Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Il est tout à fait possible que les Perses soient à l’origine du jeu d’échecs. En tout cas, les Iraniens d’aujourd’hui semblent bien posséder quelques-unes des qualités qui font les grands joueurs. Face à l’hostilité américaine, ils encaissent les coups, font preuve de résilience et continuent d’avancer leurs pions. D’abord victimes d’un ensemble de sanctions unilatérales, les voici, depuis l’attaque par drones d’installations pétrolières séoudiennes, sous la menace d’une opération armée : le président américain dit que les armes sont « verrouillées et chargées » et le chef du Pentagone annonce l’envoi de renforts dans la région du Golfe à la demande de l’Arabie séoudite et des Emirats arabes. Dans le même temps, les Iraniens menacent eux-mêmes les Etats-Unis de « guerre totale » en cas de riposte.
La stratégie américaine laissant apparemment peu de place à l’Iran pour trouver une issue pacifique, l’affaire pourrait donc bien dégénérer en conflit régional par embrasement de tout le Proche-Orient, puis peut-être mondial par le jeu des alliances. Les moins pessimistes veulent croire qu’on en restera plutôt au stade du psychodrame du fait même de l’attitude du seul président des Etats-Unis, lequel, tout en soufflant alternativement le chaud et le froid, leur donne surtout l’impression de penser à sa réélection. L’essentiel de la partie qui se joue en ce moment autour du Golfe passerait ainsi par les humeurs de M. Trump. Si c’est le cas, on doit accorder que ce n’est pas rien de s’être débarrassé de M. Bolton (Photo), ce farouche partisan de bombardements sur l’Iran (comme tant d’autres avant lui à Washington et sur d’autres pays, y compris sous le faux-semblant de l’Otan – rappelons-nous Belgrade, si proche de nous, en 1999, sous la présidence de M. Clinton – et toujours pour de prétendues bonnes raisons). On doit aussi convenir que, malgré ses tweets à l’emporte-pièce et sa personnalité « détonnante », M. Trump n’a pour l’instant rien fait de particulièrement « détonant ».
En fait, M. Trump reste pour l’essentiel un président américain comme les autres : contrairement à ce que prétendent la plupart des analystes, commentateurs et autres spécialistes de la question, l’identité du président n’est pas le plus important ; le plus important est que ce sont les Etats-Unis qui, une fois de plus, exercent à leur gré un droit de regard, d’ingérence et d’intervention notamment militaire. Et les autres, amis et/ou alliés, de suivre ou, à tout le moins, de supporter une bonne partie des conséquences. La France, par exemple, devait-elle cesser de commercer avec l’Iran autant qu’elle le fait avec l’Arabie Séoudite (y compris en vendant des armes – dont on se doute, bien sûr, qu’elles sont faites pour être utilisées) ? La France doit-elle cesser de se méfier des puissances sunnites du Golfe dont le rapport à l’islamo-terrorisme international n’est ni obscur ni douteux ? La France devrait-elle se laisser convaincre et entraîner dans la guerre totale contre l’Iran dont rêvent les principaux protégés des Etats-Unis, Israël compris ? Non, trois fois non.
M. Le Drian le pense peut-être, qui vient de tenir des propos apaisants : il appelle à « une désescalade » et semble croire que l’Assemblée générale annuelle des Nations unies offre une opportunité dans ce sens. Pourquoi pas ? Mais les bonnes intentions et les bonnes résolutions ne font pas une bonne politique étrangère, en tout cas pas une politique digne de ce nom. Voilà longtemps que la France attend un sursaut dans ce domaine. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Il est bon de rappeler aussi clairement ces données. Excellent article.
Que les Iraniens se débarrassent de leur régime POURRI, des agités du bocal, et ensuite une bonne partie du pb sera résolue. Au temps du SHAH, ce pays vieux de 2500 ans était l’allié de l’Occident. De plus ls USA comptent en MEGATONNES , les Iraniens eux comptent…. sur les autres. Au fait les Russes sont ils prêts à mourir pou Téhéran?????????