Par Demis Di Guardia.
Nous avons écouté hier matin sur France Culture une émission traitant de la terrifiante emprise de la STASI sur la population allemande de l’ex-RDA ; La STASI, police politique tentaculaire du régime communiste est-allemand, l’un des plus férocement totalitaires du bloc soviétique.
Fondée en 1950, elle a exercé une sorte de terreur quotidienne sur les 16 millions d’Allemands de l’Est, et ce pendant une quarantaine d’années, jusqu’à la chute du Mur, à l’automne 1989. La STASI avait ouvert quatre millions de dossiers individuels, soit environ le quart de la population est-allemande. Qu’elle surveillait étroitement et réprimait par tous moyens, y compris les plus violents.
Comparaison n’est pas raison, nous le savons bien, et toute comparaison exige que l’on soit conscient des dissemblances autant que des ressemblances.
Mais lorsqu’on nous remet en mémoire ces procédés inquisitoriaux, cette surveillance étroite des gens, ces millions de dossiers ouverts sur eux, fourmillant de données politiques et privées, utilisables à l’envi à leur encontre, sans même parfois qu’ils en sachent l’existence, il nous est difficile de ne pas songer, même si le parallèle est outré ou même dérangeant, aux trafics de données privées auxquelles se livrent les géants américains du numérique, Google et Facebook, notamment, et sur des masses humaines dépassant largement le milliard ; il est vrai qu’ils ne tuent pas, ne torturent pas, n’enferment pas dans des prisons physiques de béton et d’acier …
C’est sans compter les dégâts sans-doute irréversibles, qu’ils opèrent sur les cerveaux, les plus jeunes en particulier, la réduction de leur capacité de concentration et d’attention, la privation de la vraie culture à quoi ils les condamnent, l’échec scolaire, et l’extension du domaine de l’indigence. Ces phénomènes sont bien connus aujourd’hui et de plus en plus souvent dénoncés par nombre de spécialistes et d’éducateurs.
Ne soyons pas en retard d’une guerre : la contestation des géants du numérique enfle et s’étend. A leur propos, on nous dit parfois qu’il en est ainsi aujourd’hui. Mais que vaut cet argument ? Il y a bien des choses qui sont ainsi aujourd’hui et que nous réprouvons, que nous voulons changer. Que vaut l’esprit de soumission ?
Le Mur de Berlin il y a trente ans, les Soviets peu après, se sont effondrés tout seuls, sans besoin d’une intervention extérieure. La STASI, frappée d’un mépris universel, croupit dans les poubelles de l’histoire, puissance hier, honte aujourd’hui.
Ce sont les dissidents qui ont eu raison et qui ont vaincu. Ce qu’exigent les aspects les plus détestables de la modernité, ce n’est pas un esprit de soumission mais de dissidence. Soljenitsyne fut un bagnard dans l’enfer lugubre des camps staliniens et un héros dans la Russie retrouvée. ■