Éric Zemmour pose dans cette chronique une série de redoutables questions. Certes, il relativise les triomphes récents d’Emmanuel Macron à Biarritz, il critique « l’esprit de Locarno » tentation habituelle, naïve et euphorisante, des dirigeants des grandes puissances du monde lorsqu’ils se rencontrent ; il rappelle Briand … Mais il ne manque pas de pointer les responsabilités de ceux qui ont construit la situation à grands risques dont Macron hérite. [Figaro magazine du 9.09). JSF
Triomphant à Biarritz, lors du G7, Emmanuel Macron était présenté comme le petit génie de la diplomatie. Un mois plus tard, États-Unis et Iran dansent sur un volcan…
La formule de Beaumarchais s’applique parfaitement à la diplomatie d’Emmanuel Macron au lendemain de l’attaque, dont tout accuse les alliés de l’Iran, de puits de pétrole saoudiens frappés par des drones.
Il y a trois semaines, tous les médias l’encensaient. C’était Macron le réconciliateur, Macron le pacificateur, Macron le petit génie de la diplomatie. Même Trump ne lui en a pas voulu de sa « surprise » : la venue imprévue du ministre iranien des Affaires étrangères.
Tous, acteurs et observateurs, étaient touchés par la grâce de « l’esprit de Biarritz », comme il y eut naguère « l’esprit de Locarno », qui devait réconcilier les Français et les Allemands après la Grande Guerre.
Dans cette affaire, Emmanuel Macron s’est voulu l’émule du général de Gaulle ; il risque de finir comme Aristide Briand. Floué par plus retors que lui et ridiculisé pour naïveté. Mais ne tirons pas trop sur le pianiste ! Ou plutôt, tirons aussi sur ceux qui tirent sur le pianiste.
En France, les atlantistes, les droits-de-l’hommistes, les partisans de la guerre à Assad, les soutiens à tous crins d’Israël, les obligés de l’Arabie saoudite, rassemblés dans une même coalition hétéroclite, à l’instar de leurs divers parrains étrangers. Tous s’émeuvent avec raison de l’excessive puissance iranienne au Moyen-Orient. De son influence démesurée, prise sur le croissant qui relie Damas, Beyrouth, Bagdad, Sanaa. De la force de ses milices armées du Hezbollah qui menacent la supériorité de l’armée israélienne et les puits de pétrole saoudiens. Des risques que fait peser l’ambition nucléaire iranienne sur la paix dans la région et donc dans le monde.
Mais qui a fait le lit de l’impérialisme perse ? Qui a abattu l’Irakien Saddam Hussein qui seul résistait à l’expansionnisme chiite ? Qui a ramené l’Irak à l’âge de la pierre au nom de la démocratie ? Qui a provoqué ainsi l’émergence de Daech, fanatiques de l’islam dirigés par d’anciens officiers de l’armée de Saddam Hussein ? Qui a désagrégé le voisin syrien ? Qui a voulu la mort d’Assad, le contraignant à appeler au secours Iraniens et Russes, ses seuls défenseurs ? Qui a occupé le Liban, métamorphosant le Hezbollah, aux yeux même des patriotes libanais chrétiens comme le général Aoun, en dernier rempart de l’intégrité territoriale libanaise ? Qui, enfin, a abattu Kadhafi après qu’il eut renoncé à l’arme atomique (comme Saddam Hussein !) ?
On connaît les réponses à ces questions et les responsables de la situation : Bush fils, les néoconservateurs américains, Israël, l’Arabie saoudite et le Qatar, Sarkozy et Hollande, Juppé et Fabius, BHL et tous les droits-de-l’hommistes français. Tous ceux qui, aujourd’hui, se lamentent et s’effraient de l’hégémonie régionale iranienne et poussent Trump qui n’en peut mais à punir le nouveau « méchant ». Entre Macron et ses redoutables adversaires, c’est partout balle au centre. Ou plutôt drone au centre. ■
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