par Pierre de Lauzun.
Défendre un mode de vie, c’est reconnaitre qu’il est attaqué. Le dire, c’est supposer un assaillant. Le supposer, c’est le désigner. Ursula, sociale-traitre.
Frau Ursula von der Leyen, habituellement si charmante, si convenable, si politiquement correcte, ne se doutait probablement pas de la tempête politico-médiatique qu’elle allait soulever en proposant un poste de commissaire en charge de la « protection de notre mode de vie européen », en fait des migrants.
On commence à être habitué aux campagnes d’indignation stridente qui sont devenues le mode principal d’expression politique des gens qui comptent, et par là de canalisation de ce qui est autorisé et de ce qui ne l’est pas. Mais là, c’était un modèle du genre. Tout le monde sur le pont ! C’est que pour les opposants, qui couvrent le gros de l’éventail politique hors une partie du PPE, on est dans une « rhétorique dangereuse populiste ». Elle a essayé alors de se défendre en expliquant que « la dignité humaine » faisait partie des « valeurs européennes ». Selon Le Monde, elle a écrit que « le mode de vie européen repose sur la solidarité, la tranquillité d’esprit et la sécurité. Nous devons répondre et apaiser les craintes et préoccupations légitimes concernant l’impact d’une immigration irrégulière sur notre économie et notre société » avant de « plaider pour une meilleure intégration et une plus grande cohésion sociale. Ce qui, poursuit-elle, passe par des réflexions et des actions en matière de formation, de culture, de sports ». Voilà qui se veut rassurant pour notre Landerneau. Mais pas suffisant.
La campagne peut marcher d’ailleurs : rien ne dit que l’aimable Ursula ne va pas céder dans les jours ou semaines qui viennent. Mais quoiqu’il advienne, l’épisode est particulièrement révélateur.
On ne protège que ce qui est attaqué…
L’idée même qu’il faille répondre d’une manière ou d’une autre à une inquiétude manifestement répandue ne passe pas chez les professionnels de la vertu idéologique. Ni a fortiori l’idée qu’on doive “protéger” un “mode de vie européen”. Car si une protection doit être envisagée, quelle qu’elle soit, c’est évidemment qu’il y a quelque chose qui ressemble à une menace, un risque que ce “mode de vie” soit remis en cause ou au moins altéré. Or le commissaire s’occupera des migrants. Et il ne s’agit évidemment pas d’une menace pesant sur les migrants : implicitement, la menace, c’est eux (y compris involontairement). Menace qui selon ce qui est dit paraît viser deux champs : la solidarité et l’économie d’un côté, la société, la sécurité et la tranquillité d’esprit de l’autre. C’est dit gentiment, mais cela va loin. Cela implique logiquement qu’il est concevable que les migrants pèsent sur les systèmes de sécurité sociale, ne soient pas une chance pour l’économie, modifient les données de la vie commune au point de changer notre mode de vie, et créent de l’insécurité, le tout source d’inquiétude grave. Tout cela peut paraître une évidence au citoyen moyen, mais, au niveau bien propret de Bruxelles, c’est nouveau, et plutôt fort de vinaigre. Même le bon M. Juncker était choqué, entre deux verres.
Notons que, ce faisant, aucune action nouvelle n’est envisagée. Ce que l’on comprend, c’est qu’il s’agira de formation, de culture, de sport. À l’évidence au profit des migrants, la culture et le sport adoucissant les mœurs. Mais pas plus. Rien sur le contrôle des entrées. Rien sur une quelconque sélection (ne serait-ce que par rapport à l’économie, puisqu’on en parle). Rien bien sûr sur une demande d’intégration (ne parlons pas d’assimilation). Rien sur des mesures de sécurité. Le contraste entre ce manque total d’ambition réelle et la fureur des protestataires n’en est que plus étonnant. Une seule explication : c’est qu’ils sentent au fond d’eux-mêmes que la meilleure tactique pour eux est de casser le débat à la base. Car dès qu’on commence à parler comme la chère Ursula de « mode de vie européen », de « tranquillité d’esprit et de sécurité », et a fortiori de « craintes et préoccupations légitimes », on n’échappe pas à une série de constatations qui minent le lénifiant discours dominant.
