Journal du Maroc et d’ailleurs. Extraits.
Par Péroncel-Hugoz.
Vol Paris-Rabat, 28 août 1984
Bien que se méfiant de moi sur le thème du « Maroc », Le Monde m’envoie de nouveau au Royaume alaouite.
Le directeur m’a dit : « Tu comprends, tu es royaliste… – Oui, mais tu envoies bien des républicains en reportage en Italie ou en Allemagne qui sont des républiques ! -Tu as raison, mais ce n’est pas pareil…Et d’ailleurs il n’est pas dit que la monarchie ne soit pas le moins mauvais système pour certains Etats, le Maroc par exemple…- De toutes façons, cher directeur, je suis royaliste pour la France, pour le Maroc, ce n’est pas une affaire, je suis donc neutre, aux Marocains de choisir ! ».
Et j’ajoute : « En tous cas le régime chérifien est autrement intéressant à observer que les tristes dictatures républicaines, militaires, comme l’Algérie, la Syrie, ou l’Egypte où le journal m’a envoyé. Au Maroc, au moins on ne s’ennuie jamais. -Là je te crois facilement ! » conclut le dirlo.
Donc me revoilà en route pour l’Empire chérifien, dont Montherlant (Photo) osait écrire que c’était l’Empire « Chéri-viens ». Tant les occasions de fornications y étaient nombreuses, à son époque… Les choses ont dû bien changer et en tout cas, à chacun de mes reportages en ce « plus beau pays du monde », selon l’expression du peintre Art déco Jacques Majorelle (1886-1962) ; lequel a dû profiter de ces facilités à voir les beautés dorées et charnues de certaines de ses toiles marocaines dont le fameux Nu féminin sur la plage de Fedala ; je ne vois pourtant maintenant au Maroc, et je vais quand même un peu partout, que pudeur, décence et retenue. Un vieux résident espagnol me dit : « C’est que vous êtes un gaouri (non-musulman en terme populaire infériorisant) et il y a beaucoup de choses qui vous échappent … » Peut-être mais ça me vexe un peu car au fond de moi, je crois que ça doit être vrai. « Le mystère marocain », que constatait à Meknès, en 1912, le jeune officier écrivain Emile Nolly reste donc inentamé. (Note de 2019 : cette année j’ai eu la très agréable surprise de voir que, grâce notamment au professeur Gérard Chalaye, installé dans l’Atlas marocain, le chef d’œuvre devenu introuvable de Nolly, Gens de guerre au Maroc, a été réédité par l’Harmattan à Paris)
En attendant de consacrer un peu de temps à résoudre l’énigme marocaine, je vais voir le célèbre dramaturge, acteur, metteur en scène, locomotive culturelle locale, le truculent et francophile Tayyeb Saddiki (Photo), qui, d’emblée me lance : « Contrairement à la plupart des Arabes, je comprends très bien que les Français trouvent qu’il y a trop de musulmans chez eux. Il ne faut pas les accuser de racisme pour ça. Nous-mêmes, les Marocains, Nord-Africains, nous trouvions bien naguère qu’il y avait trop de nassara(Nazaréen, chrétiens en dialecte arabe maghrébin) au Maroc, trop de Français, trop d’Espagnols. Etions-nous racistes pour autant ? Jamais de la vie ! Nous étions nationalistes et les Français ont bien le droit de l’être aussi ! » Sans commentaires … (A suivre) ■
Notre confrère Péroncel-Hugoz, longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, a publié plusieurs essais sur l’Islam ; il a travaillé depuis 2005 pour l’édition et la presse francophones au Royaume chérifien. Il tient aussi son Journal du Maroc et ailleurs, dont la Nouvelle Revue Universelle a déjà donné des extraits. Nous en faisons autant, depuis janvier 2016, en publiant chaque semaine, généralement le jeudi, des passages inédits de ce Journal. JSF
Retrouvez l’ensemble des textes parus depuis le 14 janvier 2016 : Journal du Maroc et ailleurs.
BIEN VU MAIS LES TEMPS CHANGENT.
LES PLUS NOMBREUX SUPPLANTERONT LES AUTRES PAR LEUR MOEURS.
i ON ENTEND PARLÁ DISCRÉTION, RETENUE , PUDEUR , DIGNITÉ : POURQUOI PAS ?