Il serait malséant de traiter de cet article en deux coups de cuillère à pot en renvoyant à Kiel et Tanger ! Mais voici que nous publions plus haut l’article d’Hilaire de Crémiers qui traite plus longuement et plus en détail le même sujet : les succès d’Emmanuel Macron au G7 de Biarritz. Les deux articles se répondent, se complètent, s’équilibrent. Ni l’un ni l’autre – et c’est avec regrets – ne se font d’illusions sur les résultats à attendre de ces succès. Macron pour réussir Biarritz a utilisé – à la maurrassienne – les méthodes de la diplomatie classique et s’est fondé sur la réalité géostratégique du monde. Mais sa vision mondialiste, multiculturaliste et post-nationale des choses prive sa politique profonde d’avenir concret. Car le monde est en train de se réorganiser selon des paramètres inverses. Zemmour le sait mieux que quiconque. Remarque annexe et dernière : on nous reproche parfois de trop parler de Maurras. Mais si nous ne le faisions pas, nous serions les seuls ! [Figaro magazine du 30.08). JSF
Macron met en pratique des thèses défendues par le grand-père de tous ces souverainistes qu’il vomit à longueur de discours.
Il est né le divin enfant! Les médias proclament la bonne nouvelle. Emmanuel Macron est consacré grand diplomate. Un mélange de Mazarin et de Talleyrand. En mieux. On souligne la manière habile avec laquelle il a circonvenu Trump – toujours présenté comme un éléphant un peu benêt dans un magasin de porcelaine. On exalte l’effet de surprise provoqué par la venue de l’Iranien à Biarritz. Sans oublier l’invitation à Poutine qui avait précédé le G7. C’est le triomphe de la France médiatrice, conciliatrice, faiseuse de paix. Une France indépendante, imaginative, transgressive. Bref, le retour de la France gaullienne. Peu importe le résultat concret de cette opération diplomatique. L’important est dans la manière.
Justement, arrêtons-nous sur la manière. Celle d’un président français qui fait des coups dans son coin. Où est le couple franco-allemand? A quoi sert l’Europe? Que faisait Donald Tusk, sinon tapisserie? C’est la France et elle seule, appuyée sur sa tradition diplomatique, qui a joué un jeu classique. Avec des relations d’homme à homme, d’Etat à Etat, de nation à nation. Le G7 n’est pas l’ONU, l’Unesco ou les grandes conférences internationales. Ce n’est pas le droit qui y règne, mais la diplomatie traditionnelle bilatérale. Pas les grands principes, mais les rapports de force. On est plus près du chancelier Bismarck que d’Aristide Briand.
Le multilatéralisme tant vanté par Macron, défendu par les médias contre l’unilatéralisme de Trump ou de Poutine, ne lui a servi de rien. Au contraire. Dans une enceinte internationale, il aurait dû chipoter sur les termes d’un communiqué que personne ne lit. Si sa fameuse souveraineté européenne avait existé et s’était appliquée à la politique étrangère, il aurait été ligoté par les procédures et les divisions internes à l’Union.
« Gaullo-mitterrandisme »
Pour réussir ce coup-là, Macron a jeté par-dessus bord ce qu’il a défendu jusque-là. Bien sûr, des esprits subtils, tel Hubert Védrine, expliqueront que le Président joue de l’ambivalence habituelle de la France, qui se pare à la fois de la puissance économique de l’Europe et de sa politique d’indépendance nationale. Un concept qualifié de «gaullo-mitterrandisme». L’habillage fait illusion mais Védrine n’ignore pas que cette stratégie macronienne plonge bien plus profondément ses racines dans l’histoire politique de notre pays.
C’est Charles Maurras qui, dans Kiel et Tanger, écrit au début du XXe siècle, a expliqué que la France n’avait plus la taille des géants qui arrivaient mais était, par son unité et la force de son Etat, plus forte que la myriade de petites nations qui allaient éclore. Entre les deux, la place de la France était de prendre la tête des petits pour tenir la dragée haute aux gros et faire œuvre pacifique.
Ce texte de Maurras a inspiré de Gaulle, et Pompidou le citait encore au début des années 1970 devant les étudiants de Sciences Po. Ainsi Macron met-il en pratique des thèses défendues par le grand-père de tous ces souverainistes qu’il vomit à longueur de discours. Il faut vite le soigner. ■
Excellente idée que d’avoir couplé et publié l’un à la suite de l’autre ces deux excellents articles d’Hilaire et d’Éric Zemmour. Comme il est fort bien dit, ils se répondent, se complètent et forment chambre d’écho.
Et il est bien plaisant de voir évoquer aussi souvent les fulgurances de Maurras. On aimerait que ceux qui font la fine bouche ou même quelquefois rejettent violemment la pensée de notre Maître puissent y réfléchir.