À la recherche du mode de vie européen
Car dans le modèle européen officiel, la question ne se pose pas. L’Union européenne d’aujourd’hui se veut fondée sur un genre de patriotisme constitutionnel à la Habermas : des traités, des procédures, des déclarations de droits universels interprétés par des juges, la concurrence et l’uniformisation des lois et des réglementations. D’ailleurs, dans une tribune ultérieure, destinée à se défendre, la nouvelle présidente se réfère à l’article 2 du traité de l’Union européenne qui définit ces “valeurs communes” : « l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. » Qui donc parle de mode de vie là-dedans ?
Autre piège qu’ont bien senti les censeurs : qu’est-ce qu’on entend exactement par mode de vie européen ? Les traités n’en parlent pas, ils ne parlent que des droits. Et implicitement l’intitulé implique que ce mode de vie européen existe déjà. Or ce ne peut pas être uniquement et directement la sécurité ou la solidarité : c’est donc a priori quelque chose d’autre, qui peut à son tour être source de sécurité ou de solidarité. Une culture ? Une sociologie ? Une manière d’agir ou d’être ? Forcément quelque chose de ce genre. Appuyées sur des lois bien sûr ; mais pas uniquement, puisque ces lois ne suffisent pas à conjurer la menace. De fil en aiguille, on entre alors dans un domaine qui commence à ressembler terriblement à la problématique de l’identité, ou du patriotisme. Mais alors, nouveau danger, que les censeurs connaissent bien : pas plus qu’il n’y a de peuple européen, il n’y a de culture commune ou d’identité (quel que soit le sens donné à ce mot) européenne. Bien sûr il y a des éléments communs, nombreux, mais ce ne sont que des aspects, des ressemblances, un passé en partie commun ; mais cela ne fait pas une représentation d’ensemble comme au niveau national, encore moins une communauté. Concrètement d’ailleurs, si on veut assimiler des migrants, ou même simplement les intégrer, ce sera comme Français, Allemands, etc. ; pas comme “Européens génériques” : cela ne voudrait rien dire. Au mieux, alors, l’Europe viendrait en aide, de façon subsidiaire, à ces communautés qui sont d’abord nationales. Mais cela impliquerait un virage à 180° de l’idée que l’Europe a d’elle-même. Virage qui serait bienvenu d’ailleurs…
Il est hautement improbable que Frau von der Leyen veuille s’engager dans cette voie. Mais comme les censeurs l’ont bien vu, tout se tient. Si elle met le doigt dans l’engrenage, la question maudite va s’accréditer. Il lui faudra aller plus loin, dans une direction qu’ils abhorrent. Alors on pilonne. Préventivement. ■
Pierre de Lauzun
tient un blog d’actualités politiques, économiques et religieuses : ICI
Pour légitimer leur Europe, les faiseurs de lois on détruit la mémoire des peuples. Ils se voyaient déjà peuple Européen, avec une carte d’identité Européenne et voilà que les migrants viennent poser une question de fond. Les émigrants se veulent Européen et bien non impossible ils seront intégrés dans un pays déjà en place depuis des millénaires. Nos apprentis sorcier voulaient inscrire une nouvelle histoire avec de nouvelles références, les voilà pris au piège.
