par Gérard Leclerc
« Oui, il se pourrait bien que le projet de loi soit le texte de tous les dangers. »
Selon le président de la République lui-même, la loi bioéthique qui est discutée aujourd’hui dans l’hémicycle du Palais Bourbon est « le texte de tous les dangers ».
La thèse Nanette Gartrell
Même s’il se rassure au motif qu’il a été très bien préparé, Emmanuel Macron craint, sans aucun doute, une division profonde du pays qui s’ajouterait aux autres causes de tension. On saura très vite si le ton monte entre les parlementaires, partisans ou adversaires du projet de loi. Et si l’opposition de la rue sera aussi massive qu’au moment du mariage pour tous. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que le débat de fond est sérieux et qu’il va au-delà des problèmes posés par l’homoparentalité. Mais, à elle seule, cette question provoque des oppositions frontales. Ainsi Le Monde fait une ample publicité à Nanette Gartrell, « chercheuse américaine » qui affirme que les enfants élevés par un couple de femmes se portent aussi bien que les autres. Ils se porteraient même beaucoup mieux à l’en croire, parce que, je cite : « Aucun d’entre eux n’a souffert d’agression sexuelle ou de violence de la part d’un parent ou d’un proche », alors qu’il en va tout autrement pour les enfants élevés dans les familles dites hétérosexuelles. Cette différence est spectaculaire nous est-il asséné.
L’avis de l’Académie nationale de médecine
Ce n’est pas l’avis de notre Académie nationale de médecine qui vient de déclarer que « la conception délibérée d’un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure » et qu’elle n’est pas « sans risque pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant ». D’ailleurs, le professeur Mattei, ancien ministre de la Santé, qui a rédigé ce document met en cause « les données rassurantes des études menées dans des pays anglo-saxons et européens sur la santé et l’équilibre des enfants des familles homoparentales ». Non seulement, elles ne sont pas très convaincantes sur le plan méthodologique mais elles émanent d’évidence d’organismes militants.
Nier l’importance du père dans le développement psychologique de l’enfant peut conduire très loin, philosophiquement parlant. Les idéologues les plus extrémistes ne proposent-ils pas, en parfaite logique, d’en finir avec la reproduction naturelle sexuée, afin de poursuivre un projet de libération radicale de notre condition, en éliminant définitivement l’exploitation et la domination forcément masculines. N’est-ce pas la conclusion à tirer des propos de Mme Gartrell, opportunément mise en vedette par Le Monde à la veille de la discussion publique à l’Assemblée nationale. Oui, il se pourrait bien que le projet de loi soit le texte de tous les dangers, bien au-delà de la crainte du président de la République. ■
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 septembre 2019.
On oublie dans cette affaire de revenir sur les analyses qui furent avancées dans des sphères bien pensantes (traduire de gauche) dans les années de plomb auxquelles il est peu fait référence : les allemands manquaient de pères dans les années d’après guerre, les classes d’enfants et d’adolescents nés entre 1940 et 1945 étaient des classes d’orphelins. Et que croyez vous qu’il advint? Ils furent déboussolés au sens propre et nombre d’entre eux poussèrent leur quête d’absolu jusqu’au terrorisme anarchiste. Il y eu Baader et la fraction armée rouge et d’autres moins connus mais tout aussi désespérés, aujourd’hui le désespoir des mères célibataires par choix et non par déterminisme est le seul qu’on entende, triste et dangereuse époque.
Ce n’est pas seulement d’enfants sans père dont rêvent les tenants du politiquement correct à l’américaine, mais plus profondément d’une éradication du Père, avec un P majuscule, comme disent les psychanalystes, c’est-à-dire de la Loi et de l’ordre symbolique. Nous assistons à un grand retour de l’idéologie matriarcale, même chez ceux qui n’ont pas lu Bachofen et ce n’est sans doute pas un hasard si ce fantasme d’un enfant sans père se manifeste à une époque où l’on voit resurgir, à travers une certaine conception de l’écologie, la culte de la Terre Mère, des puissances chthoniennes etc. et des idéologies fusionnelles. L’académie de médecine parle de bouleversement anthropologique et le mot n’est pas trop fort, c’est une rupture profonde de la logique de la filiation, qui ne manquera pas d’avoir des effets délétères non seulement sur le développement psychologique des enfants (on voit d’ici les psychanalystes se frotter les mains à l’idée de la clientèle qui ne manquera pas d’arriver dans leur cabinet dans une vingtaine d’années) mais également sur le droit et la transmission. Que sera chez un enfant sans père le rapport à l’interdit, à la Loi et à l’ordre symbolique ? La PMA d’autre part n’est que le premier pas vers la légalisation de la GPA qui est le but réel visé, de la même façon que le PACS n’avait été que la première étape vers le mariage homosexuel. En avant vers la commercialisation de l’enfant pour la satisfaction des désirs narcissiques des bobos progressistes.
» La France est malade de sa politique comme certains enfants de leur mère : dirigeants n’osant plus diriger, citoyens infantilisés attendant tout de l’Etat… Où sont les pères ? Est-ce la fin de la référence paternelle et de l’ordre symbolique ? » C’est ainsi que le psychanalyste Michel Schneider présentait son ouvrage consacré à l’État Providence, intitulé Big Mother. Un État envahissant, prévenant, tyrannique au nom de la sollicitude, étouffant comme certaines mères, c’est un autre aspect de ce monde sans père dont on voit d’autres symptômes moins essentiels mais tout aussi parlants. Deux exemples : ces jeunes pères portant leur bébé dans un harnais sur leur ventre (un essayiste disait à ce propos que dans les sociétés occidentales, les hommes devenaient des femmes comme les autres) et ces panneaux qui à l’entrée des villages de la France profonde nous recommandent de ralentir, avec l’image d’enfants jouant au ballon, et ces inscriptions niaiseuses » Roulez tout doux, pensez à nous » ou » Ralentissez, les mamans vous remercient ». Ou encore ces réactions après des attentats terroristes consistant à se tenir en rond avec des bougies et à mettre des nounous en peluche sur le lieu de l’attentat. Devant ce genre de choses, j’ai envie de me replonger dans le beau livre très politiquement incorrect du professeur de Harvard Harvey Mansfield intitulé » Virilité ».
Il est évident que ce qu’on veut supprimer, en supprimant le « Père », c’est la notion d’autorité. Le travail a été bien commencé en mai 68 et se poursuit inlassablement depuis lors. Zemmour a écrit là-dessus des pages judicieuses.