Par Mathieu Bock-Côté
CHRONIQUE – Cette chronique de Mathieu Bock-Côté – de celles que nous reprenons souvent pour leur pertinence – est parue dans le Journal de Montréal du 12 septembre. La démocratie dont il est question ici est de celles qui tiennent à l’Histoire et à la nature : la volonté d’un peuple de rester lui-même, défendre son identité, sa liberté, si elles se trouvent menacées. C’est la simple volonté des peuples qui ne veulent pas mourir. Soit dit en passant, elle est souvent trahie par des élites qui se proclament démocratiques… D’où cette sorte d’impatience et d’anxiété qu’exprime Mathieu Bock-Côté. JSF
« Les élites européennes ne veulent pas d’un divorce à l’amiable. Elles veulent faire un exemple. »
Le Brexit est au cœur de l’actualité depuis quelques années déjà. Les Britanniques ont beau avoir voté pour restaurer leur souveraineté nationale en sortant de l’Union européenne, la rupture tarde.
Certes, la classe politique britannique a multiplié les faux pas et s’est rendue coupable d’amateurisme.
Mais les élites européennes font tout ce qu’elles peuvent pour compliquer la vie des Britanniques. Elles ne veulent pas d’un divorce à l’amiable.
Au contraire. Elles veulent faire un exemple avec les Britanniques, pour faire comprendre à toutes nations qui seraient tentées de se délivrer de l’UE que le prix en sera très élevé.
Démocratie
L’UE se prend pour l’incarnation du progrès et ne tolère tout simplement pas qu’on la quitte. Qui s’y joint n’a plus le droit de la quitter. Qui l’embrasse y est à jamais marié.
Un peuple peut rejoindre l’UE, mais il n’a pas le droit d’en sortir.
C’est en ayant cela à l’esprit que l’on peut comprendre l’importance du Brexit, au-delà même de la seule question britannique. Le Brexit posait une question finalement simple : quel est le sens de la démocratie ? Est-ce qu’une fois qu’un peuple a décidé de rejoindre une organisation supranationale il y est lié à jamais ? Ou a-t-il le droit de retirer ses billes et de s’en dégager ?
Mais cette question peut se décliner de bien des manières. Est-ce qu’un pays peut décider de renoncer à ses « engagements internationaux » s’il les juge contraires à ses intérêts supérieurs ?
Est-ce qu’un pays qui a décidé de faire le pari du libre-échange peut changer d’avis et renouer avec une politique protectionniste ?
Est-ce qu’un pays qui a basculé vers le gouvernement des juges peut décider de renouer avec le pouvoir des élus, et de remettre en question par référendum les « droits » (en fait, souvent des privilèges) que les tribunaux avaient accordés ?
Quand on se fie aux élites mondialisées, on a la réponse : la démocratie a peu à voir avec la volonté populaire. Quand le peuple vote comme les médias le souhaitent, on le félicite.
Quand il vote en sens contraire, on l’accuse de verser dans le populisme, ou du moins, on accuse les politiciens et les chroniqueurs « pas-de-gauche » de l’avoir manipulé.
La démocratie ne peut pas servir à limiter l’immigration, à détricoter le « droit international », à remettre en question l’hégémonie idéologique de certains lobbies.
Johnson
De ce point de vue, la réussite du Brexit est une exigence démocratique pour notre temps. Si le Brexit s’accomplit, nous aurons la preuve qu’il est politiquement possible de se révolter contre l’idéologie dominante et d’imposer un nouveau rapport de force.
Mais si le Brexit échoue, s’il s’englue dans les procédures mises en place pour empêcher sa concrétisation, nous pourrons y voir une trahison historique de l’idéal démocratique et une confirmation de la soumission des peuples à l’idéologie progressiste.
Boris Johnson, le premier ministre britannique, est aujourd’hui porteur d’une responsabilité qui dépasse largement les frontières de son pays. ■