Mai au fait un pays c’est avant tout un peuple, c’est à dire des gens qui se sont constitués par identité et par une langue. Pendant plus de mille cinq cent ans, » le », pardon les peuples de France s’ignoraient et le pouvoir local émanait d’eux dans chaque région. Que nos petits Français apprennent l’histoire de leur région, la Bretagne, l’Occitanie, la Normandie , la Provence, Le pays Basque sans oublier la Corse. Il serait bien que nos enfants apprennent enfin l’histoire, la vraie, et sachent que dans toutes les régions de France et particulièrement en Bretagne le pouvoir local tenait par la légitimité du peuple et non du souverain. Il aura fallu deux mille ans pour construire un peuple de France, il en faudra tout autant pour réussir un peuple d’Europe, s’il se réalise un jour. En France le pouvoir central a pris naissance avec les derniers roi, les révolutionnaires n’ont fait que de prolonger le mouvement. Alors pourquoi notre actuelle république délègue ce pouvoir du peuple aux fonctionnaires de l’Europe. C’est un recul de note liberté locale ?
Que l’Europe soit menacée par la colonisation migratoire est sans doute une évidence. Mais parler d’un ‘’mode de vie européen ‘’ qu’il faudrait défendre me laisse quelque peu sceptique. Nul ne songe à nier la grandeur de la civilisation européenne, fille de la Grèce, de Rome et du judéo-christianisme mais la question est de savoir ce qu’il en reste et qui mérite d’être défendu ou préservé. On peut noter la rage de l’Europe à nier ses origines, il n’y a qu’à voir le tollé soulevé par la référence aux racines chrétiennes de l’Europe dans un texte constitutionnel. D’autre part comme le faisait remarquer Régis Debray l’Europe d’aujourd’hui est en voie d’américanisation rapide, tant sur le plan des comportements que des mœurs, la dernière vague étant l’arrivée de ce puritanisme haineux qu’on appelle le politiquement correct. Depuis des décennies on assiste à une colonisation de l’imaginaire européen par l’industrie américaine du divertissement. Les cultures populaires européennes sont en voie d’éradication rapide, remplacée par une culture de masse propagée par les médias. Il n’y a que dans les pays européens pour le moment un peu préservés, comme la Bulgarie, où l’on voit des foules nombreuses se presser aux concerts de chœurs de femmes interprétant les admirables chants paysans des Rhodopes. L’Europe d’aujourd’hui c’est l’individualisme grégaire si bien prophétisé par Tocqueville lorsqu’il disait ‘’ je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres. Ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. ‘’ C’est aussi le consumériosme frénétique, le culte du présent perpétuel et la réalisation de soi par le moyen des objets. Le mode de vie européen d’aujourd’hui, c’est trois divorces pour cinq mariages, la désagrégation de la famille sous l’effet des ‘’ avancées sociétales ‘’ la promotion de l’inversion, la prochaine marchandisation de l’enfant par GPA interposée. C’est aussi la faillite de la transmission, liée à une idéologie du progrès qui amène à mépriser le passé et ses réalisations. Faillite qui se voit dans la difficulté d’être parent. Houellebecq faisait dire à un personnage d’un de ses romans ‘’ Je suis salarié, je suis locataire, je n’ai rien à transmettre à mon fils. Je n’ai aucun métier à lui apprendre, je ne sais même pas ce qu’il pourra faire plus tard ; les règles que j’ai connues ne seront de toute façon plus valable pour lui, il vivra dans un autre univers. Accepter l’idéologie du changement continuel, c’est accepter que la vie d’un homme soit strictement réduite à son existence individuelle, et que les générations passées et futures n’aient plus aucune importance à ses yeux. C’est ainsi que nous vivons ‘’. L’estompement du passé estompe aussi le lien entre les générations qui coexistent plutôt qu’elles ne s’enchaînent. Cette crise de la transmission se voit dans le renoncement à la culture classique imposé par l’école, plus soucieuse d’équiper chaque élève d’un ordinateur ou d’une tablette que de le pourvoir de la