Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Réception de M. Poutine à Brégançon le 19 août, discours de M. Macron à la Conférence des Ambassadeurs de France le 27 août, voyage à Moscou des ministres français des Affaires étrangères et des Armées le 9 septembre : les signes d’un réchauffement de nos relations avec la Russie sont évidents.
Comme il se doit, certains intellos et journaleux, droits-de-l’hommistes patentés et anti-Poutine viscéraux, ont saisi l’occasion pour dénoncer en choeur le non respect des droits de l’homme en Russie, les bombardements en Syrie, l’annexion de la Crimée, etc. : on connaît l’antienne… Ils ont politiquement tort et ne méritent même plus qu’on leur réponde.
Si, comme certains le pensent, les conseils de M. Chevènement ont influencé M. Macron au point qu’il considèrerait désormais, selon M. Védrine, « qu’il est […] de notre intérêt de sortir d’une stérile guerre de positions [avec la Russie] », c’est tant mieux. Insufflant ainsi à notre politique étrangère une bonne dose de réalisme, voire de pragmatisme, M. Macron renoue(rait) donc avec la démarche gaullienne. Eric Zemmour va plus loin, qui pense que M. Macron fait siennes, en matière de géopolitique, les analyses de Charles Maurras dans Kiel et Tanger.
« Nous et la Russie sommes l’Europe » (dixit M. Macron) : avons-nous jamais dit autre chose ? On pourra toujours ergoter sur le « nous », l’important est que, seule ou suivie d’autres, la France en soit. On peut même entrevoir enfin la naissance de la fameuse « nouvelle architecture de sécurité en Europe ». Alors que la sortie programmée du Royaume-Uni et le repli frileux de l’Allemagne sur ses retraités et sa seule balance commerciale confortent l’inexistence politique et militaire de l’Union européenne et que semble enclenché un double processus de dissolution du lien transatlantique (sous la forme qu’on lui connaît) et de montée en puissance irréversible et dangereuse de la Chine, sauf à accepter la relégation et la disparition politique qui en résulterait, une « politique russe » active et responsable s’impose à la France comme une nécessité. Car, quoi d’autre en effet ?
Par sa situation géographique stratégique sur le flanc est de l’Europe, par son farouche désir de survivre à l’apocalypse soviétique pour réexister aujourd’hui comme une puissance incontournable en Eurasie, au Proche-Orient et jusqu’en Afrique, la Russie offre à la France une ouverture remarquable (celle de se soustraire à la tutelle géopolitique américaine) et à l’Europe la possibilité de se repenser (comme mieux qu’une simple vassale). Certains pensent que, M. Macron étant ce qu’il est, corseté dans son idéologie mondialiste, sa stratégie est pour le moins complexe, voire ambiguë : ils n’ont pas tort. Cependant, si l’avenir n’est pas écrit, des mots forts ont été prononcés et des perspectives ouvertes. On ne s’en plaindra pas. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
D’accord avec LJD pour être satisfaits des signes de rapprochement franco-russes en train d’apparaître.
C’est peut-être, d’ailleurs, en accord avec Trump. Ce dernier lors de sa campagne avait dit qu’il s’entendrait avec Poutine. Les circonstances ultérieures l’en ont empêché.
L’alliance russe me semble être une forte nécessité pour la France d’aujourd’hui. Cela dit, pour calmer les philies, elle a évidemment ses limites comme toute alliance et peut-être un peu plus. Le dernier article que Bainville ait écrit traitait de l’alliance russe. Il avait vécu la défection russe de 1917 qui nous avait coûté très cher. Il pressentait, en 1936, à la veille de sa mort, le futur pacte germano-soviétique de 1939. Son article avait pour titre : « Les liaisons dangereuses ». Qui sait ce que deviendra la Russie après Poutine ? Elle vit un temps de bonne fortune. Il peut être limité. Raison de plus pour le mettre à profit.