PAR PÉRONCEL-HUGOZ
Jusqu’au 12 septembre 2019, on peut voir dans le centre d’Hyères, à la très moderne Médiathèque Saint-John Perse , une exposition sur Edith Wharton (1862-1937).
Cette romancière (40 volumes) américaine, féminine et pas du tout féministe, francophone et francophile, habita un temps les hauteurs hyéroises. Le fait qu’elle ait été femme, ’’écrivaine’’ et états-unienne et qu’elle ait apprécié la Côte d’Azur, voila quatre raisons, vu les tropismes et modes actuels, pour consacrer une expo à la dame et son œuvre.
Cependant Edith Wharton avait un ‘’défaut ‘’ : elle était amie avec le maréchal Hubert Lyautey, grand organisateur colonial en Indochine et à Madagascar, avant d’être résident général de France au Maroc, près le sultan chérifien, de 1912 à 1925. Lyautey, donc, en pleine Grande Guerre (en 1917) invita Madame WHARTON ‘’à visiter’’ l’Empire chérifien, alors en plein chambardement. L’an précédent (en 1916), le gouvernement français avait attribué à l’Américaine la légion d’honneur en raison de son actif rôle humanitaire auprès de nos soldats. Elle publia d’ailleurs un récit sur le thème ‘’ voyage au front ‘’
LE CHAMBARDEMENT MAROCAIN
Ce chambardement fut toutefois réalisé avec doigté, avec délicatesse même. Lyautey disait avec ‘’amour’’. Toute une équipe, motivée par le charisme du maréchal et par une haute idée de la colonisation à la française , entourait le résident. Militaires : Gouraud, Berriau, Bournazel etc. Civils : Prost, Laprade, Piétri, Pougnadoresse, Tranchant de Lunel, la doctoresse Eugénie Delanoë etc. etc. Lyautey et sa zaouia (ermitage mahométan), comme il aimait à dire, moderniseront techniquement le Maroc ; codifièrent règles et usages monarchiques du pays ; bonifièrent des terres en friches ; construisirent routes, pistes, ponts, dispensaires, casernes, écoles, théâtres ; créèrent des villes ‘’ européennes ‘’ respectant les médinas indigènes ; déclenchèrent une ascension démographique pas encore achevée – mais toujours ils respectèrent et même ils fortifièrent le chérifat local, la religion islamique officielle (sunnite, malekite-acharite ), les traditions arabes et berbères , allant jusqu’à ne jamais interdire l’esclavage, licite en Islam, tout en s’arrangeant pour tarir discrètement ses sources en Afrique noire où régnait également la Pax Gallica.
ENTREVUE AVEC LE SULTAN
Ces résultats marocains, Mme Wharton les constata de visu sur le terrain où Lyautey avait mis à sa disposition la logistique indispensable avec en prime, une entrevue particulière chez Sa Majesté chérifienne, alors Youssef 1er, bisaïeul de Mohamed VI. (Photo) Cet itinéraire donna un livre de 200 pages, ‘’ Voyage au Maroc ‘’ ( In ‘’ Morocco’’ en anglo-américain) qui fut beaucoup lu en son temps et l’est toujours, notamment au Maroc, où sont bien diffusées les éditions françaises (le Rocher, Gallimard) de cet ouvrage sans flagornerie, tout en exemples dont il découle que l’œuvre Lyautéenne fut tout bénéfice tant pour les Marocains que pour les Français et les Espagnols. Et c’est bien ce qui a dû coincer parmi les ‘’ pensants’’ de la Médiathèque hyéroise , lesquels ont donc ‘’ évacué ‘’ ( un mot cher à la bobocratie ambiante pour mettre à l’écart tout ce qui contrarie son idéologie…) l’épisode marocain de leur exposition, alors qu’il fut une étape majeure dans le cursus whartonien …
Cette expo expurgée a quand même eu un résultat digne d’être salué, à savoir la publication concomitante d’un consistant inédit de Wharton, redécouvert à Hyères, La Croisière du Vanadis (82 jours sur le Mare Nostrum en 1888 ), bellement enrichi de photos méditerranéennes contemporaines de Jonas DOVYDENAS, artiste états-unien admirateur d’Edith Wharton et qui a refait la croisière de 1888, du Maghreb à la Grèce. L’éditeur français n’a pas osé caviarder les escales en Algérie et Tunisie où Mme Wharton donne un tableau positif de la vie indigène dans ces terres d’obédience française. Qui a dû faire grimacer les anticolonialistes professionnels de l’Hexagone…… Merci Mme Wharton ! ■
Je trouve la photo de Youssef 1er étonnante. Par la ressemblance qu’elle présente avec certaines photos de Mohamed VI. Ce ne serait pas le cas de façon aussi nette pour Mohamed V ou Hassan II, si je ne me trompe pas.