chef du protocole énonce au micro : « Son Excellence se retire ». Non sans une démocratique poignée de main à chaque invité de ce Président-Soleil, à qui on doit entre autres ce mot historique : « Je préfère une injustice à un désordre », que les étudiants de l’Université nationale Omar-Bongo ont eu à commenter. Ça rappelle quand même un peu ce qu’ écrit Goethe (Portrait) dans Le Siège de Mayence : « Ma nature est ainsi ; j’aime mieux commettre une injustice que tolérer le désordre ». Mais il parait que le président du Gabon avait pensé à cela avant d’avoir lu Goethe…
Touchant président Bongo quand même ! Ancien employé (socialiste) des Postes, promu en 1967, à trente-deux ans, chef (ultracapitaliste) d’un petit peuple dont le rêve de bonheur, aussi modeste qu’inaccessible, comme la Wallonie, le Liban ou Mayotte*, était de devenir tout bêtement département français ; petit peuple qui fut poussé dans l’aventure affreuse de l’indépendance comme un veau à l’abattoir. Miracle !
Les colonialistes avaient découvert du pétrole, ce qui permit d’abord, au lieu du cauchemar redouté et faute d’inventer une introuvable nation, de vivre en grandeur nature et décor tropical garanti, une opérette où James Bond enfin, était nègre. la compagnie Bong International SA – il est des raisons sociales qui sont des chefs-d’œuvre – fut de pas mal de bons coups financiers internationaux, permettant à Son excellence El Hadj Omar Bongo (Photo) d’entrer dans le club le plus fermé de la planète, celui des Multimillionnaires*. (À suivre, demain lundi) ■
* Dans Les Plus Grandes Fortunes du monde (L’Expansion-Hachette Lattès, 1988), Pierre Beaudeux chiffre à 500 millions de francs celle d’Omar Bongo, face aux 200 millions des Ceaucescu.
Note de 2019 : plus chanceuse que les autres candidats à la francisation, Mayotte est devenue département français en 2011.
En tête d’article, Omar Bongo et l’une de ses épouses.
En page d’accueil, Omar Bongo et le président Pompidou