PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ
Cette chronique est parue dans Le Figaro papier du 14.09. Lorsque nous lisons ces lignes si justes et si fortes – car elles sont aussi un coup de colère – nous osons nous dire que, lorsque nous nous sommes rendu compte de l’importance et de l’intérêt des premiers articles de Mathieu Bock-Côté que nous ayons lus il y a déjà uelques années et que nous les avons diffusés pour les lecteurs royalistes, nous n’avons pas perdu notre temps. Mathieu Bock-Côté, c’est une évidence, aura été, depuis son Québec si français, un grand réveilleur des intellectuels français et leur réaction s’amplifie. JSF
« Gérard Noiriel consacre un livre à Éric Zemmour. La gauche est gentille, la droite est méchante, compris ? »
Apparemment, si Éric Zemmour n’est pas digne d’être invité sur le service public, on peut librement disserter à son sujet, pour peu qu’il s’agisse de le vomir. Si on ne peut parler avec Zemmour, on peut parler de lui, à condition d’en parler en mal. On l’a vu cette semaine avec le traitement exceptionnellement favorable réservé par une grande partie de la presse à Gérard Noiriel, qui vient de consacrer tout un livre à rabattre la figure d’Éric Zemmour sur celle d’Édouard Drumont, le polémiste antisémite de la fin du XIXe siècle.
Chacun a le droit d’être en désaccord avec l’auteur du Suicide français. Mais, ici, il s’agit simplement de l’expulser de l’espace public, et pour cela, tous les coups sont permis. On ne saurait accuser Noiriel de ne pas avoir lu Zemmour. Il faut donc en conclure qu’il l’a lu avec la volonté de le diaboliser. Rien de surprenant chez un historien qui n’aime pourtant rien tant que se présenter comme le porteur de la Science avec une majuscule. Déjà, dans son livre À quoi sert l’identité nationale, il expliquait comment les défenseurs de cette dernière avaient été progressivement exclus du champ de la légitimité académique. Désormais, c’est des médias qu’il rêve de les bannir. Zemmour serait tout sauf un interlocuteur légitime. En fait, il serait un délinquant intellectuel. L’historien Noiriel aurait-il une vocation de policier de la pensée ?
Noiriel prétend avoir décidé d’écrire son livre à cause des critiques adressées par Zemmour aux historiens professionnels dans Destin français. Scandale ! On ne dit pas de mal des universitaires ! Il ne semble pas venir à l’esprit du grand savant que l’histoire comme les sciences sociales sont parfaitement capables de dévoiement idéologique et que le savoir universitaire est trop souvent un savoir militant, même si ceux qui s’en réclament sont d’une condescendance himalayesque. La longue histoire du marxisme académique et de ses errances au XXe siècle devrait suffire à nous mettre en garde contre la prétention des sciences sociales à dire le vrai et le juste tout à la fois.
D’ailleurs, la science de Noiriel est bêtement militante. On le remarque notamment à son usage des étiquettes infamantes. Il lui suffit apparemment d’étiqueter une pensée comme réactionnaire pour que nous sachions qu’elle est mauvaise. Nous sommes ici dans l’expression la plus primitive du clivage gauche-droite. La gauche est gentille, la droite est méchante, compris ? Noiriel réclame le monopole de la pensée légitime et entend fixer de manière autoritaire le périmètre des idées autorisées. C’est lui qui décide qui doit parler et qui doit se taire. On l’acclame ensuite dans la presse progressiste pour justifier la mise à l’écart des transgresseurs.
Évidemment, la comparaison avec Drumont, aussi odieuse que malveillante, est là pour criminaliser Zemmour. Sans surprise, Noiriel, dans ses entretiens, n’hésite pas à assimiler les musulmans d’aujourd’hui aux Juifs d’hier. On comprend le message : Zemmour préparerait les carnages de demain. D’ailleurs, ne serait-il pas déjà responsable des massacres d’aujourd’hui, comme l’a déjà suggéré Edwy Plenel ? Raison de plus pour lui fermer le micro. Laissé à lui-même, Zemmour-le-fourbe verserait probablement dans la rhétorique ordurière et les attaques ad hominem comme Drumont en son temps. Zemmour, vrai salaud !
