Il y a 116 ans, le 25 août 1903, Frédéric Amouretti mourait à Cannes, âgé à peine de 40 ans. Cʼest lʼoccasion de revenir sur la relativement courte mais intense vie de celui qui peut être considéré comme lʼun des amis de jeunesse les plus proches de Charles Maurras, à qui ce dernier a dédié la préface du Chemin de paradis, écrite en mai 1894.
Cʼest dans ce sens quʼAndré Cottez a pu affirmer quʼil fut le précurseur du nationalisme intégral dans une monographie publiée par Plon en 1937, à lʼépoque où lʼAction Française était à son apogée.
Pour mieux connaître cette personnalité importante de l’histoire du royalisme français, nous reproduisons une partie de la brève biographie que lui a consacrée Jean Gavot dans le texte Cent ans de Félibrige à Cannes[1], laquelle a été rédigée pour le centenaire de la naissance de Frédéric Amouretti. Rémi Hugues ■
En janvier 1890, Amouretti lance à Cannes un hebdomadaire, Le Réveil de la Provence, d’action régionaliste dans la ligne de ses convictions catholiques et royalistes. Cette feuille disparut après 1891.
– Hélas! Que j’en ai vu mourir de jeunes filles !, pourrait-on s’écrier après Victor Hugo.
Mais bientôt il tiendra la plume, et quelle plume, dans nombre de revues et journaux parisiens : La Libre Parole, l’Observateur Français, La France Nouvelle, La Revue Bleue, La Gazette de France, l’Action Française, La Cocarde, auprès de Maurice Barrès, etc.
[…] À l’automne 1901, Amouretti est déjà à son déclin. Son ardeur de lutteur et son imagination surmenée l’ont épuisé. Il se retire à Cannes auprès de sa mère au 45, de la rue Félix-Faure.
Il y connaît enfin le repos… et la rêverie… mais il est déjà trop tard pour qu’il puisse remonter le courant vers une meilleure santé. Il va faire une cure à Lamalou-les-Bains, dans le Languedoc où, un soir, il entend dans la nuit claire, sa fenêtre ouverte, une jeune fille chanter ce beau lamento que sont Lis Estello, d’Aubanel. (Buste)
Son corps n’offre bientôt plus de résistance à la vie, cependant que sa magnifique énergie se dissout peu à peu, et le 25 août 1903, sa belle âme s’envole vers le Paradis de sainte Estelle. Il avait à peine 40 ans, et les deux dernières années de son existence furent un véritable calvaire.
[…] Homme de pensée et d’action, écrivain et poète, félibre intrépide et fidèle, Frédéric Amouretti n’a pas, dans les lettres provençales, laissé une grande œuvre écrite; on peut dire que le plus important de cette œuvre est justement ce qui n’a pas été écrit.
Mais, en dehors de la retentissante déclaration du 22 février 1892, qui à elle seule assurerait déjà la pérennité de sa mémoire, comme écrivain de langue d’Oc, il serait injuste de ne point dire qu’il s’est exprimé magistralement en Provençal, dans maintes revues félibréennes.
À ses obsèques, le 29 août 1903, à Cannes, où ses restes mortels reposent au cimetière du Grand Jas, il y eut grand concours de foule et un seul courant d’amitié attristée.
Deux discours furent prononcés sur sa tombe, l’un par Joseph Gubert de Draguignan, au nom des amis d’enfance de Frédéric Amouretti, l’autre en langue provençale par M. Marie Bertrand, Cabiscòu de l’Escolo de Lérin.
Amouretti était aimé et admiré. Il avait une tête puissante au large front, un timbre aigu mêlé à l’accent provençal et, dans ses traits, le jeu et le mouvement d’une intelligence des plus rares.
Il était surtout d’une grande bonté et d’un désintéressement absolu. Il renonça à la succession de son père pour avantager ses sœurs. Il donnait souvent son dernier sou. Pour Amouretti l’argent n’était pas un métal rare, mais un métal inexistant.
Son biographe nous dit encore, et cela a été aussi confirmé par tous ses amis, et notamment Charles Maurras, le plus intime, que la dignité de sa pensée, de sa vie professionnelle, la pureté de ses intentions, contrastaient singulièrement avec le négligé de sa mise, le débraillé de sa mine et les inconséquences de sa conduite… (Photo : le quai natal de Charles Maurras à Martigues).
Ses bizarreries, ses distractions, ajoutaient à son attachante personnalité ce grain de fantaisie qu’on se plaît à trouver précisément chez des esprits supérieurs.
Voici par exemple, entre bien d’autres, deux traits qui illustrent son côté un peu bohème.
Il part de Cannes pour Paris. En débarquant dans la gare de Lyon, il se sent des forces herculéennes. Son bagage est plus léger qu’une plume. Il avait transporté une valise vide.
Une autre fois, Amouretti annonce aux Cannois qu’il va faire une conférence à l’hôtel de ville. On l’attend vainement. Quelqu’un part à sa recherche. L’orateur est plongé dans un profond sommeil. Il est en chemise. Il faut le supplier de se lever, lui rappelant la conférence et le sujet de cette conférence. Amouretti a tout oublié et n’a rien préparé. Il se lance alors dans une brillante improvisation; il éblouit, il enthousiasme son auditoire. Sa conférence est remarquable.
Maurras a révélé le secret de cette facilité :
– C’est parce que tout l’éprouvait et tout éveillait en lui de vives émotions — que Frédéric Amouretti conservait chaque chose dans les replis de sa mémoire immense — et que tout y durait, y vivait, et s’y prolongeait avec une ardeur passionnée.
Si mon propos déjà trop long ne devait se limiter, il y aurait certes beaucoup de choses encore à rappeler dans la remembrance de celui auquel nous entendons rendre, aujourd’hui, un solennel hommage, à l’occasion du centenaire de sa naissance et renouveler en l’affirmant, cette allégeance à sa mémoire, que les félibres et les Cannois et leurs plus hautes autorités, lui apportèrent le 7 avril 1923, en apposant au 45 de la rue Félix-Faure, cette plaque de marbre, qui rappelle au passant que Frédéric Amouretti : Foundadou de l’Escolo Felibrenco de Lérin — Afouga boulegaire de l’èime Prouvençau, à viscu sa jouvènço dins aquest oustau familiau.
« Frédéric Amouretti, fondateur de l’Ecole félibréenne de Lérins, ardent promoteur de l’idée provençale, a passé sa jeunesse dans cette maison familiale. » (Suite et FIN) ■
[1]https://www.cieldoc.com/libre/integral/libr0368.pdf
Dossier préparé par Rémi Hugues