PAR RÉMI HUGUES.
Le projet de réforme des retraites préparé par l’ancien ministre de Raffarin Jean-Pierre Delevoye suscite de nombreuses craintes.
Depuis la semaine dernière de nombreuses professions expriment leur inquiétude en se mobilisant dans la rue. Après les agents de la RATP, au tour des professions libérales de défiler, avocats en tête. Mais aussi infirmiers, médecins, kinésithérapeutes, pilotes de ligne, hôtesses de l’air et stewards.
Un collectif nommé « SOS Retraites » a été lancé : sauvera-t-il les retraites comme SOS Racisme a, selon Jean Baudrillard, sauvé le racisme ? S’il y a des raisons tout à fait justifiées de se méfier des conséquences de cette réforme, il est nécessaire de rappeler que, pour des raisons démographiques, cette réforme est indispensable.
Interrogé sur cet épineux sujet, le pilote dʼAir France du syndicat SPNL Olivier Rigazio, dit « refuser la capitalisation »[1]. Derrière l’harmonisation se cacherait la capitalisation, système typiquement anglo-saxon, en lieu et place du système par répartition, qui pour beaucoup est à ranger avec le béret, la baguette, la marinière et la bouteille de vin rouge dans la panoplie des objets spécifiques de l’identité, pour ne pas dire l’idiosyncrasie, de la nation française.
Marc Fiorentino, dans une tribune intitulée « Vers la capitalisation » que publie LʼObs du 12 septembre 2019, abonde dans le sens du pilote d’avion délégué syndical. « La France bascule vers la capitalisation, mais chut, ne le dites à personne », souligne-t-il.
Or ce que personne ne semble remarquer, c’est que dans un monde économique et financier caractérisé par les taux d’intérêt négatifs, il n’y a rien à attendre d’un tel système par capitalisation. Désormais placer de l’argent en banque est censé ne plus rien rapporter du tout. Au contraire il en coûte d’épargner. Les taux négatifs, c’est la ruine de l’épargnant, les emprunts russes du XXIème siècle. Et donc aussi la fin de la possibilité du système de retraite par capitalisation.
Certes le niveau des taux est par définition variable et peut donc remonter à moyen ou long terme. Mais en attendant, cette option qui reste hypothétique, ceux qui sont soucieux de leurs vieux jours auraient plutôt intérêt à investir dans l’immobilier ou même à se constituer un bas de laine – au sens propre.
Vu la conjoncture actuelle, qui voit les prix de la pierre (notamment à Paris, Bordeaux ou Aix-en-Provence) et de lʼor enfler substantiellement, il y en a certains qui y ont déjà prévu cela. ■
[1]Cité par Baptiste Legrand, « Les régimes spéciaux se rebiffent », LʼObs, n° 2862, 12 septembre 2019.