PAR RÉMI HUGUES.
Quelque chose se trame.
Ce passage clôt la chronique d’Éric Zemmour dans Le Figaro Magazine du 11 octobre 2019 : « Les conservateurs sont condamnés à perdre tous leurs combats face aux progressistes dans le cadre d’un combat entre seuls vainqueurs de la mondialisation. Leur seule chance de renverser la table est de s’allier aux vaincus de la mondialisation, aux gilets jaunes, aux populistes, bref aux classes populaires. Sans cette alliance, sans ce compromis historique, toutes les manifestations du monde ne serviront à rien. »
Cette remarque, ça n’est pas autre chose qu’une redite de ces lignes écrites par Patrick Buisson dans la préface de la nouvelle édition revue et augmentée de La cause du peuple : « Aujourdʼhui, la jonction entre la France de la ʽʽManif pour tousʼʼ et la France de Johnny Hallyday telle quʼon lʼa vue émerger des profondeurs du pays le 9 décembre 2017, à lʼoccasion des grandioses funérailles de la rock star, peut dʼautant plus sʼopérer naturellement que, par-dessus les origines de classe, lʼattachement à un même patrimoine immatériel les rapproche à travers la question identitaire, mais aussi lʼenracinement et la transmission, le localisme et les circuits courts, le coutumier et les mœurs. »[1]
Ainsi Buisson et Zemmour sont raccord. Et cela n’est aucunement dû au hasard. Ils partagent le même point de vue, ce qui les a conduits à adopter la même stratégie en vue d’une prise du pouvoir. Afin de réunir une majorité de Français, plutôt que lʼillusoire « union des droites », ils entendent réaliser la « quadrature des classes » pour reprendre lʼexpression de Thibault Muzergues[2]. (Photo : Buisson au colloque de l’A.F. à Paris en mai dernier)
Ce dernier explique que la France électorale est coupée en quatre blocs – les bobos, les bourgeois de province « tradis », la « nouvelle minorité » (soit les petits blancs) et les millenials, cʼest-à-dire les jeunes. Il s’agirait donc de réussir l’alliance de deux de ces blocs au premier tour de la présidentielle pour s’assurer de l’emporter au second. En utilisant d’autres termes – plus adéquats sans doute au demeurant – Buisson et Zemmour dessinent peu ou prou une représentation socio-politique identique à celle du politiste proche des milieux républicains américains.
Or ils n’entendent pas en rester aux mots. Le 2 octobre 2019 l’hebdomadaire L’express a révélé que se « prépare la création d’une structure pour travailler à l’union des conservateurs et des populistes. » Cette « plateforme », pour reprendre le vocable utilisé par l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy devant David Pujadas sur LCI en juin dernier, devrait porter le nom générique « La Cause », en référence au best-seller de Buisson, La cause du peuple.
A priori, si l’on s’appuie sur ce qu’en dit Valeurs actuelles, « La Cause » ne devrait pas être un parti politique – il semble que l’ère des partis classiques à la Duverger soit révolue – mais une fondation, un think tank, autrement dit un « réservoir d’idées », qui imprime sa marque sur l’opinion publique par le truchement de conférences, d’émissions et de publications d’ouvrages rédigés par des experts reconnus dans leur domaine[3].
Avec comme trésor de guerre possible, la sortie des prochains essais de Zemmour et de Villiers gérée par cette structure, dont les succès littéraires engraissent pour l’instant la bourse des éditeurs du système, tels Albin Michel.
Ceci est un projet dont les sympathisants de l’Action Française, dans la mesure où il pourra constituer une force de projection de l’idée nationale et royale dans le pays, ne peuvent que se réjouir. Car il ne fait aucun doute que ceux qui en sont à l’origine, qui puisent principalement leur tempérament politique dans la prose d’un Charles Maurras ou d’un Jacques Bainville, sont les plus capables aujourd’hui d’être les catalyseurs d’une véritable dynamique sociale et politique. ■
[1] Patrick Buisson, La cause du peuple, Paris, Perrin, 2018.
[2] Une recension de son essai lui a été consacrée ici : https://cerclearistote.com/2018/10/la-resurgence-des-classes-sociales-les-lecons-de-2017/#sdfootnote6sym
[3] https://www.valeursactuelles.com/politique/patrick-buisson-va-devoiler-sa-cause-111337
Une perspective bien tentante. Tout est à construire…
En particulier, comment surmonter les conflits d’ego ?
Un leadership qui se dégage ? Une alliance d’appareils ? (Mais les Gilets Jaunes n’ont pas d’appareil ?)
Pour notre part, pour l’AF, il faut former un corps d’agitateurs suceptible de cornaquer des foules populistes ?
Pouvons nous trouver de véritables alliés parmi les souverainistes de gauche ?
Etc…