PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cette chronique est parue dans Le Figaro papier du 11.10. Mathieu Bock-Côté y énonce la formule mise en exergue ci-dessous qui touche pour nous à l’essentiel. Elle va très loin dans la contestation du système politico-culturel, voire institutionnel, y compris nommément républicain, qui, en l’espace de deux siècles a épuisé la France. Et qui la détruit aujourd’hui avec une intensité renouvelée à la fois par l’immigration massive et par la déconstruction sociétale, qui n’est pas le sujet ici, mais qui est, pour détruire et décomposer, d’une redoutable efficacité. La réflexion que poursuivent Mathieu Bock-Côté et un nombre d’autres croissant, les idées qu’ils martèlent, finissent, ainsi, par porter. Les royalistes d’Action Française doivent le savoir, s’y associer, y prendre leur part. JSF
« Un pays se caractérise aussi par un substrat identitaire, qui ne se laisse pas réduire dans les paramètres du contractualisme républicain. »
Il était inévitable qu’Emmanuel Macron, l’homme du « en même temp s», prenne un jour la pose du grand leader affrontant sans fausse pudeur la question de l’immigration.
Il était inévitable aussi que la gauche médiatique transforme cela en scandale : c’était le tour de Macron de faire le jeu du Rassemblement national et de légitimer les « peurs » qui alimentent le « populisme ». Il était assuré, aussi, que le commun des mortels témoignerait d’une immense lassitude devant ce qui semble être un festival de paroles creuses lors du débat à l’Assemblée le 7 octobre.
On pourrait écrire une histoire des discours volontaristes depuis trente ans prétendant chaque fois reprendre le contrôle sur les flux migratoires, la fermeté étant chaque fois censée se conjuguer avec l’humanisme. Cela n’a pas empêché l’immigration massive de se poursuivre. Le tripatouillage statistique de certains démographes et historiens lyssenkistes au service du régime diversitaire a cherché à dissimuler une transformation profonde de la population française, qu’il n’est d’ailleurs pas permis de mentionner sans se faire extrême-droitiser. Le commun des mortels ne se laisse pas pour autant bluffer. Il y a des limites à vivre dans le déni.
Pour bien penser la question de l’immigration, il faut sortir du périmètre étroit où on l’enferme. Il est bien vu, lorsqu’on entend faire preuve de fermeté, d’en appeler à coups de rodomontades à une assimilation véritable des populations immigrées à la nation française. Tout le problème survient quand il faut définir cette dernière. On se réfère normalement à l’universalisme républicain et aux principes des Lumières qui le soutiendraient. Certes : ils sont assurément au cœur du patrimoine national. Mais trop souvent, on en propose une lecture désincarnée. La nation se définirait exclusivement comme une communauté de citoyens, sans référence aux mœurs ou à la culture. La laïcité elle-même, quoi qu’on en pense, n’est pas immédiatement universelle : elle s’ancre dans l’expérience historique française et semble souvent incompréhensible pour ceux qui n’en ont qu’une connaissance superficielle, comme on le voit dans le monde anglo-saxon. Trop souvent, d’ailleurs, une partie des élites politico-médiatiques pontifie sur les valeurs de la République pour ne pas avoir à parler de la France. N’est-il pas même permis, à leurs yeux, de douter de l’existence de la culture française La logique postnationale transforme la France en surface plane condamnée à la désincarnation.
Il faut renouer avec une conception plus dense de la nation. Il s’agit d’assimiler les immigrés à un peuple historique particulier, qui a tout avantage à vouloir imposer ses propres mœurs, s’il entend servir de norme identitaire aux populations nouvelles. L’historien québécois Michel Brunet disait que trois facteurs pèsent dans l’histoire des peuples : le nombre, le nombre et encore le nombre. Comment imposer les « valeurs de la République » lorsque l’école, par exemple, se retrouve devant une concentration extrêmement élevée de jeunes qui sont culturellement étrangers à la France, à ses coutumes, à ses usages. Les conditions sociologiques de l’assimilationnisme républicain sont en train de disparaître – en certains endroits, que l’on nomme pudiquement les territoires perdus de la république, mais qui sont en fait les territoires perdus de la nation française, elles sont disparues depuis longtemps. On ne saurait assimiler à une conception ethnique de la nation le simple rappel que toutes les populations ne sont pas interchangeables. Un pays ne saurait être absolument indifférent à la population qui le compose, sauf à se présenter comme une construction sociale artificielle où les communautarismes confisqueront tôt ou tard la souveraineté. Il se caractérise aussi par un substrat identitaire, qui ne se laisse pas réduire dans les paramètres du contractualisme républicain.
Les théoriciens militants des sciences sociales ont beau redéfinir sans cesse à la baisse leur définition de l’intégration, pour nous faire croire que tout se porte pour le mieux dans le meilleur des mondes, ils ne sont plus crus. Le sens commun veut reprendre ses droits, et c’est à son école que doivent se mettre ceux qui veulent parler sérieusement d’assimilation. C’est avec l’immigration massive qu’il faut rompre, qu’elle se présente par la filière régulière ou irrégulière, pour que cesse la formation d’un nouveau peuple « issu de la diversité », dont certains éléments sont trop souvent indifférents ou hostiles à leur pays d’accueil. Un sans-papiers, par définition, a pour vocation de quitter la France. Mais il faut aussi entreprendre une reconquête identitaire et politique du territoire français, pour le réintégrer dans la communauté nationale, en rappelant que les immigrés accueillis au fil des décennies ne sont pas appelés à se séparer de leur patrie d’adoption au nom du droit à la différence mais à en prendre le pli identitaire, en apprenant à dire « nous » avec lui. ■