PAR RÉMI HUGUES.
Une analyse métapolitique de l’affaire Yann Moix.
Habituellement, une rentrée fleure bon le neuf, l’odeur des manuels qui sortent de chez l’imprimeur, la senteur agréable des cahiers d’écolier, de l’encre, de l’humidité qui rafraîchit une atmosphère alourdie par le soleil de plomb estival.
On pourra dire que la rentrée littéraire 2019 suinte un ignominieux fumet. Rance. Moisi. Elle sent le soufre, l’insupportable odeur dʼœuf pourri. En cause ? L’autoproclamé épigone de Charles Péguy sort un livre où le nombrilisme le dispute à la mythomanie, où la haine de la famille vient compléter l’appétence en faveur de l’accueil des migrants auparavant exprimée ad nauseam par le curé cathodique Yann Moix, qui d’On n’est pas couché au Nouveau Magazine Littéraire, « squatte » la presse du Pays légal.
Yann Moix voit ressortir les vieux dossiers
« Orléans », tel est le titre de l’ouvrage qui focalise, monopolise même, l’attention des médias en cette rentrée littéraire. Il s’y livre à une charge contre l’éducation autoritaire de son père, lequel se justifie par sa culture catalane. Et son frère de rentrer dans ce bal tragique, autrement dit à l’intérieur de la querelle familiale, en balançant à L’express des archives compromettantes. Des documents de la pire diablerie, antisémites et négationnistes, composés par l’ « écrivaillon » orléanais (naturalisé germanopratin) à l’âge de vingt ans et des poussières, moment de sa vie, avait dit Rimbaud, où l’on n’est pas sérieux…
Sa réplique est tâtonnante, hésitante. Après avoir démenti être l’auteur des lignes illustrées par des dessins se moquant de la Shoah, il a, dans l’émission On n’est pas couché du samedi 31 août, en face de son ancien patron Laurent Ruquier, fait « téchouva », c’est-à-dire demandé l’absolution, le pardon, à la magistrature du culturo-mondain.
Sa réplique est sans appel : l’homme qu’il est maintenant « crache à la gueule » de l’homme qu’il a pu être au sortir de l’adolescence. Comble de la haine de soi ! Paroxysme de l’autodénigrement ! Tout cela est bien pathétique, et à mille lieues des préoccupations du Pays réel, montrant à quel point la production littéraire contemporaine est vide de sens, desséchée, inféconde. Cette vacuité est le signe d’un déclin français. Non pas que les talents disparaissent, mais leur ascension, du fait de leur exposition médiatique, de leur mise au pinacle par les officiels, est brimée par l’empire du politiquement correct, pour reprendre la formule bigrement pertinente de l’essayiste et sociologue canadien Mathieu Bock-Côté.
Empire qui a pour chef, dans le pré-carré de la République des Lettres sis à Saint-Germain-des-Prés, Bernard-Henri Lévy. Ce dernier est venu à la rescousse de son protégé Moix. Lequel a, urbi et orbi, via le canal médiatique du « sévices publics » audiovisuel, demandé pardon à son maître. Tel Clovis, mais un Clovis de l’anti-France, assurant qu’il brûle ce qu’il a adoré, et adore ce qu’il a brûlé. Il peut ainsi recevoir l’onction du lévite BHL, qui s’est substitué à Saint Rémi évêque de Reims, après cet acte de contrition racoleur assimilable à un serment de Tartuffe. Le prestige, les honneurs, la reconnaissance mondaine, sont les buts visés par l’auteur d’Orléans, pour qui mettre ses pas dans ceux de Faust se soumettant à Méphistophélès ne suscite nulle crainte aucune.
L’antinomisme, facteur dissolvant du monde
Tant le mentor que le disciple participent d’un même cheminement intellectuel, l’antinomisme philosophique, qui s’est cristallisé à l’âge classique dans deux personnalités, Sabbataï Tsevi et Jacob Franck. Le duo suit la voie du radical refus de l’esprit de la sagesse qu’insuffle la Tradition. D’où leur tropisme mondialiste, qui méprise le judaïsme d’antan, d’où la réaction outrée d’un rabbin de la vieille école. Sur Twitter, Gabriel Farhi a posté le texte suivant : « J’avais reçu des pressions amicales pour me convaincre de la bonne foi de Moix. Et puis ces pressions se sont faites menaçantes m’expliquant que l’on ne pouvait lâcher en rase campagne un « philosémite’’ qui s’était repenti de ses erreurs de jeunesse ».
En vérité la substance du judaïsme est la critique de soi-même, « auto-déconstruction » si l’on peut dire : les tables de la Loi mosaïque ne se sont-elles pas écrites en même temps quʼelles ont été brisées ?
Regardez « Yeshouah », que nous Latins appelons Jésus-Christ, qui affirmait être venu l’accomplir, et non l’abolir, mais qui fut désigné puis attaqué par le Sanhédrin comme le pire des subversifs.
Regardez Spinoza, excommunié par sa communauté de marranes néerlandais pour mal-pensance. Regardez Karl Marx, et ce qu’il écrivit dans son essai La Question juive.
Regardez, enfin, Bernard-Henri Lévy et ce qu’il a publié récemment dans sa revue La Règle du jeu, où Moix est un rédacteur fidèle. Rendant hommage à l’un de ses anciens professeurs de philosophie, un résistant homosexuel spécialiste des Lumières nommé Deprun, il recourt au concept kabbalistique de tikkun olam quand il reconnaît être redevable à ce Deprun de lui avoir « appris non à changer mais à réparer le monde »[1]. Nʼy a-t-il pas plus grande entreprise de démolition du dogme judaïque rabbinique et de ses centaines de mitsvot que la kabbale, qui soutient notamment que Moïse était en réalité le pharaon Ramsès, et partant que les Hébreux étaient de véritables Égyptiens ?[2] (A suivre, demain) ■