Par Pierre de Meuse.
Les médias commentent les péripéties au Parlement britannique en donnant l’image simpliste d’un Premier Ministre aux abois, qui chercherait dans l’insulte et la grossièreté sexiste une issue à son échec inéluctable. On sent chez les journalistes français mainstream une volonté de cogner à coups redoublés sur Johnson, certes, mais leur hostilité ne s’appuie pas sur un examen objectif de la situation ni surtout sur une connaissance du Droit Constitutionnel britannique.
Certes, Johnson a perdu sa majorité, certes les députés ont voté une loi demandant au premier ministre de solliciter un report du Brexit, certes la demande du gouvernement pour des élections anticipées a été rejetée par le Parlement, certes, « Bojo » reçoit quotidiennement son lot de trahisons et d’avanies….
Mais…
• Mais le Parlement est suspendu depuis le 9 septembre jusqu’au 14 octobre et cette suspension est effective, approuvée par la reine (qui n’avait d’ailleurs pas le choix). Les débats et manœuvres sont donc clos jusqu’à cette date, ce qui laisse quinze jours seulement jusqu’au brexit, un délai insuffisant pour des mesures efficaces. En revanche, le gouvernement conservateur espère instaurer un « bras de fer » face à Barnier, amenant ce dernier à faire des concessions notamment sur le « backstop » irlandais, ou au contraire à se démasquer en montrant sa mauvaise foi.
• Mais la « loi formelle » demandant le report n’en est pas une, sur le plan matériel, puisqu’elle stipule dans le domaine exécutif et outrepasse outrancièrement le contrôle parlementaire. Rappelons que le système constitutionnel britannique n’est pas un « régime d’assemblée », comme la Convention où l’assemblée nommait les comités et dirigeait leur fonctionnement.
• Dès lors dans le cas où, conformément à son annonce, Boris Johnson ne demanderait pas un report du Brexit en dépit de la loi entrée en vigueur le même jour, la seule solution pour la majorité serait alors un vote de défiance, sans que le gouvernement présente de loi.
• Oui, cependant « le vote d’une motion de défiance n’entraîne aucune démission immédiate, mais, par convention, le Premier ministre demande une dissolution rapide du Parlement et des élections générales. Si le Premier ministre se refuse à demander une dissolution, le Souverain a, en théorie, toute latitude pour dissoudre le Parlement de son propre chef ou pour démettre le gouvernement. » (Union interparlementaire, House of Commons, coutume constitutionnelle). Or précisément, c’est ce que veulent éviter les députés opposés à Johnson, car ils savent que l’opinion leur est hostile à cause de leur désir d’effacer le referendum. Ils savent, d’autre part, que l’opposition est trop divisée pour former un nouveau gouvernement. Imagine t-on Jeremy Corbyn adoubé par les libéraux-démocrates ? C’est difficilement pensable, d’autant qu’il y a bien des coups à prendre de tous côtés et peu à gagner.
On peut donc en conclure que leur marge de manœuvre est plus limitée que les médias ne cherchent à nous le faire croire.
D’autre part, que se passerait-il si la reine, tirant les conséquences du chaos actuel, dissolvait le Parlement et chargeait Johnson, ou un autre, d’expédier les affaires courantes ? Ce serait, selon l’expression de Carl Schmitt, agir véritablement en Souverain, en prenant « les décisions salutaires dans les circonstances exceptionnelles ». Peut-être n’est-ce pas tout-à-fait du rêve. ■
Merci à Pierre de MEUSE pour cette excellente présentation de la situation britannique . La plupart des Français ignorent que le droit anglais est coutumier, alors qu’en France le fait précède le droit.
Il est vrai que la majorité des média , totalement soumise à l’idéologie euro-mondialiste ne peut accepter les positions d’un Boris JOHNSON .
Il serait tout aussi intéressant sinon plus pour nous Français et Européens de nous interroger, dans notre intérêt, sur les conséquences plus lointaines, politiques et économiques, d’un Brexit qui a toute chance de se réaliser et s’annonce de plus en plus dur si tant est que la fameuse inflexibilité britannique est destinée à triompher quel qu’en soit le prix.
Je ne vois pas notre avenir en France et en Europe comme nécessairement radieux et il ne faudra pas nous cantonner à être des spectateurs béats d’un Boris Johnson qui fera payer cher aux Européens leurs entraves d’ailleurs parfaitement justifiées à se retirer de l’Europe, si à la fin il triomphe.
Personne ne doute que les pays européens aient à souffrir du brexit. Les « entraves » imposées par Barnier ne sont pas « justifiées » par la défense de l’intérêt des pays européens mais par le désir d’empêcher coûte que coûte le retrait britannique, en imposant des conditions que la Grande Bretagne ne peut accepter. Enfin, les britanniques ont voté pour le brexit exclusivement à cause de l’immigration. Il ne faut pas l’oublier.