par Gérard Leclerc.
« Non, la police n’a rien à voir là-dedans et on peut discuter de la compétence de la justice. »
La société de vigilance qu’Emmanuel Macron souhaite susciter face aux périls qui nous menacent est très loin d’avoir trouvé sa formule adéquate. On cherche avec difficulté ce qui pourra la distinguer de la société du soupçon rejetée par le président, sans qu’il nous indique ce qui les oppose vraiment. Ce qui est sûr, c’est que « l’hydre islamiste » dénoncée porte à une sorte d’incandescence le débat public avec des questions inflammables. Parler d’immigration, tenter de comprendre la nature de l’islam et celle de ses désinences variées, c’est risquer l’explosion. Et franchement, il y a de quoi, même si on aimerait que la discussion s’ordonne de la façon la plus argumentée possible, pour qu’on progresse dans l’intelligence de nos défis les plus sérieux. Faut-il pour autant, par crainte de débordements, organiser une sorte de police de la pensée chargée de corriger les excessifs et de faire taire les malfaisants ? Ou du moins ceux qu’on désigne pour tels.
Bien sûr, l’expression orwellienne de « police de la pensée » est en elle-même violente et d’aucuns diront caricaturale. Mais on est obligé de la faire intervenir dès lors qu’on menace de mesures de coercition ceux que l’on pense indésirables. Disons le franchement. Il y a une affaire Éric Zemmour. Faut-il vraiment le faire taire, comme le réclament certains de ses confrères, et dès lors qu’un éditorialiste a été jusqu’à prétendre que ce polémiste nous exposait à rien moins qu’un crime contre l’humanité, puisque « les crimes contre l’humanité ont commencé par des mots ». Sans doute, l’intéressé pourra-t-il répondre que, jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont pas ses mots qui ont tué mais bel et bien ceux qui se réclament de l’islam radical.
Le problème posé pour l’instant est, néanmoins, celui de la liberté d’expression. Est-ce qu’en encadrant celle-ci, on arrangera quoi que ce soit ? Est-ce qu’au contraire on ne s’expose pas à l’éradication de la parole qui fait mal, mais qui oblige à réfléchir ? Et qui oblige aussi à répliquer avec la même énergie et la même force de conviction, si l’on pense qu’elle est erronée et dangereuse. Obliger quelqu’un à se taire, c’est parfois lui donner une autorité supérieure auprès d’une opinion persuadée qu’on veut lui cacher les choses. Non, la police n’a rien à voir là-dedans et on peut discuter de la compétence de la justice. ■