Par Antoine de Lacoste.
Notre sémillant président a de grandes ambitions : dénouer les crises internationales, apaiser les tensions, discuter avec toutes et tous, bref se rendre indispensable parmi les grands de ce monde.
Pour son G7 de Biarritz, il a tenté un grand coup : inviter le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohamad Javad Zarif.
Celui-ci s’est en effet présenté dans les coulisses du G7 dimanche après-midi où il a pu rencontrer son homologue français Jean-Yves Le Drian et, plus brièvement Emmanuel Macron. Les diplomates français ont rapporté que les discussions avaient été « positives » et devraient se poursuivre. Ça ou rien…
La présidence française a fait savoir que tous les dirigeants du G7 avaient été informés au préalable, à commencer par Donald Trump. La Maison-Blanche a démenti dans un premier temps mais, finalement, Trump a déclaré lundi matin : « J’ai été au courant de tout ce qu’il faisait et j’ai approuvé » ajoutant : « je lui ai dit : allez-y. »
L’opération Iran sera donc le coup spectaculaire de ce G7 lénifiant, mais malgré l’accord verbal de Trump, cela ne servira évidemment à rien.
Trump campera d’autant plus sur ses positions qu’il est déjà en campagne électorale pour préparer sa réélection (pas si improbable qu’espéré par les autres dirigeants). L’Iran est un bon objectif sur lequel il y a un vaste consensus aux Etats-Unis et la dénonciation de l’accord nucléaire signé par Obama était dans le programme de Trump. Cette volonté de tenir ses promesses de campagne, si inhabituelle chez nous, décontenance d’ailleurs notre bon président : « C’est très simple avec Donald Trump. Quand c’est un engagement de campagne qu’il a pris, vous ne pouvez pas le faire revenir en arrière. » a-t-il déclaré peu avant le sommet selon le Figaro. Où allons-nous en effet si, une fois élu, il faut faire ce qu’on a dit ?
En dehors de ce coup médiatique, la caractéristique principale de ce sommet, c’est qu’il n’intéressait personne. Pas les peuples bien sûr, mais ni les dirigeants présents non plus car ils ont des sujets beaucoup plus importants en tête. Car outre Trump et sa réélection, Boris Johnson doit organiser son Brexit, Trudeau le Canadien a une difficile élection en vue à l’automne, l’Italie est en pleine crise institutionnelle, Merkel est en fin de règne et politiquement paralysée et le Japon est dans une situation économique plus que délicate. Alors le G7…
Il faut tout de même reconnaître à Emmanuel Macron le mérite de vouloir faire bouger certaines lignes, non seulement sur l’Iran mais aussi sur la Russie. Il a ainsi évoqué, Trump l’avait d’ailleurs fait avant, la possibilité d’un retour de celle-ci dans le G7 qui redeviendrait ainsi le G8 d’antan. Il s’est naturellement heurté, mais il devait le savoir, à une levée de boucliers, en particulier du Canadien Trudeau. Ce dernier est confronté à un scandale important dans son pays qui a entraîné plusieurs démissions dans son entourage le plus proche, mais cela ne l’empêche pas de donner des leçons de morale. Quant à Donald Tusk, le Président polonais (mais ultra fédéraliste) du Conseil de l’Europe, il propose que l’Ukraine remplace la Russie…Pourquoi pas le Monténégro ?
La vérité c’est ce que ce G7 ne correspond plus à grand-chose aujourd’hui. Créé par Valéry Giscard d’Estaing, il est franchement décalé par rapport à la réalité économique actuelle. Il ne pèse pas la moitié du PNB mondial et les quatre pays principaux qui n’en font pas partie pèsent plus que le G7 : la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil.
Un prochain G7 est d’ores et déjà programmé en 2020, à Miami. A défaut de résultats, il y aura la plage. ■
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Lire aussi l’article de JSF de lundi dernier
Concernant l’Iran, le format « G7 » de l’article de M. de Lacoste n’a pas permis de poser certains paramètres sur la table. Puis-je me permettre un complément qui n’apprendra rien à l’auteur ?
– Mohamad Javad Zarif est la tête aimable de l’hydre islamiste. Il y a les six autres et particulièrement celle représentant les Pasdaran, spécialement menacés dans leurs intérêts personnels par l’effondrement de la société iranienne, et qui semblent choisir la confrontation sur le Golfe. Celle des mollahs est indécise comme l’a montré l’arbitrage de Khamenei pour l’irruption de Zarif à Biarritz.
– Un des conseillers de Bolton était à la villa basque de Bruno Le Maire.
– Donald Trump ne peut déclencher une guerre à outrance au début et pendant sa campagne électorale qui va s’ouvrir au mois de novembre 2019.
– Sauf à vitrifier Bandar Abbas et toute la côte perse du détroit d’Ormuz, le passage reste dangereux qui nécessitera d’exposer des escorteurs au feu des « exocet » iraniens sur la ligne internationale de souveraineté. Donc la crise du Golfe est de longue mèche et nos positions devront être renforcées dans le cadre des accords de défense.
Globalement, je salue le geste de Macron qui joue à fond le doute sur la détermination iranienne d’en découdre, pour placer un coin dans les certitudes du régime islamique. C’est peut-être ce qui a décoincé Trump.
Kardaillac, toujours fidèle à son atlantisme, nous parle de l’hydre islamiste. Il devrait ajouter l’adjectif chiite, car l’islamisme iranien ne fait nullement oumma avec les autres islamismes. De plus, depuis que l’Arabie saoudite, islamiste sunnite, a fait cause commune avec Israël, l’Iran ne peut que faire bloc avec ses alliés syriens et libanais. La France, éjectée du Proche Orient par sa faute, pourrait trouver là
des débouchés et des appuis. Je doute fort que Macron se risque à
ces audaces.
Je ne suis pas « atlantiste ».
Il faut dire que ça en a tout l’air.