On se demande, en lisant cela, si Noiriel et ceux qui l’encensent sont conscients de leur propre haine ? La gauche idéologique est-elle capable de ne pas « hitlériser » implicitement ou explicitement ses adversaires ? Est-elle capable de ne pas « nazifier » ceux qui sonnent l’alarme contre l’immigration de masse, le multiculturalisme ou l’islamisation progressive d’une partie de l’Europe ? Pour la gauche façon Noiriel, on l’aura compris, toute définition substantielle de l’identité nationale est condamnable parce qu’elle relèverait d’une histoire identitaire centrée sur le rôle des grands hommes incarnant le destin de la patrie. Cette histoire à l’ancienne serait moralement condamnable et scientifiquement indigeste.
On me permettra une dernière observation. La même semaine où Noiriel faisait la tournée des radios pour « drumontiser » Zemmour, Tariq Ramadan, lui aussi convié, avait le culot de se présenter comme la nouvelle incarnation du capitaine Dreyfus. Alors que le patriotisme est criminalisé, l’islamisme est victimisé. Celui qui met en garde contre l’abaissement de la patrie est désigné à la vindicte et se fait traiter comme un ennemi du genre humain, alors que celui qui a tout fait pour acclimater l’islamisme en France cherche à passer pour un martyr digne d’admiration. Comme dirait un journaliste de gauche, il y a dans le consentement de nombreux médias à une telle inversion du réel quelque chose de nauséabond. ■
Ceux qui ont connu Gérard Noiriel le savent : il était un stalinien de stricte observance, membre du PCF. Il faut partie de ce courant politique si bien décrit par Thierry Wolton dans son ouvrage consacré au négationnisme de gauche. Des intellectuels qui ont adulé le totalitarisme communiste et qui n’ont aucune pudeur à venir se présenter aujourd’hui comme des donneurs de leçons de morale politique. Bon nombre de ces communistes se sont convertis à la nouvelle religion diversitaire, immigrationniste et pro-musulmane. Laisserait-on la parole dans les médias à un homme politique de droite ayant adulé le nazisme ? Non bien entendu et avec raison et d’ailleurs, de tels hommes politiques de droite, aujourd’hui, il n’y en a pas. Par contre les thuriféraires du totalitarisme communiste prolifèrent. Hémiplégie typiquement française de la mémoire et de l’indignation.
L’intellectuel de gauche est un pharisien, d’une indécrottable bonne conscience, se considérant comme l’incarnation du Bien, du Juste et du Vrai, incapable de comprendre qu’on puisse ne pas partager ses valeurs, adoptant immédiatement la posture de Fouquier-Tinville dès qu’il se trouve confronté à un point de vue qui dévie de ses propres Tables de la Loi. Il n’a raté aucune infamie. Il a déclaré qu’en faisant l’histoire de la révolution française, il ne fallait pas trop insister sur la Terreur, ou l’a justifiée, il a accueilli avec enthousiasme le putsch militaire d’octobre 17. Membre de la Ligue des droits de l’homme, en visite à Moscou en 37-38, il a estimé que les grands procès staliniens se déroulaient dans la plus parfaite légalité. Avec Aragon, il a écrit des poèmes flagorneurs pour saluer le 70 ème anniversaire du petit père des peuples, écrit des poèmes à la gloire de la Guépéou, avec Jean Paul Sartre, il a déclaré que tout anticommuniste était un chien. Dans l’immédiat après-guerre, il a diffamé Kravchenko, puis vomi avec des journalistes du quotidien de référence sur Soljenitsyne et son archipel du Goulag. Il s’est pris d’un enthousiasme ensoleillé pour la dictature caraïbe de Castro et porté les t-shirts à l’effigie de Guévara, le tortionnaire de la prison politique de la Cabana, il a admiré Mao et sa révolution culturelle, passant par pertes et profits les dizaines de millions de morts du Grand Bond en avant, puis a senti son cœur chavirer au spectacle de ces si aimables khmers rouges etc. etc. Aujourd’hui, ‘’ insoumis ‘’ il courtise l’islam et arbore des portraits de Lénine dans ses fêtes politiques. Dans tout homme de gauche, fût-il le plus modéré, on a l’impression que sommeille, et parfois d’un seul œil, un massacreur de Septembre ou un commissaire politique bolchevique.
Ce Noiriel, pas besoin de longs discours. Il suffit de voir sa tête pour savoir ce qu’il est : « quelque chose de nauséabond ». Cela se juge au premier coup d’oeil sans avoir besoin de le renifler.