connaissance des grandes œuvres du passé, Sous l’effet de la déferlante libérale, nous assistons à une accélération du changement tellement rapide que, comme le disait un personnage de Lewis Carroll, il faut courir très vite pour simplement pouvoir rester en place. On ne se sent humain que lorsqu’on peut trouver sa place dans un monde tel que le définissait Arendt, ce qui nous accueille à notre naissance et que nous laissons derrière nous en mourant ; ce qui était là avant nous et survivra à notre bref séjour ; ce que nous partageons avec les hommes du présent, mais aussi et peut-être même surtout du passé. Que reste-t-il du monde dans cet univers de changement permanent et de plus en plus rapide ? Où les enfants méprisent leurs parents parce que ces derniers ne ont pas à l’aise avec les derniers gadgets à la mode ? L’Europe a crée de grandes choses, l’idée d’Amour et l’amour courtois, nous disait il y a bien des décennies Denis de Rougement, et qui a alimenté la grande littérature de notre tradition. Aujourd’hui, sous l’effet de la consommation et de la ‘’ destruction de tous les tabous ‘’ et pour le plus grand profit des marchands, on voit une industrialisation du sexe, facilitée par les nouveaux moyens de communication. Des spécialistes chiffrent en milliards les profits de la pornographie à laquelle les enfants des écoles sont exposés par l’intermédiaire de leurs écrans de smartphone. Défendre le ‘’ mode de vie européen ‘’ d’aujourd’hui, lorsqu’il se réduit à la recherche exclusive du bien-être matériel, aspiration dont la satisfaction est sans cesse repoussée puisqu’il y a toujours de nouveaux objets, et au divertissement abrutissant ? Peut-être, mais ce sera sans moi.
M. Jean de Maistre, c’est parfait.
Alors pour sauver le soldat Europe, il faut en préalable sauver le soldat France?
Comme un énarque issu du peuple bourgeois ne reniera pas ses envies Américaines, il traduira l’histoire à la mode républicaine, sans se soucier des petites gens de France. Seul un souverain peut encore sauver et faire prospérer la France dans le 21 ième siècle, sans renier notre passé. Pour construire, il faut apprendre les vérités. Observons BHL et Zemmour, le premier prend des faits généraux dans l’histoire et construit son analyse, ce qui le positionne ; le second plus intellectuel ( tel que Fénélon, la vérité bien raisonnée produit l’esprit, autrement dit l’intelligence) se nourrit des vérités issues de faits précis et raisonne dessus, sans prendre parti. L’un construit le mensonge républicain, l’autre nous apprend à lire l’histoire du passé, sans y apporter notre propre point de vue.
Qu’ est ce que le mode de vie européen d’ Ursula von der Leyen ? mièvrerie et il faut une exégèse pour rendre consistant le propos qui n’engage à rien , en fait .
Il est est heureux que soit arrivé le commentaire de Monsieur Jean de Maistre mettant les choses au point sur la crise actuelle des valeurs européennes et de façon bien détaillée .
Je suis assez étonné de ces commentaires. Vous croyez qu’il y en a beaucoup sur ce blog qui veulent sauver le mode de vie européen selon Bruxelles ? Celui-là nous l’abhorrons tous. L’article me semble dire que les peuples cependant poussent en sens contraire. Les peuples qui ne veulent pas mourir, les nations qui se battent pour demeurer souveraines. Cela existe aussi, même en France. Sans-doute maladroite, cette réaction se développe. Elle inquiète les pseudo élites européistes. Si nous l’ignorons qui sommes-nous ? A moins que, comme le Pape, nous considérions que l’Europe est définitivement morte. Et qu’on tire l’échelle sur elle; Dans ce cas, pour paraphraser Jean de Maistre, ce sera sans moi. Car alors, que faisons-nous ici ou ailleurs ? Quelle cohérence est la nôtre ? Et quand bien même, beaucoup de choses renaissent qui sont déjà mortes, dit Horace. Ce latin avait du courage. Allez à Cracovie, à Budapest,à Vienne et même à Londres ou à Rome, vous verrez s’il n’existe pas de volontés de sauver la véritable Europe, dans ses diversités nationales et autres, mais aussi son unité.