Par Philippe Mesnard.
L’ Union européenne est une puissance paradoxale. Elle n’existe que par l’assentiment d’élites démocratiques – en tout cas revendiquées comme telles – qui cautionnent le fonctionnement le plus autoritaire qui soit. Son pouvoir supranational n’est que la somme des renoncements nationaux.
La voici, obèse et enflée, insatiable, toujours prête à s’élargir alors même qu’elle fait continuellement la preuve de son incapacité à exister internationalement (ne regardons que l’impossible mise en oeuvre d’INSTEX, qui était supposé pallier l’extraterritorialité juridico-financière des États-Unis en Iran).. Elle n’est qu’un trou noir qui absorbe les nations européennes, les désagrège, les précipite au-delà de l’horizon, en dehors de l’histoire, dans une zone à la gravité infinie d’où elles ne peuvent sortir, où elles ne brillent plus.
L’Union européenne annihile les nations souveraines sans réussir à constituer une puissance aux yeux des empires renaissants.
Mais l’Union européenne est en présence de trois menaces. Elle les a enfantées elle-même, à des titres divers. Elles sont le fruit logique de son mode de développement ou la conséquence naturelle de ses incapacités.
La première est la mondialisation. Elle est en panne, et l’UE n’a pas l’air au courant. Elle multiplie les traités aberrants, ouvrant grand ses frontières sans réelles contreparties. Le commerce fait toujours office de raison ultime alors même que la politique a partout repris ses droits. L’UE vit sur un vieux rêve impérialiste occidental que le monde entier récuse : elle l’ignore, elle radote son libéralisme comme un vieux victorien gâtifierait sur l’empire britannique. Elle se rêve en noeud nécessaire des échanges mondiaux, elle n’est plus qu’un terrain à se partager.
La seconde est la finance. L’UE a abandonné son rêve industriel pour ne plus croire qu’aux flux de capitaux, à cet univers toujours plus liquide et immédiat qui permet de poser un prix sur tout et de virtualiser tous les échanges. Considérant que tout peut être produit partout, l’UE ne se donne plus comme fin que d’assurer aux producteurs l’existence d’un marché intérieur capable de dépenser. Le citoyen sera bientôt réduit à son risque crédit, la politique ne sera plus qu’une affaire d’assureur. Quel avenir pour une telle construction ?…
Quant à la troisième menace, c’est la réaction. L’UE se trompe d’époque avec la mondialisation, se trompe d’objet avec la finance et elle se trompe de peuples avec le rejet du « populisme ». Matteo Salvini résume à lui seul les aspirations des peuples européens, enracinés dans leurs nations, bien désireux de n’être sacrifiés ni aux oligarchies financières ni au capital apatride.
Trois menaces qui sont trois erreurs de jugement. L’UE est-elle capable de faire sa révolution copernicienne ou va-t-elle s’enferrer dans un libéralisme obsolète qui achèvera de l’affaiblir face aux nouveaux empires ? Tout est à craindre. ■